Communiqué de presse

Les nouveaux dirigeants du Pakistan ne doivent pas laisser l’accord de paix avec les talibans empiéter sur les droits humains

Le nouveau gouvernement du Pakistan ne doit pas céder s’agissant du respect des droits humains lors d’éventuels pourparlers de paix avec les talibans ou d’autres groupes armés, a déclaré Amnesty International.

L’organisation a également prié le nouveau gouvernement, qui prend ses fonction mercredi 5 juin, de faire des droits fondamentaux une priorité absolue durant son mandat, en commençant par enquêter sur les homicides perpétrés dans le cadre des élections et les atteintes aux droits humains qui ont eu lieu au cours des trois derniers mois.

« Le Pakistan vient tout juste de franchir un tournant politique historique en menant à bien cette transition démocratique. Les nouveaux responsables doivent désormais saisir l’occasion de s’attaquer aux nombreux enjeux en termes de droits humains auxquels doit faire face le pays », a estimé Polly Truscott, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.

La transition vers le nouveau gouvernement, dirigé par le parti entrant du Premier ministre Nawaz Sharif, la Ligue musulmane du Pakistan Nawaz, marque pour la première fois dans l’histoire du Pakistan le remplacement d’un gouvernement civil élu par un autre, au terme d’un mandat complet.

Toutefois, la période de la campagne électorale, depuis le mois de mars 2013 lorsqu’il a été annoncé que le scrutin se déroulerait le 11 mai, a été marquée par les violences politiques à travers le Pakistan. Plus de 150 personnes ont été victimes d’homicides à caractère politique ; 64 personnes notamment ont perdu la vie le seul jour du scrutin.

Le Parti national Awami (ANP), le Mouvement Muttahida Qaumi (MQM) et le Parti du peuple pakistanais (PPP) ont été particulièrement visés. Cependant, des membres d’autres partis politiques majeurs du pays et des candidats indépendants ont également été la cible d’attaques.

Si les talibans du Pakistan ont revendiqué la responsabilité d’un plus grand nombre d’attentats que tous les autres groupes, certaines personnes qui auraient été responsables de violences liées aux élections appartiennent en fait à des partis politiques qui ont été la cible d’attaques.

Les violences motivées par des considérations politiques se sont poursuivies durant les trois semaines qui ont suivi les élections, particulièrement à Karachi, où plusieurs personnes affiliées au MQM ont été enlevées ou tuées.

Un haut responsable du parti Pakistan Tehrik-e-Insaf (PTI) a également été assassiné en plein jour à Karachi le 19 mai.

« Les homicides et les actes de violences auxquels on a assisté durant les semaines précédant le scrutin, et l’incapacité des autorités à mener des enquêtes efficaces sur ces homicides à caractère manifestement politique, rappellent tristement l’impunité dont jouissent les auteurs d’atteintes aux droits humains au Pakistan », a indiqué Polly Truscott.

Les autorités doivent enquêter sur tous les homicides liés aux élections et traduire en justice les responsables présumés dans le respect des normes internationales en matière de droits humains.

« Le Pakistan ne s’est jamais vraiment mobilisé pour que les auteurs de violations des droits humains soient amenés à rendre des comptes. En prenant au sérieux cette question, le nouveau gouvernement donnera le signal d’une rupture avec le passé : les atteintes aux droits humains ne seront plus tolérées, a indiqué Polly Truscott.

« En revanche, les pourparlers d’un accord de paix négocié avec les talibans qui pourrait mettre en péril les droits fondamentaux envoie précisément le message inverse. »

Le Premier ministre Nawaz Sharif et le Chief minister (Premier ministre) de la province de Khyber Pakhtunkhwa Pervez Khattak ont fait part de leur intention de convier les dirigeants des talibans pakistanais des zones tribales touchées par l’insurrection à des pourparlers, en vue d’un éventuel accord de paix.

Amnesty International a recensé des atteintes aux droits humains de grande ampleur imputables aux talibans et aux groupes armés affiliés dans tout le Pakistan, dont des crimes de guerre manifestes – des actes qui ont couté la vie à des milliers de personnes.

« Les talibans ont constamment enfreint les termes des accords de paix par le passé, profitant du répit accordé pour étendre leur contrôle sur le territoire et imposer des politiques sociales très dures, qui ont de lourdes conséquences sur l’exercice des droits fondamentaux – notamment les droits des femmes et des filles et les droits des minorités religieuses.

« Le gouvernement doit garder à l’esprit les erreurs marquantes commises par le passé lors de ses négociations avec les talibans, a conclu Polly Truscott.

« Le seul chemin vers une paix durable passe par le renforcement des protections relatives aux droits fondamentaux, sans aucune discrimination fondée sur le genre, l’appartenance ethnique, l’affiliation religieuse ou politique, ou tout autre motif, et par la garantie que les responsables présumés de ces violations auront à répondre de leurs actes devant la justice dans le cadre de procès équitables. »


En savoir plus :

“Will Pakistan seize chance on human rights ?”, Article d’opinion (Mustafa Qadri pour CNN), 14 mai 2013 ;

“Pakistan : Election candidates must prioritise human rights”, Lettre ouverte, 25 avril 2013 ;

Pakistan : halte aux violences liées aux élections et priorité aux droits humains dans la campagne électorale, Communiqué de presse, 24 avril 2013.

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