Les Roms : la discrimination commence dès l’école primaire

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

EUR 05/004/2006

Les enfants ne viennent pas à l’école, parce qu’ils n’ont ni vêtements ni casse-croûte à apporter.
Enseignant de Tuzla, en Bosnie-Herzégovine

Il y a trop de monde à la maison pour que je puisse faire mes devoirs.
Élève rom de l’école primaire de Macinec en Croatie

Les enfants roms ne s’intéressent pas à la physique ni aux mathématiques, certains apprennent l’espagnol, parce qu’ils regardent beaucoup de telenovelas.
Instituteur de la région de Dolenjska, en Slovénie

L’extrême pauvreté, la discrimination dans les écoles et l’absence de programmes réellement intégrateurs et multiculturels privent les enfants de la communauté rom (tsigane) de leur droit à l’éducation en Bosnie-Herzégovine, Croatie et Slovénie. Dans son nouveau rapport, Amnesty International dénonce leur exclusion de l’enseignement primaire dans ces trois États et le manque de détermination dont font preuve les gouvernements pour répondre à leurs besoins.

« Les enfants roms sont en butte à divers écueils en matière d’accès à l’éducation, ce qui les empêche de développer leurs véritables capacités et entretient la marginalisation des communautés roms, a déclaré Omer Fisher, chercheur d’Amnesty International sur la Bosnie-Herzégovine, la Croatie et la Slovénie.

« C’est aux gouvernements qu’il incombe de lever ces obstacles. »

Le droit à l’éducation et le droit de vivre libre de toute discrimination sont inscrits dans le droit international relatif aux droits humains et dans les constitutions de ces trois pays. Leurs gouvernements ont adopté des programmes et des plans d’action spécifiques visant à intégrer la communauté rom dans le système éducatif. Pourtant, à l’instar des organisations non gouvernementales (ONG), ils reconnaissent que les enfants roms bénéficient au mieux d’un enseignement lacunaire.

Dans certains cas, ils disposent de repas, livres scolaires et moyens de transport gratuits. Parfois, ils ne peuvent tout simplement pas se rendre à l’école, le trajet à pied étant trop long ou leurs vêtements n’étant pas assez chauds pour faire face aux rigueurs de l’hiver. Souvent, les enfants ne peuvent pas étudier ni faire leurs devoirs chez eux, en raison du froid et du manque de place. Comme l’ont expliqué à Amnesty International des Roms de Slovénie : « Certains d’entre nous vivent dans des huttes. Comment nos enfants peuvent-ils réussir à l’école ? »

Il arrive que les enseignants eux-mêmes opèrent une discrimination envers les élèves roms. Parfois, ils sont séparés dans des sections ou classes réservées aux Roms, où le programme est allégé. On explique trop souvent le fort taux d’absence et le faible niveau des notes par des clichés négatifs sur le « mode de vie » des Roms et leur état d’esprit vis-à-vis de l’éducation. Dans une déclaration devant le tribunal visant à expliquer leur décision d’isoler les élèves roms, les instituteurs de l’école primaire de Macinec en Croatie ont fait valoir les arguments suivants : « Les parents roms sont souvent alcooliques, leurs enfants sont enclins à voler, jurer et se battre ; dès que les enseignants ont le dos tourné, des objets disparaissent, pour la plupart sans valeur et inutiles, mais l’important est qu’ils les volent. »

Or, les enseignants, à l’instar des enfants et des parents roms, reconnaissent généralement que les élèves de primaire se heurtent à de nombreuses difficultés en raison de la barrière linguistique : beaucoup ne parlent pas ou peu la langue de la population majoritaire. Les langues parlées par les Roms franchissent rarement le seuil des écoles des trois pays – alors que d’autres langues minoritaires y sont représentées. Diverses mesures susceptibles de résoudre ces problèmes linguistiques – notamment un meilleur suivi de la scolarité maternelle et le recrutement d’assistants roms dûment formés – ne sont pas mises en œuvre de manière systématique et exhaustive. La culture et l’histoire roms ne figurent pas systématiquement aux programmes scolaires de Bosnie-Herzégovine, Croatie et Slovénie.

« En Bosnie-Herzégovine, Croatie et Slovénie, les autorités doivent penser l’éducation des enfants roms en privilégiant leur insertion dans un système scolaire adapté à leurs besoins et à leur culture », a indiqué Omer Fisher.

Amnesty International demande que des mesures soient prises sans délai afin de lutter contre la discrimination qui touche les Roms dans les écoles. Il faut veiller à ce qu’aucun Rom ne soit placé dans une classe ou section spéciale en raison de son appartenance ethnique, surveiller la composition des classes et, le cas échéant, les activités des enseignants qui travaillent avec des enfants roms, et former les instituteurs afin de balayer stéréotypes et préjugés négatifs.

S’attaquer aux obstacles qui résultent de l’extrême pauvreté et entravent l’accès à l’éducation, et faire entrer la langue et la culture roms dans les écoles, s’inscrit dans une démarche de longue haleine qui doit privilégier la pleine insertion des enfants roms dans le système éducatif primaire.

« Les enfants roms, comme tous les autres, ont le droit de bénéficier d’une éducation qui va leur permettre de prendre leur place et d’apporter leur contribution à la société dans laquelle ils vivent, a expliqué Omer Fisher.

« Il incombe aux gouvernements de briser le cercle vicieux – analphabétisme, pauvreté, exclusion sociale – et de permettre l’insertion des groupes les plus vulnérables de la population. »

Voir :
False start : The exclusion of Romani children from primary education in Bosnia and Herzegovina, Croatia and Slovenia (index AI : EUR 05/002/2006 ; http://web.amnesty.org/library/index/engeur050022006)
 Bosnie-Herzégovine. Les Roms et le droit à l’éducation. Faits et chiffres (index AI : EUR 63/014/2006)
 Croatie. Les Roms et le droit à l’éducation. Faits et chiffres (index AI : EUR 64/001/2006 )
 Slovénie. Les Roms et le droit à l’éducation. Faits et chiffres (index AI : EUR 68/002/2006)

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