Index AI : AFR 34/015/2003
ÉFAI
Lundi 7 juillet 2003
L’offre d’« asile » du président nigérian Olusegun Obasanjo à son homologue Charles Taylor bafoue le droit international, et ne contribue en rien à l’établissement d’une paix juste et durable au Libéria, a déclaré Amnesty International ce lundi 7 juillet.
Le président Taylor a été inculpé par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, qui lui attribue les plus grandes responsabilités pour les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les autres graves violations du droit international humanitaire relevant de la compétence du Tribunal spécial.
« Le 4 juin, quand l’inculpation du président Taylor a été rendue publique par le Tribunal, le gouvernement du Ghana n’a pas souhaité l’arrêter alors qu’il se trouvait à Accra. À présent, le gouvernement du Nigéria viole aussi ses obligations définies par le droit international, en promettant qu’aucune action en justice ne sera intentée contre Charles Taylor s’il quitte le Libéria pour le Nigéria », a déclaré Amnesty International.
Selon le droit international, les présumés responsables de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et autres atteintes au droit international doivent être traduits en justice.
« Tout État partie aux Conventions de Genève - comme le Nigéria - se trouve dans l’obligation de traduire en justice devant ses propres tribunaux ceux qui ont commis ou ordonné de graves infractions à ces Conventions, de les extrader vers un autre pays désireux et capable de les juger, ou de les déférer devant un tribunal international », a déclaré l’organisation. « Il n’existe aucune exception : ces textes s’appliquent au Nigéria comme au président Taylor. »
« Nul, quel que soit son statut - y compris chef d’État - ne possède l’immunité pour les atteintes les plus graves au droit international », a ajouté Amnesty International.
« Nous demandons au président Obasanjo de s’acquitter des obligations du Nigéria au regard du droit international », a ajouté l’organisation. « Si le président Taylor pénètre sur le territoire nigérian, il doit être arrêté. »
Les décisions du gouvernement du Ghana puis du Nigéria vont à l’encontre des grands progrès accomplis par la communauté internationale dans la lutte contre l’impunité pour les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et autres infractions graves ; ces progrès se sont notamment traduits par l’établissement de la Cour pénale internationale (dont les statuts ont été ratifiés par ces deux pays). Les gouvernements du Ghana et du Nigéria ont aussi fait la sourde oreille aux demandes réitérées du Secrétaire général et du Conseil de sécurité des Nations unies de coopérer avec le Tribunal spécial pour la Sierra Leone.
« En resserrant les rangs autour du président Taylor, les gouvernements de la CEDEAO [Communauté économique des États d’Afrique de l’ouest] perpétuent l’un des principaux facteurs de conflit dans la région depuis des années : l’impunité pour les violations systématiques et à grande échelle des droits humains élémentaires de la population civile », a rappelé Amnesty International.
« Le marchandage qui vise actuellement à obtenir la fin du conflit au Libéria en échange de l’immunité pour le président Taylor est inacceptable et indéfendable », a souligné l’organisation.
Un accord de paix efficace et durable pour le Libéria doit comporter un mécanisme chargé d’établir les responsabilités pour les atteintes aux droits humains commises par toutes les parties au cours du conflit. En 1999, lors des négociations de Lomé pour un accord de paix en Sierra Leone, il avait été affirmé que l’accord de paix serait mis en danger si les différentes parties du conflit étaient tenues responsables de graves atteintes aux droits humains. Cette position, qui constituait une violation du droit international, n’est pas parvenue non plus à maintenir la paix, comme cela est apparu moins d’un an plus tard. Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone joue un rôle capital dans la réconciliation et l’instauration d’une paix durable dans ce pays.
« Au lieu d’ignorer le droit international et le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, le Nigéria et d’autres États de la CEDEAO devraient s’engager fermement pour que le peuple libérien - qui a tant souffert - puisse voir les responsables de ces crimes dans l’obligation de rendre des comptes », a déclaré Amnesty International.