Communiqué de presse

Les Émirats arabes unis doivent libérer cinq militants avant les élections

Les autorités émiriennes doivent immédiatement abandonner l’ensemble des poursuites engagées contre cinq militants placés en détention après avoir réclamé plus de droits politiques et de libertés individuelles, et les remettre en liberté avant les élections nationales du 24 septembre 2011, ont déclaré quatre organisations de défense des droits humains jeudi 22 septembre. Amnesty International, le Réseau arabe pour l’information sur les droits de l’homme, Front Line Defenders et Human Rights Watch ont demandé la permission d’assister au procès de ces cinq militants si celui-ci reprend comme prévu le 26 septembre devant la Cour suprême fédérale d’Abou Dhabi.

Ce nouvel appel à la libération de ces militants survient cinq mois après que les autorités les aient arrêtés puis inculpés d’« insultes publiques » au président du pays et à d’autres hauts représentants de l’État.

« Ces militants sont maintenus en détention et leur procès se poursuit alors qu’ils ont seulement exprimé leurs opinions politiques et demandé l’octroi de libertés démocratiques supplémentaires de manière pacifique », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient à Human Rights Watch. « Poursuivre ce simulacre de procès deux jours après les élections fait douter de la sincérité des autorités émiriennes lorsqu’elles affirment être désireuses de développer la participation politique dans le pays. »

Les quatre groupes de défense des droits humains ont demandé aux autorités de permettre à deux observateurs juridiques indépendants de suivre les audiences, qui se déroulent à huis-clos. Les autorités n’ont toujours pas accédé à cette requête.

« Il ne suffit pas que les gens puissent voter », a ajouté Rawda Ahmed, directrice exécutive adjointe du Réseau arabe pour l’information sur les droits de l’homme. « Ils doivent être libres de donner leur avis dans le cadre du processus politique sans avoir à craindre d’être emprisonnés. »

Ces cinq militants, dont le procès a débuté le 14 juin, sont : Ahmed Mansoor, ingénieur et blogueur, également membre du comité consultatif de Human Rights Watch sur le Moyen-Orient ainsi que du Réseau arabe pour l’information sur les droits de l’homme ; Nasser bin Ghaith, économiste, maître de conférences et partisan de la réforme politique ; et Fahad Salim Dalk, Ahmed Abdul Khaleq et Hassan Ali al Khamis, tous trois cybermilitants.

Ils ont été inculpés au titre de l’article 176 du Code pénal, qui érige en infraction le fait d’insulter publiquement les plus hauts représentants de l’État. Ahmed Mansoor et Nasser bin Ghaith sont par ailleurs accusés d’avoir utilisé le forum politique en ligne UAE Hewar pour « conspirer contre la sûreté et la sécurité de l’État en association avec des puissances étrangères ».

Les quatre organisations de défense des droits humains ont précisé que le gouvernement n’avait présenté aucune preuve légitime pour soutenir ces accusations.

Aucun des messages qu’auraient publiés les accusés sur le site UAE Hewar - désormais interdit - ne va au-delà de critiques au sujet de la politique gouvernementale ou de dirigeants politiques, ont déclaré les quatre organisations, qui ont examiné les déclarations en question. Elles n’ont trouvé aucun élément laissant penser que ces hommes avaient eu recours à la violence ou prôné son usage dans le cadre de leurs activités politiques.

« Les propos pour lesquels ces hommes sont actuellement jugés ne sont pas constitutifs d’une infraction reconnue par le droit international, et pourtant leur procès se déroule à huis-clos devant une cour dont les décisions ne sont pas susceptibles d’appel », a déploré Malcolm Smart, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. « Les autorités des Émirats doivent mettre un terme à cette parodie de justice et remettre ces cinq hommes en liberté immédiatement et sans conditions. »

Ahmed Mansoor est en outre accusé d’avoir incité d’autres personnes à enfreindre la loi et d’avoir appelé à boycotter des élections et à manifester. En mars, peu avant son arrestation, il a publiquement exprimé son soutien à une pétition signée par plus de 130 personnes réclamant la mise en place du suffrage universel direct pour l’élection du Conseil fédéral de la nation, un organe gouvernemental consultatif, et demandant que celui-ci soit doté de pouvoirs législatifs.

Depuis son arrestation, les autorités émiriennes ont augmenté le nombre d’électeurs inscrits pour les élections du Conseil fédéral de la nation, le faisant passer de 7 000 – pour le précédent scrutin, en 2006 – à 129 000. Les électeurs choisiront seulement 20 des 40 personnes siégeant au sein du Conseil ; les dirigeants des sept émirats désigneront les 20 autres.

Selon certaines informations, au cours des audiences ayant déjà eu lieu, la Cour suprême fédérale n’a pas autorisé les avocats de la défense à interroger un des quatre témoins à charge et ne leur a pas accordé suffisamment de temps pour recueillir les déclarations des trois autres. Dans une lettre que quatre des militants ont signée et qu’ils sont parvenus à faire sortir clandestinement de la prison fin août, ils ont déclaré, au regard de ces vices de procédure : « nous sommes certains que nous n’avons pas bénéficié jusqu’à présent ni ne bénéficierons à l’avenir d’un procès équitable, chose que tous les accusés méritent pourtant. » Ils ont également demandé dans cette lettre que la cour cesse de les juger dans le secret et permette à des observateurs et des citoyens d’assister aux audiences. Ils ont aussi exhorté la cour à les libérer sous caution, à les autoriser à examiner leur acte d’accusation et à laisser leurs avocats faire leur travail et interroger les témoins à charge.

Après la diffusion de cette lettre, Nasser bin Ghaith, l’un des signataires, s’est plaint du fait que les autorités carcérales aient encouragé des détenus à le harceler. À la suite d’une altercation avec un autre détenu, la direction de la prison a ordonné qu’il soit enchaîné et placé à l’isolement dans une cellule sans climatisation alors qu’il faisait 40°C.

« Les autorités carcérales ont le devoir de protéger ces militants et de ne pas les maltraiter, qu’ils soient coupables ou non », a déclaré Andrew Anderson, directeur adjoint de Front Line Defenders. « Les mauvais traitements dont Nasser bin Ghaith a semble-t-il été victime sont inacceptables. Ils doivent donner lieu à des enquêtes approfondies et leurs auteurs présumés doivent rendre des comptes. »

Complément d’information

Aux Émirats arabes unis, le Code pénal permet aux autorités d’emprisonner des personnes simplement parce qu’elles ont exprimé pacifiquement leurs opinions, en violation des garanties internationales en matière de droits humains qui protègent très clairement la liberté d’expression. L’article 176 du Code pénal prévoit une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement pour « quiconque insulte publiquement le président, le drapeau ou l’hymne national de l’État ». Son article 8 étend l’application de cette disposition aux insultes concernant le vice-président, les membres du Conseil suprême de la fédération et d’autres personnes.

La liberté d’expression est garantie par la Constitution des Émirats arabes unis et clairement inscrite dans le droit international relatif aux droits humains. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) dispose que « [t]oute personne a droit à la liberté d’expression [qui comprend] la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce ». Bien que les Émirats arabes unis ne soient pas partie à ce traité, il constitue une source faisant autorité et un texte de référence témoignant des bonnes pratiques internationales. Les normes internationalement reconnues n’autorisent que les restrictions liées au contenu dans des circonstances extrêmement limitées, telles que les cas de diffamation ou de calomnie envers des particuliers et de discours menaçant la sécurité nationale.

L’article 32 de la Charte arabe des droits de l’homme, qui a été ratifiée par les Émirats arabes unis, protège le droit à la liberté d’opinion et d’expression et celui de communiquer des informations à d’autres personnes par tout moyen. Les seules restrictions qui peuvent être imposées à l’exercice de ces droits sont celles considérées comme nécessaires pour « la protection de la sécurité […] nationale, de l’ordre public, de la santé publique, de la morale ou des droits et libertés d’autrui ». L’article 13(2) de la Charte requiert en outre que les audiences soient « [publiques] sauf dans des cas exceptionnels lorsque l’exige l’intérêt de la justice dans une société respectueuse des libertés et droits de l’homme. »

La Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme dispose que les États doivent prendre « toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne […] de toute violence, menace, représailles, discrimination […], pression ou autre action arbitraire » en raison de leur participation à la défense des droits humains.

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