Les paysans thaïlandais se battent pour leurs terres

Un an après la mort du défenseur des droits fonciers Chai Bunthonglek, le Forum asiatique pour les droits humains et le développement (FORUM-ASIA), Amnesty International, la Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme (FIDH) et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), sous la houlette de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme et de Protection International, appellent une nouvelle fois l’État thaïlandais à faire en sorte que Chai Bunthonglek et les autres membres de la Fédération des paysans du sud de la Thaïlande (SPFT), un groupe local de défense des droits fonciers, obtiennent justice. Ces organisations demandent aussi aux autorités de protéger les défenseurs des droits humains de tout le pays contre les manœuvres d’intimidation, les expulsions forcées, les homicides et les autres actes de violence qu’ils pourraient subir.

Un an après l’homicide de Chai Bunthonglek, les membres de la SFPT du village de Klong Sai Pattana (district de Chai Buri, province de Surat Thani) vivent toujours dans la peur tandis que les auteurs des infractions dont ils sont victimes demeurent impunis. Installés à cet endroit depuis 2008, ils sont en effet la cible d’homicides, de menaces de mort et d’expulsion, de harcèlement judiciaire, de manœuvres d’intimidation, et de destructions de biens et de cultures. En outre, bien que la Cour suprême ait ordonné à l’entreprise de fabrication d’huile de palme Jiew Kang Jue Pattana Ltd de libérer les terres concernées en 2014, celle-ci est encore présente.

Chai Bunthonglek, 61 ans, a été abattu le 11 février 2015 chez un membre de sa famille, non loin de Klong Sai Pattana, par un homme arrivé à l’arrière d’une moto. Trois autres membres de la SPFT qui habitaient Klong Sai Pattana avaient déjà été tués avant lui. Le corps de l’ancien réparateur de motos Somporn Pattanaphum a été retrouvé criblé de balles à la sortie du village en janvier 2010. En novembre 2012, deux défenseures des droits humains, Montha Chukaew et Pranee Boonrat, ont été abattues alors qu’elles revenaient d’un marché voisin ; la première était commerçante et la seconde, travailleuse manuelle. Personne n’a été amené à rendre des comptes à la suite de ces homicides violents.

Les services de police chargés de l’enquête sur l’homicide de Chai Bunthonglek ont présenté au procureur général des éléments concernant trois suspects, y compris le tireur présumé, la personne qui l’aurait engagé et le conducteur supposé de la moto. Seul ce dernier a été jugé pour meurtre, meurtre avec préméditation commis en réunion et possession d’une arme à feu sans permis.

Bien qu’elles se félicitent des mesures prises par les pouvoirs publics afin que justice soit rendue, les organisations à l’origine de la présente déclaration n’en demeurent pas moins préoccupées par le fait qu’une seule personne a été jugée pour un homicide qui semble s’inscrire dans un projet criminel plus vaste, et elles appellent les autorités à poursuivre leur enquête afin que tous les auteurs présumés soient poursuivis et jugés équitablement.

« Il est crucial que la justice soit rendue non seulement pour Chai Bunthonglek, sa famille et la SPFT, mais aussi parce que cela témoignerait d’une détermination nouvelle de la police, du ministère public et des tribunaux à œuvrer pour que les défenseurs des droits humains bénéficient pleinement de la protection de la loi dans le cadre de leurs activités pacifiques. L’impunité qui a cours actuellement en cas de menaces, de harcèlement et d’homicides visant des défenseurs des droits humains alimente un climat délétère pour les militants des droits fonciers et des ressources naturelles en Thaïlande », a déclaré Evelyn Balais-Serrano, directrice exécutive de FORUM-ASIA.

Les poursuites engagées à l’encontre de membres de la SPFT mettent en lumière l’absence de mécanisme visant à protéger les défenseurs des droits humains, en particulier ceux qui travaillent en zone rurale et disposent de ressources limitées et de peu de voies de recours.

Les organisations demandent à l’État thaïlandais de donner suite à la résolution sur la protection des défenseurs des droits humains adoptée en 2015 par l’Assemblée générale des Nations unies en prenant immédiatement des mesures efficaces. Conformément à ses obligations internationales en matière de droits humains, il faut que celui-ci oblige les personnes qui s’en prennent à des défenseurs des droits humains à rendre des comptes et crée un environnement sûr et propice aux activités en faveur des droits humains. Il doit notamment faire en sorte que les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, guidés par le département de la Protection des droits et des libertés (au sein du ministère de la Justice) et la Commission nationale des droits humains, fournissent une protection efficace – en droit, dans les politiques et dans la pratique – aux défenseurs en danger et proposent des voies de recours à ceux qui sont victimes d’agression physique, de manœuvres d’intimidation ou de harcèlement.

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