Communiqué de presse

Lituanie. La « Baltic Pride » doit avoir lieu sans entraves

Amnesty International a écrit au maire de Vilnius pour lui faire part de ses vives inquiétudes quant aux restrictions que les autorités municipales de cette ville ont imposées à la prochaine Marche des fiertés des pays baltes (Baltic Pride 2013), qui doit se dérouler le 27 juillet dans l’avenue principale.
L’organisation pense que ces limites bafouent les obligations de la Lituanie aux termes du droit international relatif aux droits humains, et plus particulièrement l’article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, et l’article 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

D’après les informations dont dispose Amnesty International, la Ligue des gays lituaniens (LGL), organisatrice de la Baltic Pride 2013, a informé les autorités municipales de Vilnius de la date, de l’heure et du lieu prévus pour le défilé le 11 janvier dernier. Le 16 janvier, celles-ci ont émis un ordre afin d’exprimer leur opposition à la tenue du défilé dans l’avenue Gediminas, citant comme motifs la difficulté de garantir la sécurité des participants, la nécessité de fermer les cafés, bars et hôtels au public pour des raisons de sûreté – ce qui représente un manque à gagner pour ces établissements – et le fait que le lieu en second choix est le même que celui où a eu lieu la Baltic Pride 2010. La municipalité a alors proposé une alternative : soit changer la nature de l’événement et le transformer en rassemblement sur l’une des places de la ville, soit l’organiser rue Up ?s, un endroit plutôt isolé situé près du fleuve.

Par conséquent, le 23 janvier, la LGL a déposé une requête auprès du directeur adjoint de l’administration de la municipalité de Vilnius pour lancer une nouvelle procédure d’approbation pour la Baltic Pride du 27 juillet prochain.

Aux termes du droit international, toute restriction de la liberté de réunion pacifique doit être prévue par la loi, et doit être proportionnée et nécessaire pour atteindre un objectif légitime. Si garantir la sécurité des participants à la Baltic Pride est un objectif légitime, leur refuser l’autorisation de défiler dans le centre-ville ne constitue par une restriction appropriée de la liberté de réunion, étant donné que les autorités municipales de Vilnius n’ont fourni aucune information sur d’éventuelles menaces en matière de sécurité. S’il existe effectivement des risques dans ce domaine, l’État a l’obligation positive d’assurer la protection des manifestants. Les intérêts économiques des tiers ne constituent pas non plus un objectif légitime permettant de limiter la liberté de réunion.

Amnesty International demande à la municipalité de Vilnius d’annuler l’ordre du 16 janvier qui oblige les responsables de la Baltic Pride à en changer la nature ou à l’organiser à la périphérie de la ville, ce qui est contraire aux obligations de la Lituanie en matière de droits humains. Cet ordre restreint de façon disproportionnée le droit de réunion pacifique et d’association, le droit à la liberté d’expression et le droit de non-discrimination des lesbiennes, gays et personnes bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) dans ce pays d’une façon qui n’est pas nécessaire dans une société démocratique.

Amnesty International appelle également la ville à veiller à ce que les responsables de la Baltic Pride puissent organiser les différents événements prévus en juillet 2013, y compris le défilé, sans avoir à faire face à des obstacles équivalant à une restriction illégale de leur droit à la liberté de réunion pacifique. De plus, des mesures de sécurité adaptées doivent être mises en place pour assurer la protection de ces personnes ainsi que celle des participants.

COMPLÉMENT D’INFORMATION

La Ligue des gays lituaniens a avancé qu’au travers de l’ordre n° A30-51, qui impose des limites à la Baltic Pride, les autorités municipales de Vilnius ont enfreint la Loi sur les réunions publiques (loi n° XI-2385 du 8 novembre 2012), qui stipule que les organisateurs ont l’obligation d’informer la ville de l’heure et de l’endroit du rassemblement prévu. De leur côté, les autorités municipales doivent vérifier si le lieu choisi est conforme à la loi et rédiger un document validant la notification de l’événement public. Aux termes de ce texte, elles ne peuvent imposer un autre lieu si celui choisi par les organisateurs ne bafoue aucune disposition légale.

De plus, d’après la Cour suprême lituanienne, le droit de choisir librement l’endroit, l’heure, le but et la nature d’un rassemblement est une composante essentielle de l’exercice réel du droit de réunion pacifique, comme elle l’a précisé dans son verdict rendu le 4 avril 2011 dans l’affaire Center for Equality Advancement & Human Rights Monitoring Institute c. municipalité de Vilnius. La Cour a jugé que le droit à la liberté de réunion ne pouvait être restreint que s’il existait des éléments factuels prouvant que l’exercice de ce droit pouvait nuire à la sécurité, à l’ordre public, à la santé et aux valeurs morales ou aux droits et libertés d’autrui. Elle a notamment insisté sur le fait que « les décisions prises par les autorités publiques doivent être motivées par des éléments factuels et non pas de simples suppositions ».

Amnesty International rappelle que le respect du droit à la liberté de réunion engendre l’obligation positive pour l’État de garantir, au travers des responsables du maintien de l’ordre, la protection des organisateurs de tout rassemblement légal et celle des participants sans aucune discrimination. La véritable liberté de réunion pacifique ne signifie pas que l’État a simplement le devoir de ne pas interférer, comme le reconnaît la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (par ex. les arrêts Plattform « Ärzte für das Leben » c. Autriche et B ?czkowski et autres c. Pologne).

De plus, la Lituanie a le devoir de réaliser le principe de non-discrimination, y compris en matière d’orientation sexuelle, qui est consacré par l’article 12 de la Convention européenne des droits de l’Homme et le Protocole 12 s’y rapportant, l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et l’article 19 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Amnesty International se réfère également aux Lignes directrices relatives à la liberté de réunion pacifique, publiées en 2007 par le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’Homme, qui dépend de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Le principe 4 de ce texte dispose que lorsqu’un État restreint la liberté de réunion, il doit utiliser « les moyens les moins intrusifs » sans « systématiquement imposer des limites qui changent fondamentalement la nature d’un événement, par exemple en faisant passer des défilés à la périphérie d’une ville ». De plus, il doit s’assurer que « toute autre solution permette encore au rassemblement de transmettre le message souhaité au public cible, c’est-à-dire que ce dernier doit pouvoir en prendre connaissance directement ». D’après les Lignes directrices, les rassemblements constituent un usage de l’espace public tout aussi légitime que les commerces et la circulation routière et piétonne, ce que les autorités locales doivent prendre en compte lorsqu’elles étudient la nécessité d’éventuelles restrictions.

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