Communiqué de presse

Les femmes se dressent contre l’injustice et la violence en Égypte

Lorsqu’elle a rencontré son époux, Amina Agami n’a jamais songé que son foyer deviendrait le lieu de tous les cauchemars – pas plus qu’elle n’avait imaginé qu’un jour elle devrait rassembler son courage pour le quitter.

Pourtant, il y a plus de 10 ans, après des années de violences domestiques, l’Égyptienne Amina, 42 ans, diplômée en arts, a pris ses deux jeunes enfants et est partie, tout simplement.

Peu après avoir quitté ce mari violent, Amina a rejoint des associations locales qui œuvraient à mettre fin à la violence contre les femmes et défendaient les droits des travailleuses du sexe et des personnes vivant avec le VIH/sida.

« Le plus important pour les femmes, c’est d’être autonomes sur le plan économique. Sans ce pouvoir d’agir, elles ne peuvent échapper aux relations et aux situations violentes. Elles sont prises au piège. C’était le principal obstacle qui m’empêchait de quitter mon époux », a-t-elle expliqué.

Cependant, les autorités égyptiennes ont vu son travail d’un mauvais œil et, en janvier 2010, elle a été interpellée alors qu’elle interviewait des travailleuses du sexe, conduite au poste de police du Vieux Caire, fouillée au corps et placée en garde à vue dans une cellule jusqu’au lendemain.

Debout contre les violences

Malgré les risques encourus, Amina poursuit son combat pour protéger les droits d’autrui et est en première ligne de la bataille pour les droits humains en Égypte.

Elle est loin d’être la seule.

Dans tout le pays, des femmes tiennent tête à ceux qui bafouent les droits fondamentaux, faisant preuve de solidarité, dénonçant les faits ou créant des associations pour venir en aide aux victimes.

Mary Daniel, par exemple, dont le frère Mena a été tué avec d’autres chrétiens coptes lors d’une manifestation le 9 octobre 2011 à Maspero, au Caire, est devenue une militante renommée qui réclame justice pour les familles des victimes tombées lors des manifestations.

Azza Hilal Ahmad Suleiman, qui a eu le crâne fracturé par des soldats en décembre 2011, fait aujourd’hui campagne pour que toutes les victimes, blessées ou tuées par les forces de sécurité pendant et après le soulèvement, obtiennent justice.

Engy Ghozlan, militante de longue date, a décidé de lutter contre les violences sexuelles faites aux femmes en créant HarassMap, une initiative en ligne qui recense ce type d’agressions. Manal Tibe, qui a démissionné de l’Assemblée constituante d’Égypte parce qu’elle ne protégeait pas les droits humains, s’efforce de mettre fin aux expulsions forcées dans les bidonvilles et de promouvoir le droit à un logement convenable.

Pourtant, plutôt que de rendre hommage aux précieuses contributions de ces femmes et de tant d’autres, les autorités égyptiennes sont bien souvent responsables de la répression qui s’abat sur elles.

Au cours des dernières années, Amnesty International a recueilli des informations sur la politique de l’armée et des forces de sécurité qui se traduit par des violences systématiques envers les femmes, notamment la répression contre les manifestantes et les violences sexuelles – y compris les « test de virginité » forcés.

En outre, les femmes sont systématiquement en butte à des actes de harcèlement et de violence sexuelle dans la rue, au travail et chez elles, un problème mis en lumière ces derniers mois par une série d’agressions terribles contre des manifestantes aux abords de la place Tahrir. Cette semaine, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a déclaré les autorités égyptiennes responsables de la non-protection des manifestantes contre les agressions sexuelles en lien avec les événements qui se sont déroulés en 2005 sous le régime de Hosni Moubarak.

Aucun auteur présumé de ces agissements n’a été traduit en justice.

Le niveau de violence sexuelle et liée au genre est effrayant. Amnesty International a publié une liste des points essentiels en vue de la juguler et appelle les autorités à remédier à cette violence qui empêche les femmes de faire valoir leurs droits.

L’indifférence et l’inaction

Les autorités égyptiennes ont annoncé plusieurs lois et initiatives visant à protéger les femmes, mais elles n’ont pas encore été appliquées.

La violence domestique n’est pas érigée en infraction en tant que telle, mais ressort de la catégorie des « coups et blessures ». Dans le Code pénal, il n’est pas non plus fait mention du viol conjugal.

La nouvelle Constitution, adoptée lors d’un référendum hâtif en décembre 2012, ne protège pas dûment les droits des femmes.

Ce texte les cantonne à des rôles de gardiennes du foyer, dépendantes, et n’interdit pas de manière explicite la discrimination à leur égard. Au contraire, les autorités sont susceptibles d’utiliser les dispositions découlant de la charia pour justifier ces discriminations.

Les manœuvres des autorités qui tentent de revenir en arrière sur les droits des femmes se perçoivent également dans leur volonté de bloquer, auprès des organes de l’ONU, les avancées sur des questions telles que les droits sexuels et reproductifs et la lutte contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.

« Aujourd’hui, les droits des femmes en Égypte sont menacés. Plus de deux ans après la " Révolution du 25 janvier ", les femmes sont écartées des postes décisionnels clés et sont toujours en butte à la discrimination, en droit comme en pratique.

« Les femmes ont moins de droits que les hommes dans des domaines comme le mariage, le divorce, la garde des enfants et l’héritage, et la loi dispose qu’une femme est tenue d’obéir à son époux », a indiqué Hassiba Hadj Sarahoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International.

Mais les femmes en Égypte n’attendent pas que les autorités s’attaquent à la discrimination, aux violences sexuelles et au harcèlement.

« Au regard de la situation actuelle, je n’espère pas obtenir justice individuellement pour la mort de mon frère Mena, mais je continuerai à me battre pour qu’une vraie justice lui soit rendue, à savoir que l’Égypte devienne le pays le plus juste au monde – une patrie sans pauvreté, répression ni discrimination », a affirmé Mary Daniel, qui poursuit son combat.

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