Les libertés d’association et d’expression se sont déteriorées en 2015

En octobre 2014, le bilan du Kazakhstan en matière de droits humains a été passé au crible alors que le pays soumettait son second rapport dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU) du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.

Nombre des recommandations faites au Kazakhstan à la suite de l’EPU concernaient la levée des restrictions sur les libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique. D’après les autorités du Kazakhstan, plusieurs de ces recommandations avaient déjà été mises en œuvre comme, par exemple, de garantir l’indépendance des médias et protéger le droit à la liberté d’expression des défenseurs des droits humains et des journalistes ; renforcer la protection des libertés d’association et de réunion pacifique ; mettre fin aux fermetures, suspensions ou blocages des publications de l’opposition, qu’il s’agisse de la presse écrite ou en ligne.

Loin de correspondre à la mise en œuvre de ces recommandations, la situation du droit à la liberté d’expression et d’association au Kazakhstan s’est détériorée en 2015.

Le 18 décembre, à Almaty, des policiers ont fait irruption dans les bureaux du site d’information indépendant Nakanune.kz ainsi qu’au domicile de trois de ses journalistes ; Guzyal Baidalinova, le propriétaire du site, et Yulia Kozlova et Rafael Balgin, deux rédacteurs. Tous trois font maintenant l’objet d’une enquête au titre de l’article 274 du Code pénal pour avoir « diffusé sciemment de fausses informations », après que le site a publié des articles sur les activités de la Kazkommertsbank, et à la suite d’un procès pour diffamation intenté contre le média par la Kazkommertsbank plus tôt dans l’année. Plusieurs des journalistes travaillant pour Nakanune.kz ont avant cela travaillé pour Respublika, journal indépendant contraint à la fermeture en 2012 à la suite d’accusation d’« extrémisme », mais qui avait en réalité critiqué les autorisé kazakhes.

Au moins quatre personnes ont fait l’objet d’une enquête au pénal pour incitation à la « discorde » nationale en raison de publications sur des sites de médias sociaux, au titre d’accusations d’incitation à la « discorde » sociale et autres inscrites dans des termes vagues dans le nouveau Code pénal du Kazakhstan, entré en vigueur en janvier 2015. Parmi ces personnes se trouvent deux militants (Yermek Narymbaev et Serkzhan Mambetalin) en détention depuis octobre en attendant d’être jugés pour « incitation à la discorde nationale » après qu’ils ont publié sur leurs pages Facebook des extraits d’un livre jamais paru accusé de dénigrer le peuple kazakh. En octobre, le magazine d’actualité indépendant Adam a été fermé et son inscription révoquée par une décision judiciaire, au motif qu’il avait continué à publier du contenu sur sa page Facebook, en violation de l’interdiction administrative imposée à la version papier du magazine en septembre.

Certaines clauses incluses dans le nouveau Code pénal font des « dirigeants » d’associations une catégorie séparée de contrevenants en ce qui concerne les accusations de « discorde » (article 174 du Code pénal) ; ils risquent des peines plus lourdes s’ils sont reconnus coupables. En novembre, Bolatbek Blyalov, directeur de l’Institut de la démocratie et des droits humains, est devenu la première personne arrêtée et accusée de « discorde » au titre de l’article 174, après que des éléments « compromettants » aient été découverts à son domicile. Le 11 novembre, il a été placé en détention pour deux mois en attendant son procès.

Plus inquiétante encore est la situation d’Elena Semyonova, membre du Mécanisme national de prévention du Kazakhstan (MNP), organisme fonctionnant sous l’égide de l’Ombudsman national qui gère les conditions carcérales (ce qui est devenu en 2014 une des obligations du Kazakhstan en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture) et de la Commission de surveillance publique (PMC) - mécanisme de la société civile gérant les lieux de détention - de sa région. Elena Semyonova fait actuellement l’objet d’une enquête au pénal par la police, au titre de l’article 274 du Code pénal - « diffusion consciente de fausses informations » - après qu’elle a publié sur les médias sociaux des informations sur des cas de mauvais traitement qu’elle avait observés au cours de ses visites dans une prison.

Les amendements à la loi sur les organisations à but non-lucratif promulgués le 2 décembre mèneront à la mise en place d’un « opérateur » central pour recueillir des fonds et gérer les fonds publics et privés des ONG, y compris les subventions provenant d’organisations internationales, de missions diplomatiques et d’ONG internationales pour des projets et des activités conformes à une liste limitée et approuvée par le gouvernement d’objectifs acceptables. Ne pas fournir d’informations précises à la base de donnée centralisée de l’opérateur pourrait donner lieu à une amende ou une interdiction temporaire des activités. Les militants de la société civile au Kazakhstan sont particulièrement concernés par le fait que cette nouvelle loi sera utilisée pour resserrer le contrôle de l’État sur les ONG et leurs activités, et pour limiter leur capacité à lever des fonds de provenance étrangère autrement qu’en passant par l’opérateur central. Il est inquiétant de voir qu’avant l’adoption de la loi, il n’y a pas eu de véritable consultation sur le projet de loi impliquant des ONG et d’autres représentants de la société civile. En effet, il était même difficile pour les militants de la société civile d’obtenir une copie de la version finale du projet de loi avant son adoption.

Il est temps que les autorités du Kazakhstan agissent conformément à leur engagement à respecter les droits à la liberté d’expression et d’association. Il est temps de renverser cette tendance inquiétante à utiliser la législation pénale pour réduire au silence les dissidents et ceux qui font état des violations des droits humains. Il est temps aussi de veiller à ce que les personnes qui seront affectées par cette législation soient consultées de façon sérieuse et transparente.

Complément d’information

Le rapport de la République du Kazakhstan à l’EPU a été examiné le 30 octobre 2014. Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a adopté le résultat de l’EPU le 19 mars 2015 lors de sa 28ème session, y compris les recommandations faites au Kazakhstan. Avant l’EPU, Amnesty International avait communiqué des données sur la situation des droits humains au Kazakhstan.

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