Depuis le déclenchement du mouvement de protestation, le 17 octobre 2019, les autorités libanaises ont recouru de façon répétée à une force excessive contre des manifestant·e·s largement pacifiques, en les frappant et en utilisant contre eux des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc et parfois même en tirant sur eux à balles réelles. Elles n’ont en outre pas fait le nécessaire pour protéger les manifestant·e·s contre les attaques des sympathisant·e·s armés de partis politiques. De plus, elles ont tenté de réprimer ce mouvement de protestation [3] en arrêtant de façon arbitraire, en plaçant en détention et en poursuivant en justice, y compris devant des tribunaux militaires, des militant·e·s et des journalistes.
« Au cours des 12 derniers mois, des manifestant·e·s sont à maintes reprises descendus dans la rue dans le cadre de manifestations largement pacifiques, malgré le risque d’être frappés, arrêtés ou convoqués par les autorités. De nombreuses personnes sont descendues dans la rue après la terrible explosion qui a eu lieu à Beyrouth, certaines malgré leurs blessures, mais les autorités ont malgré tout tiré sur elles, a déclaré Lynn Maalouf, directrice régionale adjointe pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International.
« L’année qui vient de s’écouler a été marquée par une succession de manquements catastrophiques de la part des autorités, qui n’ont pas répondu aux revendications quant aux droits économiques et sociaux, pas protégé le droit de réunion pacifique et de s’exprimer librement, pas protégé les manifestant·e·s face à des acteurs non étatiques armés, et pas protégé le droit à la vie. Un an après, les manifestant·e·s continuent d’exprimer haut et fort leur colère, demandant à leurs dirigeants de répondre de leurs actes. »
Au lieu de s’efforcer de répondre aux revendications légitimes à l’origine des manifestations, les autorités cherchent à intimider et à réduire au silence les manifestant·e·s et celles et ceux qui les critiquent. Depuis novembre 2019, Amnesty International rassemble des informations montrant que les autorités libanaises ont lancé une campagne d’intimidation, avec des convocations et des interrogatoires visant plus de 80 militant·e·s parce que ces personnes ont de façon légitime exercé en ligne leur liberté d’expression, ou ont participé à des manifestations critiquant les autorités.
« L’année qui vient de s’écouler a été marquée par une succession de manquements catastrophiques de la part des autorités, qui n’ont pas répondu aux revendications quant aux droits économiques et sociaux, pas protégé le droit de réunion pacifique et de s’exprimer librement, pas protégé les manifestant·e·s face à des acteurs non étatiques armés, et pas protégé le droit à la vie. Un an après, les manifestant·e·s continuent d’exprimer haut et fort leur colère, demandant à leurs dirigeants de répondre de leurs actes. »
Amnesty International demande aux autorités libanaises de mettre fin au harcèlement des militant·e·s et des journalistes liés au mouvement de protestation d’octobre. Elles doivent respecter le droit d’exercer la liberté d’expression et mettre fin à l’utilisation d’une force excessive contre des manifestant·e·s pacifiques. Elles doivent également enquêter sur les agents et supérieurs hiérarchiques présumés responsables de violations des droits à la liberté d’expression et de réunion et du droit à la justice, et les soumettre à l’obligation de répondre de leurs actes.
Complément d’information
Le 17 octobre 2019, des mouvements de protestation massifs sans précédent ont débuté partout au Liban. Pendant plusieurs semaines, des dizaines de milliers de manifestant·e·s pacifiques se sont rassemblés dans des villes et des villages à travers le pays, exprimant des griefs de longue date liés à leurs droits sociaux et économiques, dans le contexte d’une dégradation rapide de la situation économique. L’armée et les forces de sécurité libanaises ont réagi, face à des manifestations largement pacifiques, en frappant les gens et en utilisant contre eux des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc et parfois même en tirant sur eux à balles réelles. Plusieurs centaines de manifestant·e·s ont afflué dans les hôpitaux pour des blessures aux yeux, à la tête, au cou ou à la poitrine, et des dizaines d’entre eux ont été arrêtés et placés illégalement en détention. De nombreuses personnes placées en détention ont été soumises à des violences constituant parfois des actes de torture.
Le 8 août, des milliers de personnes sont de nouveau descendues dans la rue pour exprimer leur colère et leur affliction à la suite de l’explosion qui a eu lieu le 4 août dans le port de Beyrouth. Elles demandaient principalement le respect de l’obligation de rendre des comptes : que les responsables ayant mis en danger la vie de civils répondent de leurs actes. Or, l’armée et les forces de sécurité ont tiré sur des foules non armées, blessant plus de 230 personnes, certaines victimes subissant des blessures causées par des plombs tirés dans leurs yeux ou par des grenades de gaz lacrymogènes tirés en direction de leur tête et de leur visage.
Les familles de victimes, la société civile et les organisations internationales, dont Amnesty International, ont demandé une enquête internationale [4], en raison du manque de confiance à l’égard de l’État. Les autorités libanaises ont confié l’enquête sur ces agissements au Conseil judiciaire, un tribunal d’exception qui manque intrinsèquement d’indépendance et d’impartialité, et qui n’est pas compétent pour poursuivre des représentants des autorités en poste, malgré les graves accusations portées contre des organes de l’État.