Les conditions de vie dans certaines prisons libériennes sont si mauvaises qu’elles portent atteinte aux droits humains les plus fondamentaux, les détenus étant entassés dans des cellules crasseuses et privés de soins médicaux adaptés ou de nourriture et d’eau de qualité en quantité suffisante, a dénoncé Amnesty International dans un nouveau rapport rendu public mercredi 21 septembre.
Ce document, intitulé Good intentions are not enough : The struggle to reform Liberia’s prisons, décrit les conditions épouvantables qu’Amnesty International a observées dans quatre des 15 prisons libériennes, en dépit de certaines mesures encourageantes adoptées par le gouvernement dans le but d’améliorer le système carcéral.
« L’incarcération peut se solder par une dégradation permanente de la santé physique et mentale des détenus, et la plupart d’entre eux n’ont même pas été reconnus coupables d’une infraction – ils attendent simplement qu’une date soit fixée pour leur procès », a déclaré Tawanda Hondora, directeur adjoint du programme Afrique d’Amnesty International.
« Aucune des prisons que nous avons visitées n’avait l’eau courante et l’odeur des eaux usées est insoutenable dans la plupart des cellules. »
Le gouvernement libérien, en association avec ses partenaires en matière de développement, a pris des initiatives positives telles que l’amélioration du système d’assainissement à la prison centrale de Monrovia et l’inclusion de la prestation de services de santé en prison dans un plan décennal national en matière de santé et de lignes directrices. Il reste cependant beaucoup à faire pour que l’État réponde aux besoins fondamentaux des détenus.
La grave surpopulation de certaines prisons a de terribles répercussions sur la santé et la sécurité des détenus. La prison centrale de Monrovia, la plus grande du pays, a été conçue pour accueillir 374 détenus ; or, lorsque des délégués d’Amnesty International s’y sont rendus en juillet 2011, 839 détenus y étaient incarcérés. Les conditions sont tout particulièrement déplorables dans un quartier de cette prison où des cellules de deux mètres sur trois ayant pour seule ouverture une toute petite fenêtre abritent chacune huit détenus.
« Dans certaines cellules, les détenus n’ont pas suffisamment de place pour s’allonger tous en même temps, alors ils dorment à tour de rôle », a ajouté Tawanda Hondora.
Faute d’espace au sol, certains détenus ont fabriqué des hamacs de fortune à partir de sacs de grains, qu’ils ont accrochés à trois ou quatre mètres au-dessus du sol. Les détenus et le personnel ont déclaré qu’il arrive que certains se fracturent des côtes ou se démettent une épaule en tombant de leur hamac la nuit.
Le matériel de couchage est en quantité limitée et rares sont les détenus qui disposent d’un matelas ou d’une couverture. Presque tous les détenus se plaignent de douleurs sur le corps parce qu’ils sont obligés de dormir par terre ; c’est encore pire pendant la saison des pluies lorsque le sol est froid et humide.
La privation de soins de santé est un autre grave motif de préoccupation. Manquant de personnel qualifié et de médicaments de base, les prisons ont bien du mal à prodiguer des soins médicaux. Certains maux communs – malaria, infections cutanées et problèmes oculaires, entre autres – ne sont pas traités et les détenus ne sont hospitalisés qu’en cas d’urgence.
Un détenu grièvement blessé qu’Amnesty International a rencontré a dû attendre huit jours avant qu’on ne l’emmène dans un centre de soins. Il avait une fracture ouverte (l’os transperçait la peau) au bras gauche ; son bras était clairement déformé, enflé et infecté. Les soins ont tellement tardé que le risque de handicap permanent était très élevé.
« Le droit libérien prévoit que les détenus doivent subir un examen de santé rudimentaire à leur arrivée en prison, mais cela n’est tout simplement pas le cas dans les faits », a poursuivi Tawanda Hondora.
« Ces examens pourraient aider à limiter la transmission de maladies contagieuses, tout en livrant des données précieuses sur les problèmes de santé préexistants et ceux apparaissant en prison. »
Le conflit armé prolongé qu’a connu le Liberia a pris fin en 2003 ; depuis lors, le gouvernement a beaucoup fait pour surmonter les séquelles du conflit. La présidente Ellen Johnson-Sirleaf et d’autres hauts responsables gouvernementaux ont déclaré qu’ils étaient déterminés à faire changer les choses, et s’efforcent actuellement de mettre en place une réforme du système judiciaire.
« Quelles que soient les circonstances, le gouvernement a une obligation claire, en vertu de textes qu’il est tenu d’appliquer, de ne pas exposer les détenus à des conditions constituant un traitement cruel, inhumain et dégradant », a conclu Tawanda Hondora.
« Il faut agir immédiatement afin d’améliorer les conditions de vie des détenus au Liberia, en particulier sur le plan de l’accès aux soins. »