LIBYE : La confirmation des condamnations prononcées contre 85 prisonniers d’opinion est un pas en arrière pour les droits humains

Index AI : MDE 19/020/2004

Mercredi 1er décembre 2004

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

La décision de la Cour d’appel populaire confirmant, ce mercredi 1er décembre 2004, plusieurs dizaines de condamnations, dont deux sentences capitales, est un nouveau coup porté à la liberté d’expression et d’association en Libye, a déclaré Amnesty International.

Les condamnations à mort prononcées en première instance, en 2002, contre deux professeurs d’université, Salum Abu Hanak et Abdullah Ahmed Izzedin, ont été confirmées en appel. Selon le droit libyen, ces condamnations doivent maintenant être examinées par la Cour suprême. Si elles sont confirmées, elles ne pourront ensuite être exécutées qu’avec l’accord du plus haut organe judiciaire du pays, à savoir le Conseil suprême des organes judiciaires.

Par ailleurs, quelque 83 prisonniers d’opinion, jugés en 2002 dans cette même affaire et condamnés à des peines de détention allant de dix ans à la perpétuité, ont aussi vu leurs peines confirmées. Ils n’ont plus de recours possible. Enfin, 66 autres hommes également jugés dans cette affaire ont vu leur acquittement confirmé.

« Ces hommes ne devraient même pas avoir été traduits en justice. Nous sommes consternés par le fait que leurs condamnations aient été confirmées et nous demandons la libération immédiate et sans condition de ces prisonniers d’opinion », a déclaré Amnesty International.

Ces condamnations auraient été prononcées par contumace, les accusés ayant semble-t-il refusé de comparaître ce 1er décembre en signe de protestation. En avril et en octobre 2004, ils avaient déjà exprimé leur colère en se mettant en grève de la faim pour demander, entre autres, leur libération. Les personnes jugées dans cette affaire sont des travailleurs intellectuels et des étudiants qui ont été arrêtés en juin 1998 ou après parce qu’ils étaient soupçonnés de soutenir ou d’avoir des sympathies pour le groupe interdit Al Jamaa al Islamiya al Libiya (Groupe islamique libyen) - connu également sous le nom d’Al Ikhwan al Muslimin (les Frères musulmans).

Lors de leur visite en Libye en février 2004, les délégués d’Amnesty International se sont beaucoup entretenus de l’affaire des Frères musulmans avec les autorités libyennes. Dans tous les entretiens, il a été confirmé que ces hommes n’avaient été déclarés coupables d’aucune activité en lien avec l’usage de la violence ou prônant la violence. Ils sont poursuivis au titre de la Loi 71 de 1972, qui interdit la formation de partis politiques en punissant le seul fait d’exprimer ses idées et de se réunir pour en débattre avec d’autres en secret.

En février 2004, Abdullah Ahmed Izzedin a déclaré à Amnesty International : « Je ne suis pas contre le régime et je n’ai pas de buts politiques. Je voulais seulement œuvrer pour réformer et améliorer la société. »

Pendant les six ans et demi qu’ils ont passés en détention, les accusés ont vu leurs droits bafoués de manière flagrante, même lorsque ceux-ci étaient garantis par le droit libyen. Ainsi, ils ont été coupés du monde extérieur et privés du droit de désigner un avocat de leur choix et d’être jugés dans un délai raisonnable. En outre, leur procès devant le Tribunal populaire, tribunal d’exception connu pour juger les affaires à caractère politique, était loin de respecter les normes internationales relatives à l’équité des procès.

Ces hommes ont été détenus au secret pendant près de trois ans. Pendant cette période, certains ont affirmé avoir été torturés après leur arrestation par des membres de la Sûreté intérieure ; on leur aurait notamment fait subir la torture de la falaqa (coups assenés sur la plante des pieds). Ils auraient aussi été contraints de signer des « aveux ». Depuis son ouverture pendant l’été 2002, leur procès en appel a été renvoyé à maintes reprises, avec une audience environ tous les trois mois, qui ne durait, semble-t-il, que quelques minutes à chaque fois.

Amnesty International se félicite des déclarations des autorités libyennes depuis sa visite de février 2004, qui montrent leur intention d’améliorer la protection des droits humains, par exemple en abolissant la peine de mort et le Tribunal populaire. Un projet de loi supprimant ce tribunal serait en train d’être examiné par les organes législatifs locaux et nationaux du pays.

« Le temps est venu pour les autorités de prendre des mesures concrètes afin de traduire ces engagements dans les faits et d’améliorer sans délai et de manière tangible la vie de tous ceux qui vivent en Libye. »

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