La Lettonie doit protéger le droit à la liberté de réunion et d’expression pour tous

Déclaration publique

EUR 52/002/2006

Le mercredi 19 juillet, le Conseil de la ville de Riga a annoncé qu’il n’autoriserait pas la Riga Pride 2006 . Amnesty International est très préoccupée par cette décision et déçue de cette nouvelle preuve de l’incapacité de la Lettonie à protéger les droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT). Amnesty International appelle les autorités lettones à respecter le droit des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) à la liberté de réunion et d’expression et à permettre à la Riga Pride 2006 d’avoir lieu le 22 juillet 2006.

Le Conseil de la ville de Riga a déclaré que cette décision avait été prise sur la base d’informations qui lui auraient été communiquées faisant état de menaces de violences à l’égard des participants si la manifestation était autorisée et de l’incertitude de la police à pouvoir garantir l’ordre et la sécurité. Lors de circonstances similaires, le Conseil de la ville de Riga avait déjà retiré son autorisation au déroulement de la Riga Pride quelques jours seulement avant la date prévue pour le défilé. Toutefois, la manifestation avait finalement pu avoir lieu après que les organisateurs de la marche eurent déposé plainte auprès du tribunal administratif de Riga.

Amnesty International souhaiterait rappeler aux autorités lettones leurs obligations au regard du droit international en matière de droit à la liberté de réunion et droit à la liberté d’expression. Le droit de réunion pacifique est reconnu et protégé par l’article 11 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et l’article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme, CEDH) ; l’article 21 du PIDCP et l’article 10 de la CEDH protègent quant à eux le droit à la liberté d’expression. La Lettonie est État partie à la fois au PIDCP et à la CEDH.

Le droit de réunion et le droit à la liberté d’expression relèvent également de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Dans une décision rendue en 1988, dans l’affaire « Médecins pour la vie » c. Autriche (Plattform « Ärzte für das Leben » v. Austria), la Cour européenne des droits de l’homme a considéré qu’« il arrive à une manifestation donnée de heurter ou mécontenter des éléments hostiles aux idées ou revendications qu’elle veut promouvoir. Les participants doivent pourtant pouvoir la tenir sans avoir à redouter des brutalités que leur infligeraient leurs adversaires : pareille crainte risquerait de dissuader les associations ou autres groupes défendant ldes opinions ou intérêts communs de s’exprimer ouvertement sur des thèmes brûlants de la vie de la collectivité. Dans une démocratie, le droit de contre-manifester ne saurait aller jusqu’à paralyser l’exercice du droit de manifester. »

Dans sa décision (dans l’affaire « Médecins pour la vie » c. Autriche (Plattform « Ärzte für das Leben » v. Austria), la Cour européenne des droits de l’homme a également établi que les États ont le devoir positif de protéger le droit à la liberté de réunion, précisant « une liberté réelle et effective de réunion pacifique ne s’accommode pas d’un simple devoir de non-ingérence de l’État ; une conception purement négative ne cadrerait pas avec l’objet et le but de l’article 11. Tout comme l’article 8, celui-ci appelle parfois des mesures positives (...). » Ce principe a été réaffirmé dans la décision rendue en 2001 dans l’affaire Stankov et organisation macédonienne unie Ilinden contre la Bulgarie (Stankov and the Macedonian Organisation llinden v. Bulgaria) qui établit que « Les autorités étaient donc tenues de prendre les mesures nécessaires pour empêcher les actes de violence dirigés contre les participants au rassemblement d’Ilinden, ou au moins limiter leur ampleur. Toutefois, (...) les autorités n’ont pas, semble-t-il, pris toutes les mesures appropriées. (...) [et ont ] manqué aux obligations positives mises à la charge de l’Etat par l’article 11. »

En mai 2006, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg, a redit l’engagement du Conseil de l’Europe à garantir la liberté de réunion, lors d’une déclaration publique au cours de laquelle il a fait spécifiquement référence aux marches des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) dans les États membres du Conseil de l’Europe. Le 18 janvier 2006, dans une résolution intitulée Homophobie en Europe, la parlement européen a invité les États membres
« à veiller à ce que les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres" soient protégées des propos haineux et des violences à caractère homophobe. »

Les affirmations du Conseil de Riga, selon lesquelles la sécurité des participants à la parade ne pourrait être assurée, manquent de crédibilité, compte tenu du fait que les responsables du maintien de l’ordre en Lettonie ont été en mesure d’assurer la sécurité des participants à des évènements de même ampleur, voir plus importants en termes de participation, comme la Coupe du monde des championnats de hockey sur glace en 2006 ; ces mêmes responsables devraient assurer la sécurité d’un sommet de l’OTAN à Riga en novembre 2006. Le refus d’accorder l’autorisation de défiler à la Riga Pride 2006 constitue donc une violation des obligations de la Lettonie au regard du droit international, notamment, entre autres, une violation de l’article 2 du PIDCP, de l’article 14 de la CEDH et de l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne interdisant la discrimination.

Au regard du droit européen et international, la Lettonie n’a pas seulement l’obligation de respecter le droit à la liberté de réunion et d’expression ; elle a également le devoir de prendre des mesures réelles de protection des participants à la parade contre toute attaque qui pourrait être dirigée contre eux. L’interdiction du défilé de la Riga Pride 2006 viole donc toutes les règles du droit international relatif aux droits humains et doit être levée immédiatement.

Amnesty International appelle donc :
  le Conseil de la ville de Riga a donner immédiatement l’autorisation de défiler à la Riga Pride 2006 ;
  les autorités lettones à faire en sorte que, conformément à ses obligations positives au regard du droit international relatif aux droits humains, les participants à la Riga Pride 2006 soient protégés convenablement et de manière à ne pas entraver l’exercice de leur droit à la liberté de réunion et d’expression ;
  le responsables lettons du maintien de l’ordre à agir en toutes circonstances avec la diligence voulue pour protéger les personnes lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) d’actes de violence de la part d’autres éléments de la société. Les autorités devraient également établir clairement que de tels actes de violence constituent des infractions pénales qui seront poursuivies comme telles ;
  la présidence finlandaise de l’Union européenne et la Commission de l’Union européenne à prendre des mesures actives pour promouvoir les droits fondamentaux et la non-discrimination en Lettonie et en particulier pour soutenir le droit à la liberté de réunion , y compris dans le cadre de manifestations comme la Riga Pride 2006 et autres évènements du même genre dans tous les États membres de l’Union européenne.

Complément d’information
Au cours de ces dernières années, les violations des droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) sont devenues un sujet de préoccupation majeure en Lettonie. En juillet 2005, la première Gay Pride de l’histoire du pays avait dans un premier temps été interdite par le Conseil de la ville de Riga. Le tribunal administratif de Riga annula cette décision et la parade eut lieu. Avant cela toutefois, plusieurs hommes politiques lettons connus, notamment le vice-président du parlement letton, avaient fait des remarques et tenus des propos homophobes. Au cours de la parade, plusieurs personnes lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) avaient subi des violences physiques et des attaques verbales de la part de contre-manifestants.

En juin 2006, le parlement letton a voté contre un amendement de l’article 7 du droit du travail letton. L’amendement aurait banni explicitement toute discrimination pour des motifs d’orientation sexuelle. La directive européenne sur l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (EU 2000/78/EC) exige explicitement des États membres qu’ils bannissent toute discrimination basée sur l’orientation sexuelle sur le lieu de travail.

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