Les menaces proférées contre eux poussent des militants syriens à entrer dans la clandestinité

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

6 mai 2011

Index AI : PRE01/241/2011

Des défenseurs des droits humains ayant été vus en train de participer à des manifestations en faveur de la réforme en Syrie ont été obligés de se cacher après avoir été menacés par les autorités syriennes, a déclaré Amnesty International vendredi 6 mai à l’occasion de la « Journée de la défiance » se déroulant ce jour-là dans le pays.

Les autorités syriennes ont renforcé les mesures de sécurité en prévision des actions de protestation du 6 mai, ce qui s’est soldé par la mort de plusieurs manifestants et l’arrestation d’un éminent militant de l’opposition.

« Compte tenu des événements récents, les défenseurs des droits humains et militants politiques syriens ont des raisons de craindre pour leur vie et leur liberté, et plusieurs sont entrés dans la clandestinité après avoir reçu des menaces », a déclaré Philip Luther, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

« Les forces de sécurité syriennes ont tué des centaines de personnes et en ont arrêté de nombreuses autres pendant et après les manifestations. Cette campagne de violence et d’intimidation doit cesser et les défenseurs des droits humains doivent être autorisés à poursuivre leur travail sans avoir à craindre pour leur sécurité personnelle. »

Amnesty International a appris que plusieurs éminents défenseurs des droits humains et militants politiques ont récemment été contraints à se cacher.

Parmi ceux-ci figurent : Razan Zaitouneh, avocate spécialisée dans la défense des droits humains, et son époux Wael Hammada ; Haytham al Maleh ; Hind et Omar al Labwani ; Jwan Yousef Khorshid ; Walid al Bunni ; et Suheir al Atassi.

Des représentants des autorités se sont présentés au domicile du frère de Wael Hammada, Abd al Rahman, étudiant et comptable âgé de 20 ans, à Damas samedi 30 avril après qu’il leur eut échappé plus tôt sur son lieu de travail. Ils ont arrêté Abd al Rahman après lui avoir ordonné d’appeler son frère afin de le convaincre de sortir de sa cachette ; il n’est pas parvenu à entrer en contact avec lui.

Les défenseurs des droits humains Hind al Labwani, 23 ans, et Omar al Labwani, 19 ans, sont tous deux entrés dans la clandestinité à la suite des manifestations du 30 avril, après que les forces de sécurité eurent menacé de les arrêter. Leur père, Kamal al Labwani, est un prisonnier d’opinion purgeant actuellement une peine de 12 ans d’emprisonnement. Ils ont pris part aux actions de protestation dès que celles-ci ont commencé à al Zabadani la ville où ils résident, près de Damas.

Jwan Yousef Khorshid est un militant kurde des droits humains et membre du conseil exécutif du Comité kurde des droits de l’homme en Syrie, une organisation interdite. Il a participé aux manifestations chez lui dans la ville d’El Qamishli, dans le nord-est du pays. Le 25 avril, il aurait décidé de se cacher. Des membres de la Sécurité militaire se sont rendus à son domicile à plusieurs reprises début mai, et ont menacé d’arrêter sa femme jeudi 5 mai s’il ne se livrait pas aux autorités dans les 24 heures.

Haytham al Maleh, un avocat chevronné spécialisé dans la défense des droits humains et ancien prisonnier d’opinion, est entré dans la clandestinité au cours de la semaine du 25 avril après que son fils, Iyas al Maleh, qui vit à l’étranger, ait reçu un avertissement concernant son père et lui ait téléphoné chez lui dans la banlieue de Damas. Iyas al Maleh a déclaré à Amnesty International que les menaces proférées contre son père par courriel et sur son compte Facebook - comme par exemple « tu mérites la pendaison » - n’ont pas suffi à le faire taire. Il s’est exprimé sur Al Jazira jeudi 5 mai dans la soirée.

Walid al Bunni, placé en détention à deux reprises pour des raisons d’opinion et membre de la Déclaration de Damas pour le changement national démocratique, une coalition de partis politiques d’opposition non autorisés, a fui son domicile aux abords de Damas jeudi 5 mai, après que les forces de sécurité eurent enfoncé sa porte d’entrée. Il se cache depuis lors.

Suheir al Atassi, présidente du forum de discussion interdit Jamal al Atassi, est elle aussi entrée dans la clandestinité. Participante de marque aux manifestations en faveur de la réforme, elle a été arrêtée le 16 mars lorsque des membres des forces de sécurité en civil ont violemment dispersé un rassemblement pacifique pour la libération de militants politiques. Elle a été traînée par les cheveux, puis placée dans plusieurs centres de détention, dont la section de Muntaqa de la Sécurité militaire. Depuis sa libération, le 3 avril, elle continue à appeler la réforme de ses vœux.

« Les autorités syriennes doivent mettre un terme à cette campagne d’intimidation contre des personnes n’ayant fait qu’exprimer leur opinion dans le cadre de manifestations publiques », a déclaré Philip Luther.

« Les violences, arrestations de masse et mauvais traitements infligés aux détenus, qui ne cessent de s’aggraver, n’ont fait qu’encourager les manifestants dans tout le pays, et ceux-ci doivent être autorisés à exprimer leurs opinions en toute sécurité. »

Riad Seif, dirigeant de l’opposition, a été arrêté vendredi 6 mai alors qu’il quittait la mosquée d’al Hasan à Damas, point de départ des manifestations de rue dans la capitale. Ancien député indépendant, il avait précédemment été incarcéré à deux reprises pour des raisons d’opinion et souffre d’un cancer de la prostate à un stade avancé, ce qui fait craindre pour son bien-être en détention.

Des centaines d’autres personnes ont été arrêtées et placées au secret depuis que les manifestations en faveur de la réforme ont commencé, à la mi-mars.

Amnesty International s’inquiète pour les nombreuses autres personnes appréhendées ces derniers jours en raison de leur participation ou de leur soutien à ces manifestations populaires à travers le pays. On trouve parmi elles des militants politiques, des défenseurs des droits humains, des imams et des journalistes.

Depuis le 30 avril, les forces de sécurité et l’armée syriennes ont effectué des arrestations systématiques en frappant à toutes les portes de certaines villes à travers la Syrie, notamment à al Zabadani et Madaya (à l’ouest de Damas), Deraa (dans le sud), Duma (près de Damas) et dans la ville côtière de Lattaquié. Dans la plupart de ces zones, les lignes téléphoniques et les communications portables ont été coupées.

Amnesty International a dressé une liste de plus de 540 personnes tuées par les forces de sécurité syriennes au cours de ces sept dernières semaines. Plusieurs autres manifestants auraient été tués au cours de la « Journée de la défiance » à travers le pays vendredi 6 mai.

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