Communiqué de presse

Les réserves du Pakistan : un défi à l’intégrité du système de traités des Nations unies

Il faut que le Pakistan lève les réserves émises aux traités internationaux fondamentaux relatifs aux droits humains qui font obstacle à leur application et ne sont pas juridiquement recevables, ont déclaré Amnesty International et la Commission internationale de juristes (CIJ) jeudi 23 juin.

Les organisations ont exprimé leur consternation que le gouvernement n’ait pas retiré les réserves qu’il avait émises lorsqu’il est devenu partie, il y a exactement un an, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et à la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Bon nombre de ces réserves sont incompatibles avec l’objet et le but des traités et par conséquent ne sont pas autorisées par le droit international. Le fait d’émettre de telles réserves remet en cause l’intégrité des traités et l’une d’entre elles menace le fonctionnement effectif du système des Nations unies qui surveille l’application des traités relatifs aux droits humains.

Le Pakistan a ratifié le 23 juin 2010 le PIDCP et la Convention contre la torture. En effectuant cette démarche, le gouvernement semblait respecter les engagements qu’il avait souscrits lorsqu’il avait fait acte de candidature au Conseil des droits de l’homme et mettre en œuvre une recommandation en faveur des ratifications formulée par plusieurs États lors de l’examen du bilan du Pakistan en matière de droits humains dans le cadre de l’examen périodique universel des Nations unies en 2008.Tout en saluant les ratifications, Amnesty International et la Commission internationale de juristes se sont déclarées profondément préoccupées par les réserves très importantes que le gouvernement pakistanais a émises à propos de plusieurs dispositions de ces deux traités internationaux fondamentaux relatifs aux droits humains.

Elles appellent donc le Pakistan à lever toutes les réserves qu’il a formulées. Les droits humains sont universels et chacun des droits énoncés par ces deux traités est essentiel pour permettre à tout être humain de se développer. Rien ne justifie que les citoyens pakistanais jouissent de moins de droits ou d’une protection inférieure de leurs droits que les citoyens de n’importe quel autre pays du monde.

Le gouvernement pakistanais a émis des réserves pour huit des 27 articles de fond du PIDCP et sept des 16 articles de fond de la Convention contre la torture. Bon nombre de ces réserves sont incompatibles avec l’objet et le but des traités en raison de leur portée, de leur généralité et des restrictions qu’elles imposent à des droits essentiels, et notamment à des droits auxquels il ne peut être dérogé, comme le droit à la vie, le droit de ne pas être soumis à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et le droit de ne pas subir une discrimination liée au genre.

Qui plus est, en émettant une réserve à l’article 40 du PIDCP, le Pakistan tente d’éviter de présenter des rapports prévus par le PIDCP et de faire abstraction du rôle fondamental du Comité des droits de l’homme pour évaluer le respect par un État de ses obligations découlant du PIDCP. Une telle réserve sans précédent est incompatible avec l’objet et le but de cet instrument. Le Pakistan avait laissé entendre qu’il s’agissait d’une « erreur technique ». Il a toutefois disposé d’un délai de 12 mois pour retirer cette réserve et le fait qu’il n’ait pas pris cette initiative suscite des doutes sérieux quant à cette affirmation.

Une réserve est une déclaration unilatérale visant à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions d’un traité international dans leur application au niveau national. La Convention de Vienne sur le droit des traités dispose que de telles modifications ne sont autorisées que lors de la ratification d’un traité et si elles sont compatibles avec l’objet et le but de cet instrument.

Il est dans l’intérêt de tous les États parties de respecter l’intégrité des traités et de garantir le fonctionnement du système de traités des Nations unies. Amnesty International et la Commission internationale de juristes accueillent donc favorablement les objections formulées officiellement par certains États parties au PIDCP et à la Convention contre la torture et elles exhortent d’autres États parties à agir de même dans les meilleurs délais.

Complément d’information

Cent soixante-sept États sont parties au PIDCP et 147 à la Convention contre la torture. Le PIDCP et la Convention contre la torture ne prohibent pas expressément les réserves, mais aux termes de l’article 19 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, un État ne peut émettre une réserve que si celle-ci est compatible avec l’objet et le but du traité. Le Comité des droits de l’homme a fait valoir qu’en raison du caractère spécial des traités relatifs aux droits humains « [l]a conséquence normale d’une réserve inacceptable n’est pas que le Pacte restera totalement lettre morte pour l’État auteur de la réserve. Une telle réserve est dissociable, c’est-à-dire que le Pacte s’appliquera à l’État qui en est l’auteur, sans bénéficier de la réserve » (Observation générale 24, § 18).

Le Pakistan a émis des réserves pour huit des 27 articles de fond du PIDCP (art. 3, 6, 7, 12, 13, 18, 19 et 25 ; ainsi que pour l’article 40) et pour sept des 16 articles de fond de la Convention contre la torture (art. 3, 4, 6, 8, 12, 13 et 16, ainsi que pour l’article 28).

Dans une déclaration publiée le 1er avril 2011, le Comité des droits de l’homme qui supervise l’application du PIDCP a fait observer que l’article 40 conférait au Comité des droits de l’homme la compétence pour recevoir et examiner les rapports présentés par les États parties. Il a ajouté que cette compétence était d’une importance capitale pour permettre au comité de remplir ses fonctions de surveillance et qu’elle était essentielle à la raison d’être du Pacte. Dans son Observation générale 24 adoptée en 1994, le comité avait indiqué qu’« une réserve qui rejette la compétence qu’a le Comité d’interpréter les dispositions prévues dans une disposition du Pacte serait aussi contraire à l’objet et au but de cet instrument ».

Amnesty International et la Commission internationale de juristes appellent régulièrement tous les États à ratifier les traités internationaux fondamentaux relatifs aux droits humains sans émettre de réserves et à retirer celles qui auraient été émises par le passé. Ces organisations attirent aussi régulièrement l’attention sur des réserves lorsqu’elles soumettent des informations sur des États parties à des organes des Nations unies, y compris ceux chargés de surveiller l’application des traités.

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