Les pays de l’UE doivent enquêter sur des faits de complicité présumés dans le cadre de {« restitutions »} effectuées par la CIA

Les pays européens doivent enquêter sur la possible implication de leurs autorités dans des « restitutions » effectuées par l’Agence centrale du renseignement (CIA), a déclaré Amnesty International mardi 27 mars, alors que se déroule une audience relative à un nouveau rapport sur la complicité de l’Union européenne.

La commission des Libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen prépare ainsi un rapport sur le transfert illégal, la disparition forcée et la torture de détenus en Europe. Il s’agit de la suite donnée à l’enquête effectuée en 2007 par le Parlement européen.

« Les nouvelles informations et données ayant émergé ces cinq dernières années doivent inciter les États membres à agir », a indiqué Julia Hall, spécialiste de la question de la lutte antiterroriste et des droits humains en Europe pour Amnesty International, qui devait témoigner mardi 27 mars dans le cadre de cette audience.

« Le processus initié par le Parlement européen est l’occasion idéale d’inciter les gouvernements réticents à progresser sur le terrain de l’établissement des responsabilités pour ces opérations ayant impliqué des atteintes flagrantes aux droits humains, dont des actes de torture et des disparitions forcées. »

Le rapport correspondant à l’enquête de 2007, rédigé sous l’égide du rapporteur Claudio Fava, s’est heurté à une opposition farouche au sein du Parlement européen, et n’a débouché sur aucune véritable obligation de rendre des comptes au sein des pays de l’UE.

Ce cinquième anniversaire – et le nouveau rapport – sont des étapes importantes sur la voie de la vérité à propos de la complicité de l’Europe.

Les gouvernements qui auraient collaboré avec la CIA ont l’obligation, en vertu du droit international relatif aux droits humains, de veiller à ce qu’une véritable enquête, indépendante, impartiale et approfondie, soit menée.

Depuis le rapport Fava : le gouvernement lituanien a admis avoir accueilli sur son territoire des prisons secrètes de la CIA ; un bâtiment situé à Bucarest, la capitale roumaine, a abrité un centre de détention présumé de la CIA ; et une enquête polonaise sur des sites secrets a failli à plusieurs reprises, bien que des données diffusées en 2009 soient venues renforcer le faisceau de preuves attestant une complicité.

D’après certaines informations relayées par les médias mardi 27, un ancien responsable des services de renseignement polonais a été inculpé en relation avec la détention en Pologne de personnes se trouvant sous la garde de la CIA. Amnesty International a déclaré suivre la situation de près.

Des données d’aviation récemment diffusées en relation avec des « restitutions » ont associé le Danemark et la Finlande à la Lituanie. La Finlande n’a pas souhaité enquêter plus avant et la portée des investigations menées actuellement au Danemark est trop étroite pour respecter les normes relatives aux droits humains.

Une enquête proposée au Royaume-Uni a été suspendue de manière abrupte en 2011, dans l’attente de la publication des résultats d’une enquête sur la complicité du pays dans des « restitutions » effectuées par la CIA vers la Libye.

« Ce ne sont pas les informations qui manquent », a poursuivi Julia Hall. « Il y a en revanche une absence choquante de volonté politique en faveur de l’émergence de la vérité. Comment l’Union européenne, porte-étendard autoproclamé des droits humains, entend-elle dire à d’autres gouvernements, notamment à ceux ayant été le théâtre du Printemps arabe, à quel point les droits fondamentaux sont importants si elle s’entête à refuser d’enquêter sur sa propre complicité présumée dans des actes de torture et des disparitions forcées ? »

Amnesty International a exhorté les pays de l’Union européenne à coopérer pleinement avec le processus initié par le Parlement européen, qui implique le partage d’informations et l’autorisation de visites sur les sites concernés.

L’organisation estime que la commission LIBE doit livrer un rapport exhaustif et rigoureux, qui mettra en évidence les lacunes des processus d’obligation de rendre des comptes au niveau national et communautaire.

Ce rapport doit recommander l’adoption par le Parlement européen d’une résolution qui requière que les États membres mènent des enquêtes respectueuses des droits humains sur la complicité de l’Europe dans les opérations de la CIA, accorde de véritables réparations aux victimes de ces pratiques, et réforme tout organe ou système ayant permis que ces violations soient un jour commises.

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