Communiqué de presse

Les dirigeants du Soudan du Sud doivent enrayer la propagation « inquiétante » de la violence

Les factions en guerre dans le Soudan du Sud doivent immédiatement maîtriser leurs troupes afin de prévenir de nouvelles attaques contre les civils, a déclaré Amnesty International alors que des violences secouent le pays.

Les preuves s’accumulent qui indiquent que des troupes et des civils armés appartenant aux deux principales communautés du Soudan du Sud, les Dinka et les Nuer, tuent des civils de manière ciblée en fonction de leur origine ethnique.

Trois soldats de maintien de la paix de l’ONU auraient également été assassinés le 19 décembre lorsque des jeunes Nuer armés ont donné l’assaut contre une base de casques bleus qui abritait des civils Dinka, à Akobo, dans l’État de Jonglei.

« Les attaques contre des civils qui cherchent à se mettre à l’abri des combats sont une évolution très inquiétante de ce conflit de plus en plus brutal, a indiqué Netsanet Belay, directeur du programme Afrique d’Amnesty International.

« Le fait que ces attaques soient menées par des jeunes armés semble indiquer que ce conflit n’est plus seulement un combat entre des soldats, mais dégénère en violences intercommunautaires. »

Les combats ont éclaté dans Juba, la capitale, le 15 décembre et se sont étendus à d’autres régions du pays, notamment à Jonglei, le plus grand État du Soudan du Sud.

La capitale de l’État de Jonglei, Bor, a été prise aux forces gouvernementales dans la soirée du 18 décembre par des déserteurs Nuer de l’armée, dirigés par le général Peter Gatdet Yak, qui affirme avoir déserté suite à des attaques menées par des soldats Dinka contre des civils Nuer à Juba.

En outre, certaines informations font état d’agressions menées par des soldats Nuer contre des civils Dinka à Bor, entraînant la fuite de milliers de civils.

Quelque 14 000 civils ont cherché refuge sur le site de l’ONU, en périphérie de la ville, tandis que d’autres ont fui dans les forêts voisines. Parallèlement, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU a évacué 70 membres du personnel humanitaire de Bor pour les conduire à Juba le 19 décembre, tandis que de nouvelles évacuations sont prévues pour le 20 décembre.

À Juba, 20 000 civils, dont beaucoup de femmes et d’enfants, ont fui leur maison pour trouver refuge dans deux bases de l’ONU.

Selon des hôpitaux locaux, plus de 500 personnes ont péri dans le cadre de ces violences, dont de nombreux civils tués par balles, bien souvent à bout portant.

Ont également été constatés des décès dus à des blessures correspondant à des tirs d’artillerie.

Des témoins à Juba ont raconté à Amnesty International que les soldats avaient tiré sans discrimination sur les civils, pendant que les tanks détruisaient les maisons dans les zones d’habitation civile.

« Il est clair au regard du nombre de victimes signalées dans le Soudan du Sud que tous les belligérants doivent s’efforcer de protéger les civils, a déclaré Netsanet Belay. Procéder à des tirs d’artillerie dans des zones à forte densité de population est inacceptable et bafoue le droit international relatif au droit humanitaire. »

Des sources ont indiqué à Amnesty International qu’à Juba les hôpitaux et la morgue sont pleins.

Un médecin de l’hôpital militaire a déclaré sur la station locale Radio Tamazuj que les cadavres de soldats et de civils étaient transportés depuis l’hôpital dans des camions et conduits dans un lieu inconnu lorsque les membres de la famille ne venaient pas identifier les corps.

« La situation humanitaire est un sujet de grave préoccupation et elle ne pourra que se dégrader si les violences perdurent. Le Soudan du Sud s’efforce déjà de faire face au très grand nombre de personnes blessées et déplacées », a poursuivi Netsanet Belay.

Le gouvernement a tenté de minimiser les assertions selon lesquelles les affrontements entre communautés sont à l’origine du conflit. Cependant, des sources locales affirment que les soldats de l’armée nationale désertent en fonction de clivages tribaux.

Amnesty International a reçu des informations très inquiétantes selon lesquelles des soldats ont pris pour cibles des civils en fonction de leur origine ethnique, allant même jusqu’à en tuer certains chez eux.

De nombreuses informations font état de soldats tuant des Nuer à des postes de contrôle, après les avoir identifiés à partir de leurs marques distinctives au visage ou de leurs cartes d’identité.

Le plus grand hôpital de Juba a reçu au moins deux cadavres de civils de la communauté Nuer abattus alors qu’ils étaient attachés.

« Les affrontements entre factions de l’armée reflètent de plus en plus liés les violences intercommunautaires, et les civils sont entraînés dans le conflit, a poursuivi Netsanet Belay.

« Les dirigeants de toutes les parties doivent donner pour instructions à leurs troupes de ne pas attaquer les civils, quelle que soit la communauté à laquelle ils appartiennent, et de respecter strictement leurs obligations découlant du droit international relatif au droit humanitaire. Ils doivent condamner les exactions commises par des civils armés et s’efforcer d’apaiser les tensions entre communautés. Il faut mettre immédiatement fin aux actes et aux propos susceptibles d’attiser les violences entre communautés. »

Complément d’information

L’origine des combats, qui ont commencé par des échanges de tirs entre différentes unités de la Garde présidentielle à Juba le 15 décembre, demeure floue.

Le gouvernement du Soudan du Sud assure que les violences ont été déclenchées par une tentative de coup d’État menée par des soldats fidèles à l’ancien vice-président Riek Machar, limogé en juillet 2013 lorsque le président Salva Kiir a dissous son gouvernement.

Le 17 décembre, le site officiel du gouvernement du Soudan du Sud a annoncé l’arrestation de 10 anciens hauts responsables. Il les accuse d’avoir fomenté un coup d’État déjoué et a fait part de son intention d’arrêter cinq autres personnes, dont Riek Machar.

Riek Machar nie qu’une tentative de coup d’État soit à l’origine du conflit, mais a depuis appelé l’armée à renverser le président Salva Kiir. Il l’accuse d’« inciter aux violences tribales et ethniques ».

Le président Salva Kiir est issu de la communauté majoritaire des Dinka, tandis que l’ancien vice-président Riek Machar appartient à la communauté des Nuer.

Les heurts entre ces communautés sont bien antérieurs à l’indépendance du Soudan du Sud en juillet 2011, et ont causé le déplacement de milliers de personnes et fait des centaines de victimes parmi les civils.

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