LIBYE : Expulsion imminente de déserteurs de l’armée érythréenne

Amnesty International est très préoccupée par les informations qui lui sont parvenues selon lesquelles les autorités libyennes s’apprêteraient à rapatrier de force en Érythrée, dans les jours prochains, sept détenus érythréens ; l’opération se ferait à la demande, semble-t-il, du gouvernement érythréen qui entretient des relations étroites avec la Libye.
« Si ces sept détenus érythréens sont rapatriés de force en Érythrée, ils courent un grand risque d’être arrêtés à leur arrivée et détenus au secret dans un lieu de détention inconnu sans inculpation ni jugement pour une durée indéterminée, a déclaré Amnesty International. Ils pourraient être soumis à la torture - fréquemment employée par les militaires en Érythrée. Au moins deux d’entre eux, détenus dans le passé en Érythrée pour des motifs politiques, pourraient être victimes d’exécutions extrajudiciaires. »
Les sept hommes, âgés d’une trentaine d’années, ont déserté l’armée érythréenne à des moments différents de l’année 2002 et ont fui le pays pour se réfugier au Soudan puis en Libye, dans l’espoir d’atteindre un pays où ils pourraient demander l’asile en Europe. Arrêtés en Libye, reconnus coupables d’être entrés illégalement dans le pays, ils n’ont pas été remis en liberté à l’issue de leurs trois mois de détention. D’autres « immigrants illégaux », venus d’Éthiopie, du Soudan et du Maroc, détenus en même temps qu’eux, ont été remis en liberté.
Selon les informations dont nous disposons, l’un des Érythréens, Zacharias Michael, placé en détention sous le contrôle de militaires, s’était échappé à l’occasion d’une courte période de remise en liberté provisoire après avoir appris que sa vie était menacée. Il était détenu et avait été torturé pour avoir critiqué le gouvernement à une époque où les appels en faveur d’une réforme démocratique du pays se multipliaient.
Un autre Erythréen, Misghina Seyoum, avait combattu dans le Front populaire de libération de l’Érythrée (maintenant au pouvoir). Il se serait également échappé après avoir été arrêté pour avoir critiqué le gouvernement.
Les cinq autres Érythréens sont Mesfin Aman, Rezene Eyassu, Yonas Negussie, Michael Yemane, Abel Tekle, tous des appelés effectuant leur service national. Ils seraient détenus dans un camp à Gherian, près de la ville de Jendouba, à environ 90 kilomètres au sud de Tripoli, où seraient détenus les clandestins africains.
« Les autorités libyennes doivent stopper le processus de rapatriement de ces détenus vers l’Érythrée, a déclaré Amnesty International. Les autorités libyennes, qui n’ont pas encore ratifié la Convention de 1951 des Nations unies relative au statut des réfugiés, doivent respecter leurs obligations au titre de la Convention de 1969 de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique et le droit coutumier international qui interdit le rapatriement forcé (refoulement) de toute personne vers un pays dans lequel elle risque d’être victime de graves atteintes aux droits humains, a ajouté l’organisation.
« La Libye doit permettre à ces sept Érythréens d’avoir recours à la protection du haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR). »
Complément d’information
Plusieurs milliers de réfugiés de diverses nationalités sont enregistrés en Libye par le HCR.
En septembre 2001, le gouvernement érythréen a lancé un vaste mouvement de répression, plaçant en détention arbitraire d’anciens ministres du gouvernement dont les noms ont été longtemps associés à la lutte pour l’indépendance, des journalistes, d’anciens combattants de la libération, des fonctionnaires et de nombreuses autres personnes. Tous sont toujours détenus au secret on ignore dans quelles prisons sans avoir été inculpés ni jugés et sans aucune base légale. Amnesty International considère qu’un grand nombre d’entre eux sont des prisonniers d’opinion.
Des centaines d’Érythréens, parmi lesquels les sept dont les noms ont été cités, ont fui le pays au cours des deux dernières années. Ils se sont réfugiés d’abord au Soudan, après avoir déserté, ou pour échapper au service national. Le service national comprend six mois d’entraînement militaire et douze mois de service civil. Il concerne tous les hommes et les femmes âgés de dix-huit à quarante ans, avec des périodes de réserve ensuite. Il a été prolongé pour une durée indéterminée ; le droit à l’objection de conscience n’est pas reconnu. Parmi les prisonniers détenus par des militaires, certains sont en détention pour leurs opinions, critiques à l’égard du gouvernement ou des autorités militaires, d’autres parce qu’ils sont opposés au service militaire pour différentes raisons ; trois d’entre eux sont des témoins de Jéhovah, détenus depuis 1994.
Plus de 220 Érythréens qui avaient été expulsés de Malte fin 2002 après avoir fui leur pays en direction du Soudan puis de la Libye, seraient détenus au secret depuis leur rapatriement en Érythrée. Toue information concernant leur situation actuelle et la façon dont ils sont traités est difficile à obtenir, les autorités érythréennes n’autorisant aucun contact avec eux.

Index AI : MDE 19/018/2003

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