Communiqué de presse

Les autorités libyennes doivent protéger les habitants de Bani Walid lors des affrontements

Amnesty International demande aux autorités libyennes d’assurer la protection des habitants dans le contexte des tirs inconsidérés qui ont lieu à Bani Walid et de veiller à ce que l’accès à la ville ne soit pas restreint de manière arbitraire. Elle lance cet appel alors que des affrontements armés ont éclaté en périphérie est de Bani Walid et qu’une délégation de la société civile qui devait s’y rendre en vue de régler les tensions a été bloquée en route.

Selon des habitants et des médecins locaux, les affrontements armés dans le secteur de Mardoum, sur le flanc est de la ville, ont fait trois morts parmi les habitants de Bani Walid le 10 octobre, dont Mohamed Mustafa Mohamed Fathallah, neuf ans, et son oncle de 25 ans, Abdel Azim Mohamed al Mabrouk. D’après leurs proches, ils ont tous deux été mortellement blessés par des éclats d’obus le 10 octobre, vers 16 heures, alors qu’ils tentaient de s’abriter dans la maison d’un parent dans le quartier d’al Nahr, situé également en périphérie est de la ville. Ces proches ont raconté à Amnesty International que les victimes avaient fui leur propre maison dans le secteur de Mardoum, là où se déroulent les affrontements, pour se mettre à l’abri, et qu’ils se trouvaient à 2,50 mètres de la maison lorsqu’ils ont été mortellement touchés.

Le 12 octobre, un groupe d’hommes armés, semble-t-il membres des Forces du bouclier libyen et d’autres milices, ont empêché une importante délégation formée de quelque 120 militants de la société civile et dirigeants tribaux de se rendre à Bani Walid. Ils ont bloqué le convoi à un poste de contrôle établi à environ 60 kilomètres de la ville, sur la route principale reliant la capitale Tripoli. Selon le témoignage de deux de ses membres, cette délégation n’a pas pu poursuivre sa route, alors qu’elle avait l’autorisation de Mohammed Magariaf, président du Parlement libyen – le Congrès national général. Son objectif était d’évaluer la situation sur le terrain, de rendre visite à des détenus et de s’entretenir avec des dirigeants locaux de Bani Walid. Les membres de la délégation ont raconté à Amnesty International qu’ils avaient ensuite eu une altercation avec les hommes armés qui tenaient le poste de contrôle et que ces derniers avaient tiré en l’air pour disperser le convoi.

Le 25 septembre, le Congrès national général a demandé aux ministres de l’Intérieur et de la Défense d’arrêter, par la force si nécessaire, des suspects à Bani Walid, notamment les personnes qui auraient torturé et tué Omran Shaaban, originaire de Misratah, l’un des hommes à qui l’on attribue la capture du colonel Mouammar Kadhafi le 20 octobre 2011.

Depuis lors, des soldats de l’armée libyenne, des Forces du bouclier libyen et des milices armées de diverses régions du pays, dont Misratah, ont encerclé Bani Walid, et des affrontements ont éclaté dans la banlieue est de la ville. Outre les victimes recensées parmi les habitants, trois membres des Forces du bouclier libyen sont morts et 35 ont été blessés lors des confrontations près de Mardoum le 10 octobre, d’après le porte-parole du chef d’état-major de l’armée libyenne. Il a ajouté que l’armée libyenne avait reçu des instructions très claires afin de ne pas bloquer l’acheminement jusqu’à Bani Walid des fournitures médicales et des denrées de première nécessité, et qu’une délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et du Croissant-Rouge libyen s’était rendue à Bani Walid le 11 octobre. Ce jour-là, le CICR a publié un communiqué de presse dans lequel il indiquait avoir livré des fournitures médicales à Bani Walid.

Complément d’information

Le 5 octobre, Amnesty International a engagé les autorités libyennes à faire preuve de la plus grande retenue concernant tout recours à la force, qui doit être proportionné à l’objectif poursuivi, à savoir l’arrestation de suspects, et à faire en sorte que l’accès à Bani Walid ne soit pas restreint de manière arbitraire. D’après les informations qu’a reçues Amnesty International, au cours des 10 derniers jours, des véhicules transportant du matériel médical, du carburant et de la nourriture, mais aussi de simples passagers, se sont vus interdire l’accès à la ville, tandis que d’autres étaient autorisés à s’y rendre.

Le 12 octobre, une voiture privée transportant des fournitures médicales à destination de Bani Walid aurait été stoppée à environ 40 kilomètres de la ville par un groupe d’hommes armés. Les miliciens auraient emmené ses deux passagers, ainsi que le véhicule et le matériel. Le même jour, vers 13 heures, un autre homme qui se rendait à Bani Walid a raconté à Amnesty International qu’il s’était vu intimer l’ordre de faire demi-tour à ce même poste de contrôle, sans aucune explication.

Les tensions historiques entre Bani Walid et Misratah ont été encore exacerbées par la mort d’Omran Shaaban le 24 septembre. Thuwwar de Misratah (ou « révolutionnaires », comme sont généralement appelés les combattants anti-Kadhafi) et membres des Forces du bouclier libyen, Omran Shaaban et Mohamed Abdallah Ali ont été enlevés vers le 9 juillet près de Bani Walid. Omran Shaaban a été libéré le 11 septembre, tout comme deux autres habitants de Misratah détenus par les milices armées à Bani Walid.

Lorsqu’Amnesty International s’est rendue à l’hôpital à Misratah le 12 septembre, Omran Shaaban était paralysé et avait sombré dans le coma. Il a été transféré en France pour y être soigné, mais a succombé à ses blessures par balles le 24 septembre. Deux autres détenus de Misratah libérés en même temps qu’Omran Shaaban ont été torturés. Au moins quatre autres habitants de Misratah seraient aux mains de milices armées à Bani Walid. Lorsqu’Amnesty International s’est rendue à Bani Walid le 20 septembre, malgré ses demandes auprès des autorités locales, elle n’a pas pu déterminer le lieu où ils se trouvaient ni leur rendre visite.

Bani Walid est l’une des dernières villes à être tombée aux mains des forces hostiles à Mouammar Kadhafi, au cours du conflit armé interne qu’a connu la Libye en 2011. Des centaines d’habitants ont été arrêtés par les milices armées. Nombre d’entre eux sont toujours détenus sans inculpation ni jugement dans les geôles et les centres de détention libyens, y compris à Misratah. Beaucoup ont subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements. Lorsque les forces anti-Kadhafi sont entrées dans Bani Walid en octobre 2011, elles se sont livrées à des pillages généralisés et à d’autres violations des droits humains.

Des milliers de personnes soupçonnées d’avoir combattu pour le gouvernement de Mouammar Kadhafi ou de l’avoir soutenu sont toujours détenues dans toute la Libye. Pour la plupart, elles n’ont été ni inculpées ni traduites en justice. Depuis la chute de Tripoli et depuis que le pays est majoritairement passé sous contrôle des forces hostiles à Kadhafi en août 2011, les atteintes aux droits humains commises par les milices armées – arrestations et détentions arbitraires, actes de torture et mauvais traitements, entraînant parfois la mort, exécutions extrajudiciaires et déplacements forcés – perdurent dans un climat d’impunité. Aujourd’hui encore, les milices armées capturent des citoyens en dehors du cadre de la loi et les maintiennent en détention au secret dans des centres de détention secrets, où ils sont exposés à la torture et aux mauvais traitements.

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