Communiqué de presse

Les autorités marocaines doivent rejuger équitablement Zakaria Moumni

Vendredi 3 juin 2011, Amnesty International a appelé les autorités marocaines à ordonner un nouveau procès conforme aux normes internationales d’équité pour Zakaria Moumni, à l’approche de son audience en appel devant la cour de cassation le 9 juin. Zakaria Moumni, ressortissant marocain résidant en France et ancien champion du monde de boxe, a été déclaré coupable sur la base d’« aveux » obtenus sous la torture ou au moyen d’autres mauvais traitements. Lors de son procès, il a en outre été privé d’un droit fondamental de la défense : celui de procéder à un contre-interrogatoire des témoins de l’accusation.

Amnesty International craint qu’il n’ait été arrêté et jugé en raison des opinions critiques qu’il a exprimées sur la chaîne de télévision Al Jazeera et dans le journal Al Ayam au sujet de la mauvaise gestion de la Fédération royale marocaine de boxe et d’autres associations sportives au Maroc, ainsi que parce qu’il a tenté à plusieurs reprises de rencontrer le roi Mohammed VI. Zakaria Moumni a cherché à obtenir une entrevue avec le souverain marocain pour demander une pension ou un poste de fonctionnaire en tant qu’ancien sportif champion du monde, comme le prévoit un décret signé par son prédécesseur, le roi Hassan II.

Amnesty International est très préoccupée par le fait que sa condamnation repose sur une déclaration entachée d’allégations de torture. Bien que Zakaria Moumni ait indiqué au ministère public et au juge d’instruction qu’il avait été contraint à signer une déclaration qu’il n’avait même pas été autorisé à lire, aucune enquête n’a été ordonnée.

L’organisation a par ailleurs engagé les autorités marocaines à ouvrir une enquête indépendante et impartiale sur les allégations de cet homme faisant état d’actes de torture ou d’autres mauvais traitements aux mains des forces de sécurité. Les autorités doivent veiller à ce que la déclaration qui lui a été extorquée sous la torture ne soit pas retenue comme preuve dans le cadre d’une procédure judiciaire.

Zakaria Moumni a été arrêté à son arrivée à l’aéroport de Rabat le 27 septembre 2010, puis inculpé d’escroquerie et condamné à trois ans d’emprisonnement par le tribunal de première instance de cette ville le 30 septembre, à l’issue d’un procès expéditif sans assistance juridique. Il n’a été informé de ce jugement que le 4 octobre 2010 par un avocat engagé pour le représenter, qui a interjeté appel de sa déclaration de culpabilité et de sa condamnation. Le 13 janvier 2011, la cour d’appel de Rabat a confirmé le verdict de culpabilité et ramené sa peine à 30 mois. La cour de cassation doit réexaminer les aspects juridiques de son dossier le 9 juin 2011.

Il semble que l’arrestation de Zakaria Moumni faisait suite à un mandat décerné à son encontre en janvier 2010, bien qu’il ait déjà passé plusieurs jours au Maroc en février 2010. Il a été arrêté après que deux personnes se sont plaintes qu’il leur avait pris de l’argent en échange de la promesse de les aider à s’installer et à trouver un emploi en France. Cependant, aucun de ces plaignants n’a été appelé à témoigner devant le tribunal et l’avocat de Zakaria Moumni n’a pas pu les interroger.

Selon les informations recueillies par Amnesty International, Zakaria Moumni s’est rendu au Maroc pour demander l’autorisation de représenter ce pays lors des championnats du monde de boxe qui devaient avoir lieu en octobre 2010 en Écosse. Il a été appréhendé à son arrivée par des agents des forces de sécurité et maintenu au secret dans le centre de détention secret de Témara jusqu’au 30 septembre, date à laquelle il a pu contacter ses proches pour la première fois depuis la prison de Salé. Les membres de sa famille vivant en France et au Maroc n’avaient pas pu, jusqu’alors, obtenir d’informations à son sujet, malgré leurs demandes de renseignements auprès des autorités marocaines et en violation de l’article 67 du Code de procédure pénale, qui exige que la police judiciaire informe sans délai les familles des détenus de leur arrestation.

Après son arrestation, Zakaria Moumni aurait été maintenu les yeux bandés, menotté et les jambes entravées pendant plus de 72 heures, privé de nourriture et d’eau en quantité suffisante, déshabillé et forcé à rester nu pendant plusieurs heures d’affilée, soumis à la méthode de la falaqa (coups assenés sur la plante des pieds) tandis qu’il était allongé sur le dos, roué de coups de pied, giflé, privé de sommeil et forcé à rester debout, à genoux ou assis attaché à une chaise pendant qu’on l’interrogeait.

Il a été questionné sur les déclarations qu’il avait faites aux médias, notamment à Al Jazeera et Al Ayam, dans lesquelles il critiquait la mauvaise gestion de la Fédération royale marocaine de boxe et d’autres associations sportives au Maroc, ainsi que sur une brève entrevue qu’il avait eue en 2006 avec le roi Mohammed VI. Il a également été interrogé sur ses multiples tentatives pour rencontrer le roi. Son avocat a indiqué qu’il présentait des lésions visibles au tibia quand il l’a vu pour la première fois, le 4 octobre 2010.

Il a été transféré à la police judiciaire à Rabat le 30 septembre, de nouveau interrogé sur son entrevue avec le roi et, selon lui, sommé par des policiers de signer sous la torture une déclaration qu’il n’a pas été autorisé à lire. Le même jour, il a comparu devant le procureur du roi du tribunal de première instance de Rabat, vraisemblablement dans un état perturbé et désorienté et sans être assisté par un avocat. On lui a demandé s’il avait reçu de l’argent de deux personnes qui souhaitaient s’installer en France ; il a nié et les personnes qui avaient, semble-t-il, affirmé qu’il leur avait soutiré de l’argent par des moyens frauduleux n’ont pas été convoquées pour témoigner. Malgré cela, il a été reconnu coupable d’escroquerie au titre de l’article 540 du Code pénal et condamné à une peine de trois ans d’emprisonnement assortie d’une amende.

Compte tenu des allégations de torture qui n’ont pas fait l’objet d’une enquête et de la violation des droits de la défense, Amnesty International demande un nouveau procès équitable pour Zakaria Moumni.

Dans une lettre adressée le 19 novembre 2010 au ministre marocain de la Justice, Mohamed Naciri, l’organisation a fait part de ses préoccupations concernant les allégations de torture formulées par Zakaria Moumni et réclamé une enquête. Cependant, elle n’a jamais reçu de réponse à ses demandes.


Complément d’information

En tant que partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), le Maroc est tenu de ne pas arrêter ni détenir quiconque arbitrairement, de respecter le droit des personnes arrêtées à être rapidement informées des charges pesant contre elles, de les présenter devant les autorités judiciaires dans un délai raisonnable et de leur permettre de contester la légalité de leur détention (article 9), ainsi que de veiller à ce que leur procès soit conforme aux normes internationales d’équité des procès énoncées à l’article 14 de ce texte. Il est également tenu de veiller à ce que les membres des forces de sécurité n’infligent aucun acte de torture ni autre mauvais traitement aux détenus, conformément à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Les autorités marocaines doivent en outre respecter leur obligation de ne pas utiliser des éléments de preuve obtenus sous la torture dans le cadre de poursuites judiciaires, conformément à l’article 15 de cette Convention.

Le 15 mai 2011, le Mouvement du 20 février a appelé à manifester pour réclamer la fermeture du centre de détention secret de Témara, une ville située au sud de la capitale, Rabat. Les forces de sécurité ont eu recours à une force excessive pour disperser ces manifestations pacifiques. Amnesty International a demandé à maintes reprises que le centre de détention de Témara soit fermé.

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