LIBAN - Les autorités doivent abandonner les charges retenues contre Muhamad Mugraby et faire cesser le harcèlement dont il fait l’objet

Index AI : MDE 18/001/2006

Muhamad Mugraby, avocat spécialisé dans la défense des droits humains, doit comparaître devant le Tribunal militaire de Beyrouth le 9 janvier pour avoir diffamé « les forces armées et leurs officiers ». Il risque jusqu’à trois ans d’emprisonnement. Son inculpation est liée à son intervention, le 4 novembre 2003, devant la délégation pour les relations avec le Mashrek au Parlement européen, à Bruxelles, lors de laquelle il avait critiqué le système judiciaire militaire du Liban, dénonçant en particulier le manque de formation juridique des magistrats siégeant dans les tribunaux militaires et la pratique consistant à torturer des suspects dans le but de leur arracher des « aveux ».

Amnesty International demande que ces charges de diffamation soient abandonnées sans délai, car elles sont contraires au droit à la liberté d’expression dont Muhamad Mugraby peut se prévaloir au titre de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel le Liban est partie, et du 23e principe des Principes de base relatifs au rôle du barreau adoptés par les Nations unies. Les déclarations de Muhamad Mugraby au Parlement européen faisaient état de préoccupations légitimes au sujet des droits humains, sur lesquelles Amnesty International dispose d’informations précises.

L’organisation s’est à maintes reprises dite préoccupée par le système judiciaire militaire du Liban. En effet, les procès se déroulant devant des tribunaux militaires sont loin de satisfaire aux normes internationales d’équité. Ces instances se sont notamment vu attribuer une très large compétence pour juger des civils, au mépris de la législation libanaise, en outre, elles ne détaillent pas les motifs de leurs décisions et pratiquent une justice expéditive portant atteinte aux droits de la défense. De plus, la plupart des juges siégeant dans les tribunaux militaires sont des officiers de l’armée ne disposant pas d’une formation suffisante en droit. Enfin, les procédures des tribunaux militaires ne sont pas soumises au contrôle d’une autorité judiciaire indépendante, contrairement à l’une des règles les plus élémentaires en matière d’équité (Voir le document intitulé A Human Rights Agenda for the Parliamentary Elections, mai 2005 [MDE 18/005/2005]).

Au fil des ans, Amnesty International a recensé de nombreux cas de torture et autres formes de mauvais traitements dans des centres de détention libanais, en particulier pendant la phase précédant le procès, ces actes visant alors à obtenir des « aveux ». Le Comité des droits de l’homme des Nations unies s’est lui aussi déclaré préoccupé par les tribunaux militaires libanais et par les allégations dûment étayées faisant état de torture et autres mauvais traitements imputables à la police et aux forces de sécurité du Liban (Voir les Observations finales du Comité des droits de l’homme : Lebanon, 1er avril 1997, CCPR/C/79/Add.78. Le quatrième rapport périodique du Liban, qui devait être présenté au Comité en 2003, n’a pas encore été soumis).

Amnesty International craint par ailleurs que le harcèlement dont Muhamad Mugraby fait l’objet, y compris à travers cette affaire, n’ait un rapport avec ses activités légitimes de défenseur des droits humains. Cet homme a déjà fait l’objet de nombreuses poursuites : en 1995, notamment, il a été inculpé de diffamation à l’égard de l’État libanais et de son appareil judiciaire dans un fax adressé à Amnesty International, une affaire qui a finalement été classée sans suite en 2001. Muhamad Mugraby avait également été arrêté le 8 août 2003, avant d’être libéré sous caution au bout de trois semaines, pour « usurpation du titre d’avocat » (Voir Liban : Muhammad al Mugraby doit être remis en liberté immédiatement, Communiqué de presse du 13 août 2003 [MDE 18/011/2003]). Cette affaire est toujours en attente de jugement devant la cour d’appel de Beyrouth. Amnesty International appelle aussi les autorités libanaises à abandonner les charges d’« usurpation du titre d’avocat » et à faire cesser le harcèlement systématique dont cet homme semble faire l’objet.

Complément d’information

« Les avocats, comme tous les autres citoyens, doivent jouir de la liberté d’expression, de croyance, d’association et de réunion. En particulier, ils ont le droit de prendre part à des discussions publiques portant sur le droit, l’administration de la justice et la promotion et la protection des droits de l’homme et d’adhérer à des organisations locales, nationales ou internationales, ou d’en constituer, et d’assister à leurs réunions sans subir de restrictions professionnelles du fait de leurs actes légitimes ou de leur adhésion à une organisation légitime. Dans l’exercice de ces droits, des avocats doivent avoir une conduite conforme à la loi et aux normes reconnues et à la déontologie de la profession d’avocat. » (23e principe des Principes de base relatifs au rôle du barreau adoptés par les Nations unies)

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