« Les autorités libanaises entravent de manière éhontée et systématique la quête de justice dans l’affaire de l’explosion de Beyrouth, en protégeant des politiciens et des responsables des forces de sécurité accusés, au lieu de défendre les droits des rescapé·e·s, des familles de victimes et de l’ensemble des résident·e·s de Beyrouth, a déclaré Aya Majzoub, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.
« L’analyse juridique du juge Bitar propose une voie claire vers la justice. Les autorités ont pourtant délibérément choisi de faire la sourde oreille et ont abusé de leur pouvoir afin de se soustraire à l’obligation de rendre des comptes, et d’entraver l’enquête. Elles instrumentalisent la loi afin de protéger des représentants de l’État qui devraient être amenés à rendre des comptes, tout en harcelant et en arrêtant de manière cruelle des proches de victimes qui se battent avec courage pour que justice soit rendue.
« Les rescapé·e·s de l’explosion, les familles des personnes ayant perdu la vie dans cette tragédie, et les résident·e·s de Beyrouth méritent tous et toutes que les responsables de cette explosion dévastatrice s’expliquent devant la justice. Au lieu de créer de nouveaux obstacles, le gouvernement doit prendre toutes les mesures qui s’imposent afin que l’enquête menée dans le pays puisse avancer sans ingérence politique, et ainsi honorer l’obligation qui lui est faite de garantir des réparations pour les violations du droit à la vie. »
Complément d’information
Le procureur général près la Cour de Cassation a diffusé lundi 23 janvier une déclaration affirmant qu’il traitera comme « non-existante » l’analyse juridique de Tarek Bitar pour la reprise de son enquête sur l’explosion survenue à Beyrouth, qui a tué plus de 200 personnes en août 2020.
Selon des informations relayées par les médias libanais lundi 23 janvier, le juge Bitar a inculpé un certain nombre de hauts fonctionnaires libanais en relation avec cette catastrophe, notamment le général Abbas Ibrahim, directeur de la sûreté générale, et le général Tony Saliba, directeur du service de sécurité de l’État, et a ordonné la libération de cinq personnes qui étaient incarcérées depuis 2020.
Les politiciens accusés dans le cadre de l’affaire de l’explosion de Beyrouth ont déposé plus de 25 demandes de récusation visant Tarek Bitar et d’autres juges travaillant sur ce dossier, ce qui mené à plusieurs reprises à la suspension de l’enquête. L’affaire est au point mort depuis décembre 2021, à la suite des recours en justice les plus récents.
Parallèlement, au moins 17 fonctionnaires de niveau intermédiaire à inférieur se trouvent en détention depuis août et septembre 2020 en relation avec ce cas, dans des conditions semblant porter atteinte aux garanties d’une procédure régulière, notamment le droit de chaque personne placée en détention provisoire d’être jugée ou relâchée dans les meilleurs délais, et de bénéficier d’une révision judiciaire indépendante de la décision ayant mené à sa détention.
En juin 2021, Amnesty International et une coalition de plus de 100 organisations libanaises et internationales, ainsi que de rescapé·e·s et de familles de victimes, ont écrit au Conseil des droits de l’homme des Nations unies afin de demander une enquête internationale sur l’explosion survenue à Beyrouth.
En août 2022, une vingtaine de député·e·s libanais ont par ailleurs demandé au Conseil des droits de l’homme des Nations unies de mettre sur pied une mission internationale d’établissement des faits sur cette catastrophe.