Les défenseurs des droits humains mis en danger par des tentatives visant à affaiblir une déclaration clé des Nations unies

Déclaration publique

ÉFAI - 23 mars 2010

Déclaration conjointe du Service international pour les droits de l’homme, d’Amnesty International, de Human Rights Watch, de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme (FIDH), du Forum asiatique pour les droits humains et le développement (FORUM-ASIA), du Réseau juridique canadien VIH/sida, de l’Institut d’études sur les droits humains du Caire et le l’organisation Al Haq, Law in the Service of Man à la treizième session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies (du 1er au 26 mars 2010).

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La Déclaration et le Programme d’action de Vienne insistent sur le travail important des défenseurs des droits humains et soulignent la nécessité qui s’impose aux États et aux organisations internationales, agissant en coopération avec les organisations non gouvernementales, de créer, aux niveaux national, régional et international, des conditions propres à assurer la jouissance pleine et effective des droits de l’homme (paragraphe 13).

Nous sommes donc particulièrement alarmés par le ton des négociations autour de la résolution sur la protection des défenseurs des droits de l’homme (A/HRC/13/L.24) dont est saisi le Conseil des droits de l’homme pendant cette session. Certains gouvernements semblent davantage préoccupés de réglementer les ONG que de protéger les défenseurs des droits humains. L’objectif de la résolution est d’assurer la protection des défenseurs des droits humains. Les États doivent agir avec fermeté pour protéger tous les défenseurs des droits humains des menaces, de la violence, du harcèlement et des agressions, comme ils en ont le devoir au titre du droit international relatif aux droits humains.

Au lieu de cela, de nombreux États semblent vouloir se servir de la résolution pour restreindre, réécrire ou sélectionner certains passages des dispositions claires de la Déclaration des défenseurs des droits de l’homme adoptée par consensus après des négociations qui ont duré plus de 13 années.

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Nous sommes inquiets, par exemple, des propositions qui ont été faites de restreindre la protection aux seuls défenseurs de droits « universellement reconnus ». Cette proposition affaiblirait considérablement la Déclaration qui affirme explicitement le droit des défenseurs de promouvoir la protection et la réalisation des droits humains sans réserves et d’élaborer et de défendre « de nouveaux principes et idées dans le domaine des droits de l’homme » (article 7).

Nous demandons aux États de reconnaître la nécessité de protéger tous les défenseurs des droits humains, souvent confrontés à des risques accrus de violence, des menaces et actes de harcèlement en raison de leurs activités pacifiques. Limiter la protection aux seuls défenseurs de droits « universellement reconnus » bouscule l’affirmation d’universalité de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne : « universalité » signifie que tous les êtres humains ont le droit de jouir de tous les droits humains. « Universellement reconnus » indique un souhait de priver de certains droits fondamentaux les personnes intervenant sur des problèmes non reconnus par un gouvernement ou des sujets avec lesquels il n’est pas d’accord. À un certain moment, le droit au développement était sérieusement mis en doute : la relation entre droits humains et un environnement sain ou droits humains et paix continue d’être mise en doute par de nombreux États.

Un autre sujet d’inquiétude est la proposition visant à imposer aux ONG de divulguer leurs sources de financement, ce qui n’a rien à voir avec la protection des défenseurs des droits humains. Au contraire, cette proposition vise à réglementer davantage les activités des défenseurs. La Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits humains a rapporté de nombreux témoignages de la façon dont des lois et politiques restrictives sont souvent utilisées à mauvais escient par les gouvernements pour discréditer ou entraver les actions des défenseurs des droits humains. Lors de l’élaboration du projet de déclaration, une proposition de n’autoriser que des sources de financement « connues publiquement » pour les défenseurs des droits humains avait été longuement débattue et spécifiquement rejetée. Les gouvernements ne doivent pas utiliser cette résolution pour rouvrir le débat. La protection des défenseurs des droits humains ne doit pas non plus dépendre de leurs sources de financement.

Enfin, la proposition de souligner, sans y apporter de réserves, l’obligation pour les défenseurs des droits humains de mener leurs activités dans le cadre de la législation nationale ne rend pas compte de la réalité. Ainsi que l’a mis en évidence la Rapporteuse spéciale, les lois nationales sont fréquemment utilisées pour stigmatiser, harceler, entraver les activités pacifiques des défenseurs des droits humains. Parmi les exemples cités par la Rapporteuse des droits humains, on peut citer les arrestations à tort, l’invocation de la sûreté nationale et la sécurité publique, les actions en diffamation, le mauvais usage des lois relatives à la lutte antiterroriste, du droit administratif et des lois relatives aux troubles à l’ordre public et la législation concernant l’enregistrement des ONG. La Déclaration dit clairement que les défenseurs des droits humains travaillent dans le cadre de la législation nationale et que ces lois doivent être conformes aux normes internationales, respecter notamment le droit à la liberté d’association, de réunion et d’expression.

Chaque point actuellement débattu a déjà été traité par la Déclaration. Les tentatives pour co-opter la résolution en vue de réécrire la Déclaration mettent en danger la résolution elle-même. Si une résolution forte protégeant les défenseurs des droits humains n’est pas adoptée par consensus, ce sera un échec embarrassant pour le Conseil et une indication claire donnée au monde extérieur de l’opinion qu’a le Conseil de la société civile.

Voir par exemple le témoignage de M. Murhabazi Namegabe (RDC) :

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