« Ce vote est une occasion cruciale pour le Liban de rompre avec les défaillances des gouvernements précédents et de placer les droits humains au centre des réformes plus que nécessaires, a déclaré Kristine Beckerle, directrice adjointe du programme régional Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International.
« Rien qu’au cours des cinq dernières années, les fautes du gouvernement ont abouti à une crise financière et économique sans précédent et à l’une des plus graves explosions non nucléaires de l’histoire. Pourtant, le peuple libanais attend encore que la justice soit rendue et que les responsabilités soient établies.
« Plus récemment, l’escalade des hostilités entre le Hezbollah et Israël a entraîné un déplacement massif et fait des milliers de morts et de blessés parmi la population civile. Les attaques de l’armée israélienne, dont certaines pourraient constituer des crimes de guerre, ont tué des professionnel·le·s de la santé, des journalistes et d’autres civils. La justice restera hors de portée tant que le Liban n’aura pas adhéré à la Cour pénale internationale (CPI).
« Le nouveau gouvernement doit aller au-delà de la rhétorique et prouver sa volonté de respecter les droits humains en prenant des mesures décisives pour faire face à ces questions et à d’autres problèmes de longue date. Il s’agit notamment de mettre fin à la crise de l’impunité en permettant une enquête indépendante et transparente sur l’explosion du port de Beyrouth. Il s’agit également de contribuer à l’obligation de rendre des comptes pour les graves violations commises sur et depuis son territoire en adhérant à la CPI et en veillant à ce que les victimes obtiennent réparation.
« Nous appelons en outre le nouveau gouvernement à renforcer la protection des droits sociaux et économiques, notamment par la création d’un dispositif de protection sociale universelle [1]. Enfin, il doit prendre des mesures significatives pour garantir la liberté d’expression, lutter contre la violence liée au genre et la discrimination, et protéger les droits de toutes les personnes, y compris les migrant·e·s, les réfugié·e·s et les détenu·e·s. »
Complément d’information
Le 9 janvier 2025, le Parlement libanais a élu un nouveau président, Joseph Aoun, après plus de deux ans sans chef d’État. Le 13 janvier 2025, ce dernier a chargé Nawaf Salam, ancien président de la Cour internationale de justice et ancien ambassadeur du Liban auprès des Nations unies, de former et de diriger un nouveau gouvernement.
La déclaration ministérielle du gouvernement présentée par ce nouveau Premier ministre au Parlement prenait l’engagement « de sauver, de réformer et de reconstruire » le pays en crise.
Elle promettait également un « pouvoir judiciaire indépendant, protégé des ingérences [...] et jouant son rôle en garantissant les droits et en protégeant les libertés », y compris en empêchant l’obstruction au travail des juges d’instruction, en particulier dans l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth. Le gouvernement s’est aussi engagé à mettre en œuvre des réformes économiques et à améliorer le respect des droits fondamentaux, notamment l’accès aux soins, la sécurité sociale et l’inclusion des personnes en situation de handicap.
Cette déclaration ministérielle n’a toutefois pas de valeur contraignante et ne faisait que présenter les projets du gouvernement dans des domaines essentiels, par exemple pour faire face à la crise financière et économique, sur un plan général.
Amnesty International a étudié les conséquences dévastatrices de cette crise sur les droits sociaux et économiques de la population et proposé des recommandations de réforme dans un récent rapport [2]. Il incombe maintenant au nouveau gouvernement d’élaborer des plans pour mettre en œuvre des réformes axées sur les droits humains et pour appliquer ces plans.