Liban. Le Tribunal spécial restera insuffisant sans une action plus vaste visant à combattre l’impunité

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

À la veille de l’inauguration du Tribunal spécial pour le Liban, Amnesty International appelle les autorités libanaises à aller plus loin que ce que prévoit le mandat étroit confié au Tribunal chargé d’enquêter sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafiq al Hariri et d’autres attentats en lien avec ce dossier. L’organisation demande que soient prises des mesures urgentes pour faire en sorte que les auteurs présumés d’autres violations graves des droits humains perpétrées au Liban soient également traduits en justice.

« Le Tribunal spécial ne peut à lui seul apporter une réponse suffisante à la politique bien établie d’impunité qui persiste au Liban, a déclaré Malcolm Smart, directeur du programme Moyen Orient et Afrique du Nord. La mise en place du Tribunal est un pas positif qui pourrait contribuer à ce que justice soit rendue pour les crimes graves sur lesquels il doit enquêter ; mais pour qu’il gagne en crédibilité et bénéficie de la confiance du public, il faut des mesures complémentaires afin qu’i puisse traiter des atteintes graves aux droits humains commises dans le passé ainsi que de celles qui se poursuivent aujourd’hui. »

Le mandat du Tribunal Spécial, qui doit débuter ses opérations le 1er mars 2009, est de loin le moins étendu accordé à un tribunal à caractère international. Cela signifie qu’il ne fera rien pour les très nombreuses atteintes graves aux droits humains commises au Liban au cours des trente dernières années, ce qui fait craindre que la justice ainsi mise en avant ne soit politiquement sélective.

Amnesty International appelle les autorités libanaises à mener dans les meilleurs délais des enquêtes indépendantes et impartiales sur toutes les allégations d’atteintes graves aux droits humains perpétrées au cours de ces dernières années et non couvertes par le mandat du Tribunal spécial et à faire comparaître en justice leurs auteurs présumés.

En 2007, des civils ont été tués lors d’affrontements armés dans le camp de réfugiés de Nahr al Bared et certains rapports continuent de faire état d’actes de torture et de détention abusive. Les autorités doivent également examiner les dossiers de quatre hommes détenus, semble-t-il, dans le cadre de l’enquête sur l’attentat qui a coûté la vie à Rafiq al Hariri et dont la détention a été jugée arbitraire par un groupe d’experts des Nations unies.

« La détermination à faire en sorte que justice soit rendue dans le dossier Rafiq al Hariri contraste de façon marquante avec l’absence de résultats de la justice libanaise dans d’autres affaires d’assassinats politiques et d’atteintes aux droits humains,
a déclaré Malcolm Smart. Cela donne l’impression que l’on considère que certains méritent plus que d’autres d’obtenir justice et cela représente clairement un défi pour la crédibilité du Tribunal spécial. »

Les autorités libanaises se sont également peu préoccupées des violations flagrantes des droits humains commises dans le passé, notamment pendant et après la guerre civile libanaise qui a duré de 1975 à 1990, au cours de laquelle des dizaines de milliers de civils ont été tués et des milliers d’autres victimes de disparitions forcées.

Amnesty International demande instamment aux autorités libanaises de mettre en place une commission indépendante chargée d’enquêter sur les exactions commises pendant la guerre civile et d’abroger les lois d’amnistie de 1991 et 2005 afin que les auteurs de ces exactions puissent être poursuivis en justice.

La communauté internationale a un rôle important à jouer pour soutenir de telles initiatives.

« Après avoir investi si lourdement dans le Tribunal spécial, la communauté internationale doit maintenant faire pression sur les autorités libanaises pour qu’elles s’efforcent de faire triompher la vérité et la justice pour l’ensemble des victimes d’atteintes aux droits humains au Liban, quel que soit le profil des victimes ou l’identité présumée des auteurs », a déclaré Malcolm Smart.

Complément d’information

Le Tribunal spécial pour le Liban a été créé par le Conseil de sécurité des Nations unies en 2007 pour enquêter et engager des poursuites contre les responsables présumés de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafiq al Hariri et de 22 autres personnes le 14 février 2005 et d’une série d’autres assassinats et attentats manqués depuis octobre 2004, s’il apparaît qu’ils ont un lien avec l’affaire Rafiq al Hariri.

C’est un tribunal national avec des composantes internationales, comprenant des juges internationaux et libanais, qui applique le droit national en ce qui concerne la définition des crimes. Il siègera à La Haye, aux Pays-Bas, pour des raisons de sécurité.

La création du Tribunal a été décidée peu après la mise en place en 2005 de la commission d’enquête internationale indépendante, à laquelle le Conseil de sécurité des Nations unies a confié la tâche d’enquêter sur la mort de Rafiq al Hariri et de 22 autres personnes et d’aider les autorités libanaises dans leur enquête sur une vingtaine d’autres attentats qui se sont produits depuis le 1er octobre 2004.

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