LIBÉRIA Un an après Accra, il reste de nombreux défis à relever en matière de droits humains

Mardi 17 août 2004

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Alors que l’espoir était né le 18 août dernier de voir la longue crise des droits humains au Libéria enfin résolue, des problèmes majeurs dans ce domaine n’ont toujours pas été résolus. Telle est la teneur du nouveau rapport sur le Libéria rendu public ce jour (mercredi 17 août 2004) par Amnesty International.

« L’accord de paix signé à Accra était de bonne augure pour la population libérienne, victime depuis plus de dix ans d’atteintes massives aux droits humains, a déclaré l’organisation. Mais un an plus tard, malgré quelques grandes avancées, la protection des droits fondamentaux de tous progresse à un rythme très décevant. »

Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Libéria le mois dernier pour évaluer la situation depuis la signature de l’accord de paix et le déploiement de la Mission des Nations unies au Libéria (MINUL). Ils voulaient voir également la suite donnée aux promesses faites lors la conférence internationale sur la reconstruction du Libéria qui s’est tenue en février 2004. La délégation a constaté que le déploiement constant des forces de la MINUL ainsi que le désarmement et la démobilisation avaient indéniablement fait avancer les choses.

« La situation s’est nettement améliorée par rapport à celle qui régnait dans le pays en novembre 2003 lorsque les civils étaient encore victimes d’homicides, de viols, de brutalités, de travail forcé et de pillages, a déclaré Amnesty International. Nous avons remarqué cependant que dans les zones les plus reculées où la MINUL n’était pas encore présente et le désarmement et la démobilisation pas encore amorcés, les civils étaient toujours en danger. »

Manœuvres de harcèlement et d’intimidation, extorsions, travail forcé et pillage continuent d’être signalés dans le comté de Lofa toujours aux mains des Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (LURD) ainsi que dans le sud-est, dans les comtés de Sinoe, Grand Kru, River Gee et Maryland, où le Mouvement pour la démocratie au Libéria (MODEL) est toujours présent. Dans le comté de Nimba, où les forces de l’ancien gouvernement et du MODEL sont toujours actives, les civils se sentent toujours menacés, ils ne peuvent pas circuler librement et on leur extorque leurs biens et de la nourriture.

« Les forces de la MINUL devraient donner effet au chapitre VII de la Charte qui les mandate à protéger les civils, a déclaré l’organisation.

Cependant, le gouvernement de transition libérien, composé de représentants de l’ancien régime, des LURD et du MODEL, doit lui aussi assumer ses responsabilités. En signant l’accord de paix, il s’est engagé à promouvoir le respect du droit international humanitaire et relatif aux droits humains et, pourtant, il n’a jamais condamné les agissements de ceux qu’il représente.

Les représentants de la société civile du Libéria ont tenu à faire savoir à Amnesty International à quel point il était important de mettre fin à l’impunité pour les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les autres graves violations du droit international. Il ne fait aucun doute pour la société civile que la poursuite des exactions et des hostilités était largement due au laxisme passé face à l’impunité qui, comme l’a très justement fait remarquer une ONG libérienne, « n’a fait qu’alimenter le conflit ».

Pour Amnesty International, « il faut que la communauté internationale et le gouvernement de transition libérien proclament sans équivoque qu’il ne peut y avoir impunité pour les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, et que les personnes soupçonnées d’être responsables de tels agissements seront déférées à la justice. »

La protection des droits fondamentaux à court et long terme doit être une priorité à l’heure où le Libéria émerge d’un pas chancelant d’une véritable crise des droits humains.

La section de la MINUL chargée de protéger les droits humains a mis en place un programme global ambitieux mais elle ne dispose pas encore du personnel et des fonds nécessaires.

« Il faut recruter le plus rapidement possible toutes les personnes prévues pour surveiller la situation des droits humains dans le pays et rassembler des informations sur les atteintes à ces droits », a déclaré Amnesty International. La MINUL doit régulièrement - et, ce qui est encore plus important, publiquement - fournir des informations sur la situation des droits humains au Libéria. »
Le conseiller et l’unité de la MINUL spécialisés dans les questions liées au genre ne disposent pas des ressources nécessaires pour faire en sorte que la protection des droits des femmes, des jeunes filles et des fillettes soit au cœur de toutes les opérations de la MINUL et soit pleinement prise en compte au moment où le Libéria essaie de s’attaquer aux terribles séquelles laissées par le conflit.

« De très nombreux viols et autres actes de violence sexuelle ont été commis pendant le conflit, a ajouté l’organisation. Il faut trouver une réponse adaptée aux besoins des victimes de ces violences et faire en sorte que les droits fondamentaux des femmes et des fillettes dans le Libéria de l’après-conflit soient réellement protégés. »

Les organismes veillant à la protection de l’enfant se sont également dits très préoccupés par les carences du programme de désarmement, démobilisation, réinsertion et réintégration des enfants liés aux forces combattantes.

La société civile libérienne, la MINUL, les autres agences des Nations unies et les ONG nationales et internationales sont extrêmement déçues de constater que ceux qui avaient fait des promesses généreuses lors de la conférence internationale sur la reconstruction du Libéria n’ont pas fourni les fonds nécessaires à leur réalisation. La mise en œuvre des mécanismes et institutions nécessaires à la protection des droits humains s’en trouve gravement compromise.

« Nous avions nourri de grands espoirs à Accra, mais les choses n’ont pas beaucoup avancé [...] Si le système ne fonctionne pas, nous ne pouvons rien faire », a déclaré l’association des avocates du Libéria (AFELL) à Amnesty International.
Les pays donateurs doivent sans délai honorer les promesses qu’ils ont faites en février, mais le gouvernement provisoire du Libéria fait également partie de l’équation. S’il ne fait pas la preuve rapidement de sa volonté de respecter l’accord de paix et de participer à la reconstruction du pays en appliquant un mode de gouvernement éclairé, dans le respect de la loi et des droits humains, la confiance, le soutien et la bonne volonté de la communauté internationale s’érodera rapidement. ?

Index AI : AFR 34/014/2004

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