Lever le voile sur des morts suspectes

Amnesty International demande aux autorités azerbaïdjanaises de mener immédiatement des enquêtes indépendantes et efficaces sur toutes les morts en détention et d’en rendre les résultats publics.

Le 4 mai 2017, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a estimé que le gouvernement azerbaïdjanais avait violé le droit à la vie de Mahir Mustafayev, car il n’avait ni protégé sa vie, ni mené d’enquête efficace sur les circonstances de sa mort en détention. Mahir Mustafayev est mort de graves brûlures dues à un incendie dans sa cellule en décembre 2006. L’affaire faisait état d’allégations selon lesquelles l’incendie avait été déclenché par des gardiens de prison dans le but de dissimuler le fait que Mahir Mustafayev était mort des suites d’actes de torture. La CEDH a statué que cela n’avait pas été prouvé au-delà de tout doute raisonnable. Mahir Mustafayev n’avait été conduit à l’hôpital que huit heures après le début de l’incendie. La CEDH a estimé que le fait que le gouvernement n’ait pas protégé la vie de Mahir Mustafayev, qu’il n’ait pas recueilli tous les éléments de preuve et qu’il n’ait pas informé rapidement et convenablement les membres de la famille de Mahir Mustafayev de sa mort et des résultats de l’enquête constituait une violation du droit à la vie.

Cette décision a été rendue une semaine après que Mehman Galandarov, un militant et blogueur azerbaïdjanais, a été retrouvé pendu dans sa cellule, à Kurdakhani, le 28 avril 2017. Mehman Galandarov avait été arrêté le 7 février 2017, peu de temps après avoir publié sur sa page Facebook un message de soutien à deux prisonniers d’opinion incarcérés pour avoir peint un graffiti sur le monument du père du président, Heydar Aliyev. Il avait été accusé de détention de stupéfiants et, le même jour, le tribunal du district de Nasimi avait ordonné son placement en détention provisoire pour trois mois.

Selon une déclaration officielle des autorités, Mehman Galandarov se serait pendu vers midi en utilisant un morceau de tissu alors que son codétenu dormait. Cependant, un défenseur local des droits humains qui a déjà passé plus d’un an dans ce centre de détention a déclaré à Amnesty International qu’« il est impossible de se pendre dans ces cellules. »

D’après des défenseurs des droits humains, Mehman Galandarov aurait également été victime d’actes de torture destinés à le faire « avouer » des infractions forgées de toutes pièces de détention de stupéfiants, et les autorités auraient enterré son corps en secret pour dissimuler les preuves. Les responsables de l’administration pénitentiaire ont tout d’abord nié les informations selon lesquelles Mehman Galandarov s’était suicidé et n’ont annoncé sa mort publiquement qu’un jour après son décès, le 29 avril. Son enterrement a eu lieu en secret, et les journalistes et les représentants de la société civile n’ont pas pu voir le corps du défunt.

Le 30 avril, à l’issue d’un examen médicolégal, le bureau du procureur a ouvert une information judiciaire sur des allégations d’incitation au suicide. Selon le rapport de l’examen médicolégal, aucune marque de blessure n’a été trouvée sur le corps, excepté la marque de strangulation, ce qui a mené à la conclusion que Mehman Galandarov n’avait été soumis à aucun acte illégal. Cependant, des questions subsistent quant aux circonstances de sa mort, ainsi qu’au traitement secret de l’affaire par les autorités.

La décision de la Cour européenne des droits de l’homme dans le cadre de l’affaire Mustafayev c. Azerbaïdjan est un rappel opportun de l’obligation des autorités azerbaïdjanaises de protéger la vie, la santé et le bien-être des personnes en détention et de « rendre compte de toute blessure survenue en prison, obligation particulièrement stricte en cas de décès d’une personne. » Les autorités azerbaïdjanaises doivent répondre aux préoccupations de la CEDH en ce qui concerne l’affaire Mustafayev c. Azerbaïdjan et ordonner l’ouverture d’une nouvelle enquête indépendante, impartiale et efficace, et veiller à ce que l’enquête sur l’affaire de Mehman Galandarov respecte les mêmes normes internationales.

Complément d’information

Des personnes qui critiquent le gouvernement, même de manière pacifique, sont régulièrement arrêtées en Azerbaïdjan. Amnesty International a recueilli des informations faisant état d’un grand nombre d’affaires dans lesquelles des accusations forgées de toutes pièces de détention de stupéfiants ont été portées en représailles de critiques formulées sur Facebook ou par d’autres moyens d’expression. Les arrestations suivent souvent des schémas très similaires. Les personnes ciblées sont généralement détenues et interrogées sans pouvoir consulter un avocat, et sont forcées à signer des « aveux », souvent au moyen d’actes de torture et d’autres mauvais traitements. Les allégations de torture et de mauvais traitements ne font presque jamais l’objet d’une enquête efficace, renforçant ainsi le cycle des violations des droits humains et de l’impunité.

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