Communiqué de presse

Les États réunis à l’occasion de l’Assemblée générale de l’Organisation des États américains doivent œuvrer de façon constructive et en toute bonne foi pour renforcer les droits humains dans la région

L’Organisation des États américains (OEA) a invité de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) et associations de la société civile à participer à son Assemblée générale, qui se tient actuellement à Cochabamba, en Bolivie. Une délégation d’Amnesty International s’est donc rendue sur place afin de contribuer de façon constructive à faire progresser les droits humains dans la région et à renforcer le système interaméricain chargé de veiller au respect de ces droits.

Bien que l’OEA ait reconnu la contribution importante des organisations de la société civile au travail de l’institution régionale, certains États se sont employés à diaboliser les ONG, au cours de la réunion qui a rassemblé des représentants de la société civile, des ministres des Affaires étrangères et d’autres délégués gouvernementaux, puis lors de la première séance plénière de l’Assemblée générale. En raison des modalités de ces rencontres, les organisations présentes n’ont pas eu la possibilité de répondre aux accusations portées contre elles. Nous estimons qu’il est nécessaire de revoir les modalités des réunions auxquelles les organisations de la société civile sont invitées à participer pour que ces rencontres puissent déboucher sur de véritables échanges, et non servir de tribunes aux représentants des États pour laisser libre cours à leur colère envers les acteurs qui désapprouvent certaines politiques gouvernementales.

Le système interaméricain des droits de la personne (SIDH) et, en particulier, la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), ont également fait l’objet de vives critiques lors de cette Assemblée générale. Au lieu de mettre à profit cet événement pour mener une réflexion constructive sur la façon de mieux promouvoir et protéger les droits humains sur le continent américain, certains États participants ont porté des accusations, anciennes ou nouvelles, contre le SIDH. Bien souvent, ces accusations résultent d’une mauvaise compréhension des instruments internationaux qui régissent ce mécanisme ou d’une confusion manifeste concernant les compétences et les capacités des organes qui le composent. Plusieurs projets de résolution relatifs au SIDH restent en suspens en raison de fortes divergences entre les délégations quant à la formulation définitive des textes. Certaines délégations s’obstinent à vouloir contraindre la CIDH à mettre en œuvre les recommandations formulées par certains États, au mépris de l’indépendance et de l’autonomie dont jouit l’organe principal de l’OEA en tant qu’instance supranationale chargée de veiller au respect des engagements pris par les États en matière de droits fondamentaux. Amnesty International demande instamment aux États de la région de respecter cette indépendance et cette autonomie afin que la CIDH – et elle seule – examine ces recommandations et prenne la décision finale concernant l’adoption des mesures qu’elle juge propices à une plus grande promotion et protection des droits humains sur le continent américain.

Il convient de rappeler que si les États membres du système interaméricain des droits de la personne ont instauré ce mécanisme, c’est notamment pour garantir à leurs habitants la possibilité de recourir à une instance supranationale lorsque, dans leur pays, ils ne parviennent pas à obtenir justice ou réparation pour les violations des droits humains qu’ils ont subies, l’existence d’obstacles au sein des instances judiciaires nationales ayant donc été reconnue. C’est pourquoi le SIDH est indispensable pour renforcer la protection accordée au niveau national.

Au cours de la première séance plénière, le président de l’Équateur, Rafael Correa, a consacré une grande partie de son discours à dresser un tableau négatif de la Cour et de la Commission interaméricaines des droits de l’homme, exprimant des opinions inquiétantes sur le rôle de ces instances et la portée des normes internationales en matière de droits humains. Il a notamment présenté une conception extrêmement préoccupante de ce que signifie le droit à une consultation préalable dont jouissent les peuples indigènes, conformément aux normes internationales activement défendues par l’Équateur. Le président équatorien a en particulier nié le fait que l’un des objectifs de ce droit est d’obtenir le consentement des peuples indigènes lorsque la construction d’infrastructures ou la mise en place de projets économiques ou d’initiatives de développement affectent leur droit à disposer de leurs terres ancestrales. Les normes internationales obligent expressément les États à parvenir à un accord avec les populations autochtones ou à obtenir leur consentement préalable, libre et éclairé pour la mise en œuvre de projets de développement, de lois et de politiques qui affectent leur mode de vie. Ce consentement doit être obtenu par le biais d’une consultation préalable permettant aux communautés concernées de participer en amont au processus décisionnel, d’obtenir facilement des informations suffisantes et objectives sur les éventuelles conséquences (tant positives que négatives) d’un projet donné et de discuter des moyens qui permettraient, le cas échéant, d’atténuer ces effets. Contester le fait que le consentement préalable, libre et éclairé est l’un des objectifs du processus de consultation porte atteinte à l’un des droits fondamentaux acquis de haute lutte par les peuples indigènes, depuis longtemps victimes de discriminations, et revient à nier l’importance et la nécessité d’un dialogue en toute bonne foi entre l’État et les institutions représentant les populations concernées. Si ces normes ne sont pas reconnues, la consultation préalable devient un exercice futile, uniquement destiné à renforcer des décisions déjà prises au niveau de l’État.

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