Libye, rendre des comptes pour les crimes de guerre commis

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La protection des civils et la justice pour les victimes de violations doivent constituer les piliers de tout accord de paix issu du sommet sur le conflit armé en Libye qui se tiendra à Berlin dimanche 19 janvier sous l’égide des Nations unies.

Le conflit – qui s’est intensifié en avril dernier avec la tentative de prise de la capitale, Tripoli, par l’autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar – se déroule sur fond d’affrontements armés périodiques qui ont fait de nombreuses victimes parmi les civils.

En octobre 2019, Amnesty International a publié la seule enquête approfondie qui ait jusqu’à présent été menée sur le terrain des deux côtés des lignes de front à Tripoli. L’organisation s’est rendue sur les sites de 33 frappes aériennes et terrestres dans la capitale et ses environs, et a découvert des éléments de preuve indiquant que des crimes de guerre pourraient avoir été commis tant par le Gouvernement libyen d’union nationale (GNA) reconnu par l’ONU, que par l’ANL.

Durant cette enquête, l’organisation a recensé plusieurs cas d’immeubles d’habitation et d’infrastructures civils ayant été détruits ou endommagés par des tirs de roquette, des barrages d’artillerie et des frappes aériennes qui ont été effectués par les deux camps et qui ont tué et blessé de nombreuses personnes.

« Nous avons été témoins des effets dévastateurs d’attaques menées de façon disproportionnée et sans discernement – y compris de possibles crimes de guerre – par les deux parties au conflit, qui continuent de violer le droit international humanitaire avec le soutien militaire ou autre de pays tels que les Émirats arabes unis et la Turquie », a déclaré Donatella Rovera, principale conseillère d’Amnesty International pour les situations de crise.

L’organisation a mené de rigoureuses investigations après des explosions sur des sites de frappes [1], et les résultats de ces investigations confirment l’implication de puissances étrangères dans ce conflit. Malgré l’embargo total sur les armes mis en place par l’ONU depuis 2011, les Émirats arabes unis et la Turquie, entre autres, soutiennent l’ANL et le GNA, respectivement, en procédant à des transferts illicites d’armes et en leur apportant une aide militaire directe pour des attaques contre des civils ou ayant touché des civils. Des éléments de plus en plus nombreux mettent également en évidence la participation à ce conflit de mercenaires russe soutenant l’ANL.

Selon les statistiques de l’ONU, plus de 284 civils ont été tués et plus de 140 000 ont été déplacés à cause du conflit armé en Libye, en 2019. Dans une déclaration [2] en date du 3 janvier 2020, l’ONU a dénoncé une multiplication des attaques menées sans discernement qui ont mis en danger des écoles, des centres médicaux et d’autres infrastructures civiles à Tripoli et dans ses environs, y compris l’aéroport international de Mitiga.

« La communauté internationale, y compris les États participant à la conférence de Berlin, doit soutenir l’embargo de l’ONU sur les armes pour la Libye, et coopérer avec le Conseil des droits de l’homme de l’ONU en vue de créer de toute urgence une commission d’enquête ou un mécanisme similaire chargés de protéger les preuves de crimes de guerre et d’autres violations, et préparer le terrain pour que les victimes et leurs proches puissent obtenir justice et réparation, a déclaré Donatella Rovera.

« Les belligérants en Libye doivent immédiatement cesser de se livrer à des attaques menées sans discernement et de façon disproportionnée, et respecter intégralement les dispositions du droit international humanitaire, enquêter sur les allégations de violations et mettre fin à l’utilisation d’armes explosives à large champ d’action. »

Le conflit a également aggravé davantage encore la situation déjà difficile de milliers de personnes migrantes et réfugiées en Libye, y compris pour celles, nombreuses, qui sont confinées en Libye en conséquence de la politique de coopération entre des gouvernements européens et les autorités libyennes. Amnesty International rassemble de longue date des informations montrant que la politique qu’appliquent l’Union européenne (UE) et la Libye et qui consiste à intercepter des migrants et des réfugiés et à les renvoyer en Libye expose ces personnes à une détention arbitraire prolongée, à la torture et à la mort, y compris à cause d’attaques ciblées ou menées sans discernement.

Les États de l’UE qui participeront à ce sommet doivent ajuster leur coopération avec la Libye et mettre fin à toute mesure entraînant le confinement de personnes dans le pays. Ils doivent faire pression sur les autorités libyennes pour qu’elles mettent un terme à la politique de détention arbitraire prolongée des réfugiés et des migrants, et intensifier les mesures visant à faire évacuer du pays les réfugiés et les migrants, y compris en recourant à la réinstallation et aux autres moyens permettant de garantir leur protection.

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