Libéria. Le procès de Charles Taylor doit avoir une signification pour les Sierra Léonais et les Libériens.

Déclaration publique

AFR 34/005/2007

Ce 1er juin, à La Haye, devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, s’ouvre le procès de l’ancien président libérien Charles Taylor, inculpé d’avoir commis des crimes contre l’humanité et crimes de guerre en Sierra Leone, notamment des homicides, des mutilations, des viols et autres formes de violence sexuelle, de l’esclavage sexuel, du recrutement et recours à des enfants soldats, des enlèvements et du recours au travail forcé. C’est la première fois qu’un ancien chef d’État ou de gouvernement est poursuivi devant un tribunal pénal international pour ces crimes commis en Afrique contre des Africains.

Il est d’une importance capitale que ce procès soit communiqué aux victimes des crimes faisant l’objet de poursuites, et plus généralement au peuple de la Sierra Leone, où les crimes poursuivis ont été commis contre des Sierra Léonais, ainsi qu’au Libéria, où Charles Taylor était président à l’époque où ces crimes se sont produits.

Cependant, quelques jours avant l’ouverture de ce procès, des observateurs au Libéria et en Sierra Leone ont révélé que de nombreuses personnes ne sont pas au courant que le procès va s’ouvrir ou ne comprennent pas les raisons pour lesquelles le procès de Freetown, où se trouvent les bureaux du Tribunal spécial, a été déplacé à La Haye.

Le plus grand défi qui attend le Tribunal spécial sera de rendre ce procès accessible et connu des victimes. Comme le procès a lieu à La Haye, il est d’une importance capitale que son évolution au jour le jour soit communiquée promptement et avec précision par divers médias, comme la radio, la télévision, les journaux locaux et les programmes locaux de communication.

Les populations du Libéria et de Sierra Leone doivent assister à ce processus de justice. Elles doivent en particulier pouvoir observer que ce procès est mené dans le respect des normes internationales, notamment de la présomption d’innocence.

Amnesty International craint qu’après la décision du gouvernement d’accorder des amnisties à la grande majorité des personnes ayant commis de crimes lors du conflit, de nombreuses victimes continuent de souffrir, privées de justice et de réparations.

Selon Amnesty International, le Tribunal spécial, en poursuivant un petit nombre d’affaires, peut jouer un rôle important pour octroyer une certaine justice au peuple de la Sierra Leone, et souligner la nécessité de revenir sur l’injustice imposée par le gouvernement en adoptant une amnistie.
Par ses décisions judiciaires, son travail de communication, sa stratégie de legs judiciaire et ses positions, le Tribunal spécial peut envoyer un message fondamental : l’impunité pour les infractions au droit international ne doit pas être tolérée, et justice doit être rendue aux victimes de ces infractions. Ainsi, justice sera faite, et publiquement.

Contexte

L’ancien président Charles Taylor, après trois ans d’exil au Nigéria, a été remis au Tribunal spécial pour la Sierra Leone le 29 mars 2006. Onze chefs d’inculpation pèsent sur lui, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité contre le peuple de Sierra Leone. Parmi ces crimes figurent des homicides, mutilations, viols et autres formes de violence sexuelle, de l’esclavage sexuel, des recrutements et recours à des enfants soldats, ainsi que des enlèvements et recours à du travail forcé par des groupes d’opposition armés sierra léonais.

Après la reddition de Charles Taylor, le Tribunal spécial a demandé que le procès soit déplacé à La Haye, aux Pays Bas, pour des raisons de sécurité.

Le 31 mai 2004, le Tribunal spécial a décidé que Charles Taylor ne jouissait d’aucune immunité contre les poursuites de par son statut de chef d’État à l’époque où les crimes pour lesquels il a été inculpé étaient commis. Cette décision respectait les principes de la justice internationale et de l’état de droit, et Amnesty International l’a saluée.

À ce jour, le Tribunal spécial a inculpé 13 personnes aux termes de son mandat : poursuivre les personnes portant la plus lourde responsabilité des crimes de guerre, crimes contre l’humanité et autres violations graves du droit international humanitaire, ainsi que certains crimes aux termes du droit national sierra léonais depuis le 30 novembre 1996. Sur ces 13 personnes, neuf sont en détention, et les procès ont tous commencé. Trois de ces personnes sont décédées et l’une reste en fuite. Cependant, à ce jour au Libéria, après deux décennies de conflit, nul n’a été traduit en justice pour les crimes commis dans ce pays. En Sierra Leone, une loi d’amnistie a offert l’impunité aux milliers d’autres responsables de crimes, qui ne seront pas poursuivis par le Tribunal spécial.

Des procureurs africains ont enquêté sur d’anciens chefs d’État africains et les ont poursuivis, notamment Mengistu Hailé Mariam et d’autres membres du Derg (junte éthiopienne), Jean-Bédel Bokassa, ancien empereur de l’éphémère empire d’Afrique centrale (actuelle République centrafricaine), l’ancien président Moussa Traoré du Mali et bientôt, l’ancien président du Tchad Hissène Habré, au Sénégal. Charles Taylor est le premier chef d’État africain à être poursuivi par un tribunal pénal international. Le responsable de rang le plus élevé condamné par le Tribunal international pénal pour le Rwanda était l’ancien Premier ministre Jean Kambanda.

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