Déclaration publique
Index AI : EUR 53/008/2010
ÉFAI
26 novembre 2010
Amnesty International est très préoccupée par une nouvelle initiative législative visant à mettre en place des sanctions administratives pour la « promotion des relations homosexuelles ». Ce projet de loi, ouvertement discriminatoire, restreindrait illégalement le droit à la liberté d’expression des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres, et il constitue une violation des obligations de la Lituanie au regard du droit international. Amnesty International exhorte les membres du Parlement lituanien à voter contre cette modification discriminatoire du Code administratif.
Le 12 novembre 2010, le Seimas (Parlement lituanien) a adopté en première lecture une modification du Code administratif introduisant des amendes de 2 000 à 10 000 litas (environ 580 à 2 900 euros) pour sanctionner la « promotion publique des relations homosexuelles ».
Trente et un députés ont voté en faveur du nouvel article 214-30, sept ont voté contre et le reste des membres du Parlement, qui comprend 141 sièges, s’est abstenu ou n’a pas voté.
Ce projet de modification sera examiné par la Commission des questions juridiques et la Commission des droits humains avant d’être de nouveau soumis au Parlement en seconde lecture le 16 décembre.
Si les sanctions prévues devaient être adoptées, toute expression ou évocation publique de l’homosexualité et toute information à ce sujet seraient interdites. Parmi les actes répréhensibles figureraient notamment, mais pas exclusivement, le fait de militer sur des questions de droits humains relatives à l’orientation sexuelle et l’identité de genre, celui de fournir des informations sur la santé sexuelle à des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres, ou encore celui d’organiser des événements tels que des festivals du film gay et des marches des fiertés comme celle qui s’est déroulée à Vilnius en mai 2010.
Selon l’exposé de l’objet du projet de modification, l’introduction de sanctions mettrait en application la Loi relative à la protection des mineurs face aux effets préjudiciables de l’information publique. Cette loi, entrée en vigueur en mars 2010, interdit les informations accessibles aux enfants qui « dénigrent les valeurs de la famille » ou « encouragent une conception du mariage et de la famille différente » de l’union entre un homme et une femme.
Le 22 novembre, la présidente lituanienne, Dalia Grybauskait ?, a commenté le projet de modification du Code administratif en déclarant que ce type d’initiative portait atteinte à l’image de la Lituanie et présentait le pays comme homophobe et agressif.
Amnesty International craint que cette modification, si elle entre en vigueur, ne soit appliquée d’une manière qui limite la liberté d’expression des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres et des défenseurs de leurs droits, et qu’elle n’aggrave l’homophobie en Lituanie.
Loi relative à la diffusion d’informations publiques
Par ailleurs, Amnesty International déplore que l’article 39 de la Loi relative à la diffusion d’informations publiques, modifié en septembre 2010, soit toujours en vigueur. Aux termes de cette modification, la publicité et la communication audiovisuelle « ne doivent contenir aucune manifestation ou promotion de l’orientation sexuelle » et avait pour objet de transposer la directive européenne sur les services de médias audiovisuels.
Cependant, contrairement à l’article 39 modifié de la Loi relative à la diffusion d’informations publiques, cette directive européenne prévoit, à l’article 9, que « les communications commerciales audiovisuelles :
i) ne portent pas atteinte à la dignité humaine [et]
ii) ne comportent pas de discrimination fondée sur le sexe, l’origine raciale ou ethnique, la nationalité, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, ni ne promeuvent une telle discrimination ».
Les autorités lituaniennes affirment que la formulation actuelle de la Loi relative à la diffusion d’informations publiques n’avait pas pour but d’interdire toute référence à l’orientation sexuelle, et elles ont laissé entendre qu’elle résultait d’une « erreur de traduction » qui serait corrigée en temps voulu. Néanmoins, à la connaissance d’Amnesty International, aucune mesure concrète n’a été prise pour corriger cette formulation afin de garantir la juste transposition de la directive européenne.
L’organisation engage les autorités compétentes à intervenir immédiatement afin d’assurer le respect des obligations de la Lituanie en matière de droits humains et d’éliminer de la législation les dispositions discriminatoires.