Les États européens sont juridiquement responsables des atteintes aux droits humains commises dans le cadre des « restitutions »


COMMUNIQUÉ DE PRESSE

EUR 01/011/2006

Les États européens sont juridiquement responsables des atteintes aux droits humains commises dans le cadre des « restitutions »

Il faut que la complicité d’États membres de l’Union européenne (UE) dans le programme de « restitutions » conduit par les États-Unis soit examinée lors du sommet européen qui s’ouvre jeudi 15 juin 2006. Ce sommet est l’occasion pour l’Union européenne, a déclaré Amnesty International, de s’engager à mettre fin aux « restitutions » sur le sol européen.

L’organisation lance cet appel au moment où elle publie un rapport sur plusieurs cas impliquant sept pays européens, dont quatre pays membres de l’Union européenne. Ce rapport analyse les différents degrés d’implication de ces États et explique dans quelle mesure ils sont complices, aux termes du droit international, des atteintes aux droits humains commises lors de ces « restitutions ». La « restitution » est une pratique illicite dans le cadre de laquelle des personnes ont été arrêtées illégalement et envoyées secrètement par avion dans des pays tiers où elles ont été soumises à d’autres crimes tels que la torture ou d’autres formes de mauvais traitements, ou des « disparitions ».

La publication par Amnesty International de "Partenaires dans le crime" : le rôle de l’Europe dans les "restitutions" des États-Unis intervient une semaine après celle, par le Conseil de l’Europe, d’une version préliminaire d’un rapport percutant du sénateur Marty ; elle marque en outre le lancement de la campagne qu’Amnesty International entend mener pour mettre fin aux « restitutions » dans la région.

« L’Europe se présente souvent comme un exemple à suivre en matière de droits humains, a déclaré Claudio Cordone, directeur de recherche à Amnesty International. La dure réalité est que, sans sa complicité, des hommes ne seraient pas dispersés dans des cellules à différents endroits du monde en train de panser les blessures qui leur ont été infligées sous la torture. »

« Il est temps que les États européens mettent fin à leur politique du "on a rien vu, rien entendu" en ce qui concerne le trafic aérien lié aux "restitutions", et qu’ils prennent au contraire des mesures pour mettre fin à cette pratique sur leur territoire. »

« Les États européens ne doivent pas se réfugier derrière leurs services des renseignements pour dissimuler leur complicité dans les "restitutions" américaines , a ajouté Claudio Cordone. Certains États sont allés jusqu’à remettre des personnes à la CIA et sont donc responsables des tortures et autres atteintes aux droits fondamentaux dont ces personnes ont été victimes par la suite. »

Aux termes du droit international, les États qui facilitent les transferts vers des pays où ils savent, ou devraient savoir, qu’il y a un risque de graves atteintes aux droits humains se rendent complices de ces violences, et tout individu complice d’enlèvements, de torture ou de « disparitions » doit être tenu pénalement responsable.

Le programme des « restitutions » a également mis en évidence le fait que les services secrets des États-Unis pouvaient agir clandestinement en Europe en-dehors des principes du droit et sans avoir à rendre de comptes. L’UE doit veiller au développement d’une réglementation des activités des services des renseignements nationaux et étrangers.

La Bosnie-Herzégovine, la Macédoine, la Turquie et les États membres de l’UE que sont l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni et la Suède sont impliqués dans les six cas de « restitution » détaillés dans le rapport. Dans chacun de ces cas, des hommes ont été expédiés sans ménagement et en dehors de toute procédure dans des lieux de détention à l’étranger, où ils affirment tous avoir été torturés ou maltraités. Si le degré d’implication des États diffère - allant de l’ouverture de leurs aéroports et espaces aériens jusqu’à la participation à l’arrestation ou l’enlèvement de personnes pour les remettre aux services secrets américains - leur intervention, ou leur absence d’intervention, viole les obligations de ces États aux termes du droit international. Ces États doivent être tenus de rendre des comptes.

Les données en provenance des registres du trafic aérien, des journalistes, des agents des services des renseignements et des ONG, ainsi que celles collectées aux fins de l’enquête menée au niveau européen, rendent de plus en plus vaines les dénégations d’implication dans les « restitutions » des États européens.

« Les dénégations persistantes des États européens de leur implication dans les "restitutions", ainsi que l’absence de réaction sensée de la part de l’Union européenne, en dehors du Parlement, affaiblissent non seulement la crédibilité de l’UE mais aussi, en définitive, l’efficacité de la lutte contre le terrorisme à proprement parler », a déclaré Dick Oosting, directeur du Bureau européen d’Amnesty International.

Amnesty International demande au Conseil de l’Europe de continuer à faire toute la lumière sur cette pratique en mettant en place une commission d’enquête, et en veillant à ce que les lacunes en matière de législation dans ce domaine soient comblées au niveau de l’Europe et de chaque État européen.

Le résumé du rapport « Partenaires dans le crime » : le rôle de l’Europe dans les « restitutions » des États-Unis (index AI : EUR 01/008/2006, résumé) est disponible ci-dessous.

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