Mae Azango, journaliste d’investigation basée à Monrovia, reçoit des menaces de mort depuis qu’elle a publié un article dans FrontPage Africa au sujet des mutilations génitales infligées à des filles et des femmes au Liberia.
Le 13 mars 2012, la police nationale du Liberia a informé Mae Azango qu’elle lancerait une enquête et qu’elle avait commencé à contacter des témoins, une nouvelle saluée par Amnesty International. L’organisation appelle les policiers à veiller à ce que les responsables présumés soient traduits en justice et à prendre des mesures immédiates pour protéger Mae Azango et ses enfants de toute menace et de toute manoeuvre de harcèlement.
Jeudi 8 mars 2012, Mae Azango a commencé à être menacée de mort après avoir publié un article évoquant l’initiation de jeunes filles âgées de moins de 18 ans au sein de la « Société Sande », une société secrète qui force les jeunes filles et les fillettes à subir des mutilations génitales. Le rédacteur en chef de Mae Azango reçoit également des menaces visant la journaliste. Cette dernière a déclaré : « Ils ont appelé mon rédacteur en chef pour qu’il m’avertisse qu’ils me feraient payer. » Elle a ajouté : « Il y a certaines choses que les femmes n’ont pas le droit de faire. Selon eux, les femmes ne sont pas censées parler de certains sujets. Ils sont en colère parce que j’ai écrit un article sur les mutilations féminines génitales. »
Une des menaces lui a été envoyée par une des locataires de la maison où elle vit ; depuis le 8 mars, Mae Azango ne peut donc pas dormir chez elle. Elle a expliqué : « Une femme vivant dans ma maison m’a menacée, c’est pourquoi je ne dors pas [chez moi], parce que je ne sais pas jusqu’où elle irait pour me faire du mal. J’ai peur pour [mes enfants]. »
Mardi 13 mars, six jours après que Mae Azango a été forcée de se cacher, des policiers l’ont informée qu’ils lanceraient une enquête une fois qu’elle leur aurait fourni les coordonnées de certains témoins.
La journaliste a déjà écrit des articles portant sur des sujets relatifs aux droits humains, tels que la brutalité policière, le harcèlement sexuel et le viol. Elle est maintenant menacée de mort en raison de ses recherches sur les mutilations génitales féminines. En novembre 2011, Mae Azango a remporté le prestigieux prix Pulitzer, décerné par les États-Unis, la poussant à continuer son travail sur les questions de santé reproductive.
L’histoire de cette femme n’est pas un cas isolé. Au Liberia, les journalistes et les défenseurs des droits humains sont souvent victimes de harcèlement et font parfois l’objet de menaces, d’arrestations et d’agressions en raison de leur travail sur la corruption, les critiques visant le gouvernement, ainsi que sur des sujets controversés, tels que les droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) et les mutilations génitales féminines.
Le gouvernement libérien a l’obligation de veiller à ce que les journalistes et les défenseurs des droits humains puissent mener leurs activités sans ingérences, sans contraintes, sans discrimination et sans crainte de représailles. Amnesty International appelle la police nationale du Liberia à prendre des mesures immédiates pour protéger Mae Azango et ses enfants de toute menace et de toute manoeuvre de harcèlement.
Bien que le Liberia ait l’obligation, aux termes de traités internationaux, de protéger les filles et les femmes des mutilations génitales, cette pratique demeure répandue. L’article 6, paragraphe 4 de la loi libérienne sur les mineurs, promulguée en février 2012, dispose que les mineurs ne doivent pas être soumis à « une pratique inutile ou barbare pouvant provoquer chez l’enfant une douleur physique, psychosociale ou émotionnelle, ou compromettant ou mettant en danger son intégrité physique, sa vie, sa santé, sa dignité, son éducation, son bien-être ou son développement holistique. » Amnesty International craint que l’expression « pratique inutile ou barbare », formulée de manière ambiguë, soit inefficace pour mettre fin aux mutilations génitales féminines.
Selon l’étude démographique et sanitaire de 2007, 58,2 % des filles et des femmes âgées de 15 à 49 ans sont victimes de cette pratique au Liberia. Amnesty International a reçu des informations indiquant que des filles âgées de huit à 18 ans, voire des fillettes de trois ans, y ont été soumises de force sans anesthésie ni équipement stérile.