Les membres du personnel de la Cour pénale international détenus en Libye doivent être libérés immédiatement

Amnesty International a demandé une nouvelle fois aux autorités libyennes jeudi 21 juin de libérer les quatre membres de la Cour pénale internationale (CPI) arrêtés le 7 juin après s’être entretenus avec Saïf al Islam Kadhafi.

Melinda Taylor, qui fait partie de l’équipe de défense de Saïf al Islam Kadhafi, l’interprète Helen Assaf et deux hauts représentants du Greffe, Esteban Peralta Losilla et Alexander Khodakov, s’étaient vus accorder l’autorisation par les autorités libyennes de lui rendre visite. Cette visite avait notamment pour but de l’informer de la procédure actuellement engagée par la CPI et de recueillir ses instructions.

Les quatre membres du personnel de la CPI bénéficient de protections importantes afin de garantir qu’ils puissent mener à bien leur travail, sans entrave. En particulier, ils ne doivent pas être placés en détention par les autorités nationales.

La Libye n’est pas partie au Statut de Rome, mais se trouve dans l’obligation de coopérer avec la CPI, conformément à la résolution 1970 du Conseil de sécurité de l’ONU qui a saisi la Cour de la situation en Libye. Le 15 juin, le Conseil de sécurité a fait part de ses vives préoccupations quant à l’arrestation des quatre membres du personnel de la CPI et demandé leur libération immédiate.

Si le gouvernement libyen est en désaccord avec la conduite de membres du personnel de la CPI, il doit suivre la procédure appropriée. Le code de conduite des avocats de la CPI permet notamment aux États de déposer des plaintes qui seront examinées par un commissaire indépendant.

Depuis que Saïf al Islam Kadhafi a été capturé en novembre 2011, la Libye refuse de le remettre à la CPI, insistant pour qu’il comparaisse devant une instance nationale. Selon le Bureau du conseil public pour la Défense, il est détenu à l’isolement, dans un lieu tenu secret, sans réelle possibilité de s’entretenir avec un avocat ni de communiquer avec sa famille. La Chambre préliminaire de la CPI examine actuellement le recours déposé par le gouvernement libyen contre la procédure de la CPI.

D’après certaines informations, les fonctionnaires de la CPI ont été arrêtés lors même que Melinda Taylor a rencontré Saïf al Islam Kadhafi sous surveillance et que tous deux ont été fouillés, en violation de son droit de communiquer librement et confidentiellement avec son conseil. Les autorités affirment avoir découvert un « message codé » de Mohammed Ismail, ancien membre du gouvernement Kadhafi recherché par les autorités libyennes. Elles estiment qu’il s’agit d’un acte d’espionnage et d’une atteinte à la sécurité nationale.

Les quatre prisonniers sont détenus dans la ville montagnarde de Zintan, en vertu d’une ordonnance de placement en détention de 45 jours émise dans le cadre de l’enquête.

Amnesty International considère cette mesure comme une attaque contre les droits de Saïf al Islam Kadhafi et contre la CPI, qui s’efforce de rendre justice aux victimes libyennes. La mise en détention de la délégation risque d’intimider toute personne souhaitant protéger le droit de l’accusé à un procès équitable.

Une délégation conjointe de la CPI et de services diplomatiques a pu rencontrer les prisonniers le 12 juin. Amnesty International appelle les autorités libyennes à garantir que leurs droits soient respectés, notamment qu’ils bénéficient pleinement de l’assistance consulaire et qu’ils puissent communiquer librement avec leurs familles et la CPI.

Complément d’information

Des milliers de soldats et de fidèles présumés de Mouammar Kadhafi sont toujours incarcérés en Libye. Si certaines avancées ont été constatées, notamment le transfert de l’administration des prisons au ministère de la Justice, les milices armées continuent de détenir des prisonniers en dehors du cadre de la loi dans des centres clandestins, où ils sont particulièrement exposés à la torture et aux mauvais traitements.

Dans leur immense majorité, ces prisonniers n’ont été inculpés d’aucun crime et n’ont pas été autorisés à consulter un avocat. Les passages à tabac sont monnaie courante dans les centres de détention libyens, particulièrement au moment de l’arrestation, lors des premiers jours de la détention et au cours des interrogatoires. Nombre de détenus ont confié à Amnesty International avoir apposé leur signature ou leur empreinte digitale sur des « aveux » extorqués sous la torture ou la contrainte. À la connaissance d’Amnesty International, aucun membre des milices armées n’a été traduit en justice pour avoir tué, torturé ou infligé d’autres sévices à un prisonnier, ce qui perpétue un climat d’impunité.

Amnesty International a appelé à plusieurs reprises le Conseil national de transition à remédier à ces graves violations des droits humains et à prendre les mesures suivantes :

• mettre fin sans délai aux détentions arbitraires, veiller à ce que les arrestations ne soient effectuées que par les forces de sécurité officielles et à ce que personne ne soit privé de sa liberté, hormis conformément aux procédures et pour des motifs prévus par la loi. À cette fin, toutes les lois doivent s’aligner sur les obligations incombant à la Libye au titre du droit international ;

• veiller à ce que tous les prisonniers aient la possibilité de contester la légalité de leur détention devant un tribunal ou, à défaut, soient remis en liberté ;

• ordonner la fermeture de tous les centres de détention non reconnus et placer tous les centres de détention sous le contrôle du parquet général et du ministère de la Justice, en prévoyant une surveillance indépendante ;

• informer les familles du lieu où sont détenus leurs proches et faire en sorte que tous les prisonniers puissent recevoir la visite de leur famille et consulter un avocat ;

• mener dans les meilleurs délais des enquêtes sur tous les cas, connus ou signalés, de torture ou d’autres formes de mauvais traitements, et sur tous les cas de mort en détention. Ces enquêtes doivent être indépendantes et impartiales et confiées à des personnes compétentes pour ce type d’investigations ; une aide internationale doit être sollicitée si nécessaire ;

• veiller à ce que les « aveux » arrachés sous la torture ou la contrainte soient déclarés irrecevables lors des procès.

Lorsque le Conseil de sécurité de l’ONU a saisi la CPI de la situation libyenne, le 26 février 2011, les opposants au régime du colonel Mouammar Kadhafi avaient salué cette initiative.

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