Les autorités tunisiennes doivent enquêter sur de nouvelles allégations de torture

Les autorités tunisiennes doivent diligenter une enquête indépendante et impartiale sur les récentes informations faisant état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements à l’encontre de manifestants en détention, a souligné Amnesty International mercredi 16 mai.

Wahbi Ben Abdel Jalil Ammamou aurait été arrêté le 6 mai par trois membres de la police judiciaire dans un café à Sahline, une ville du gouvernorat de Monastir (est de la Tunisie). Il a indiqué à Amnesty International qu’il avait été conduit au centre d’enquêtes judiciaires, où il avait été battu, insulté et soumis à d’autres formes de mauvais traitements. Il a été accusé d’avoir organisé une grève générale qui devait avoir lieu à Monastir le 7 mai et d’avoir incité des personnes à y participer.

Wahbi Ben Abdel Jalil Ammamou a affirmé que, pendant sa garde à vue, des policiers lui avaient donné des coups de poing, de pied et de matraque sur tout le corps pendant au moins 20 minutes. Il a eu le nez cassé et des blessures au ventre à la suite de ce traitement. Il a ajouté qu’ils l’avaient alors emmené dans un couloir où ils lui avaient fait enlever ses vêtements avant de l’asperger d’eau froide. Selon ses dires, il a été gardé deux heures dans ce couloir avant d’être conduit dans une pièce avec d’autres détenus. Il a finalement été remis en liberté vers midi le lendemain.

La grève générale qui a eu lieu à Monastir le 7 mai a été organisée par des habitants de la ville pour réclamer des offres d’emploi et exprimer leur déception, les promesses faites par les autorités d’améliorer les conditions de vie et de développer la région ne s’étant pas concrétisées.

Les récentes allégations de torture et d’autres mauvais traitements apparaissent alors que de nombreux Tunisiens sont frustrés de constater que le niveau de corruption et de chômage reste élevé et que les conditions de vie sont toujours mauvaises. Des manifestations et des grèves ont eu lieu ces derniers mois, dont beaucoup organisées par les syndicats. Certaines ont été entachées par des actes de violence de la part des forces de sécurité. En février, une manifestation organisée par l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) aurait été dispersée par des agents des forces de sécurité ayant utilisé des gaz lacrymogènes et des matraques, blessant des manifestants et plusieurs journalistes. En avril, une manifestation a été organisée par l’Union des diplômés chômeurs pour réclamer des offres d’emploi. Plus de 35 manifestants ont été battus et roués de coups de pied par des membres des forces de sécurité qui les ont arrêtés avant de les relâcher au bout d’une brève période.

Bien que les faits signalés n’atteignent pas la même ampleur que sous le régime de l’ancien président Zine el Abidine Ben Ali, Amnesty International a reçu d’autres informations faisant état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements en garde à vue depuis le soulèvement de 2010-2011. La plupart de ces signalements émanent de manifestants qui affirment avoir été battus lors de leur arrestation ou pendant leur incarcération dans des centres de détention. Fouad Badrouci, un étudiant de 17 ans, a par exemple été arrêté par la police à Tunis en mai 2011 à l’issue d’une manifestation. Il a été détenu pendant une journée, au cours de laquelle il a été frappé, privé de nourriture et d’eau et forcé à rester dans des positions inconfortables. Lorsqu’on l’a relâché, il avait le nez, le bras et une côte cassés.

Le gouvernement tunisien a modifié des articles de loi relatifs à la torture en 2011 afin de rendre la définition de la torture et des autres mauvais traitements plus conforme aux normes internationales, mais ces dispositions prévoient un délai de prescription de 15 ans. Les autorités tunisiennes doivent sans délai indiquer clairement à tous les membres des forces de sécurité participant à des arrestations, des placements en détention et des interrogatoires que la torture et les autres formes de mauvais traitements ne sont acceptables dans aucune circonstance, que les responsables de tels actes seront traduits en justice et que les victimes recevront des réparations appropriées.

En mai 2011, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture s’est rendu en Tunisie et a noté que des cas de torture et d’autres mauvais traitements continuaient d’avoir lieu. Il a notamment recommandé au gouvernement d’informer la police et les autres responsables de l’application des lois que la torture et les autres mauvais traitements ne sont pas tolérés et que ceux qui les commettent sont pénalement responsables, ainsi que de veiller à ce que des garanties contre la torture soient mises en place dans la pratique.

Les actes de torture et autres mauvais traitements ne sont acceptables à aucun moment, mais ces préoccupations ressortent d’autant plus que le gouvernement tunisien rédige actuellement la nouvelle Constitution du pays, qui devrait consacrer les droits humains fondamentaux et notamment l’interdiction absolue de la torture et des autres mauvais traitements.

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