Madagascar. Les droits humains sont laissés de côté dans la résolution de la crise politique actuelle

ÉFAI
6 juillet 2009

À la suite d’une mission effectuée à Madagascar, Amnesty International a appelé tous les dirigeants politiques malgaches et plus particulièrement ceux de la Haute Autorité de Transition (HAT) à veiller à ce que le respect et la protection des droits humains soient au centre de toute solution à la crise politique actuelle.

« Si des dirigeants politiques de différentes factions ont été impliqués dans les négociations visant à résoudre la crise politique actuelle, une attention insuffisante a été accordée aux violations des droits humains perpétrées à Madagascar », a déclaré Erwin van der Borght, directeur du programme Afrique à Amnesty International.

«  La Haute Autorité de Transition doit de toute urgence mener une enquête indépendante et impartiale sur les homicides illégaux d’au moins 31 personnes par la garde présidentielle au cours de la manifestation du 7 février 2009 devant le palais présidentiel d’Ambohitsorohitra à Antananarivo. Des enquêtes similaires doivent également être ouvertes sur le possible recours à une force excessive par les forces de sécurité au cours des manifestations qui ont suivi et qui se sont soldées par des pertes en vies humaines et de nombreux blessés », a déclaré Erwin van der Borght.

Amnesty International appelle la HAT à impliquer les Nations unies et/ou l’Union africaine dans les enquêtes afin de s’assurer que celles-ci sont menées de façon impartiale et indépendante.

Au cours de sa visite à Madagascar, la délégation d’Amnesty International a fait part aux autorités de son inquiétude concernant l’établissement et le fonctionnement de la Commission Nationale Mixte d’Enquête (CNME), dont la création avait été décidée par la HAT. L’article premier du décret portant création de la CNME stipule que « c’est l’outil opérationnel à la disposition de la HAT pour l’exercice de son pouvoir judiciaire et de sécurité sur tous actes illégaux perpétrés avant, pendant et après la crise. » Depuis sa création, de nombreuses personnes ont été arrêtées, dont beaucoup ont fait état de mauvais traitements qu’ils auraient subi au cours de leur arrestation.

« Les allégations de mauvais traitements par la Commission Mixte d’Enquête doivent faire l’objet d’enquêtes immédiatement. Les autorités doivent veiller à ce que les personnes actuellement en détention soient jugées dans un délai raisonnable, dans le respect des normes internationales d’équité des procès ou remises en liberté immédiatement si elles n’ont pas été inculpées d’une infraction dûment reconnue par la loi », a déclaré Erwin van der Borght.

Amnesty International recommande à la HAT de dissoudre la CNME et de laisser le soin d’enquêter sur les infractions pénales au système judiciaire en place, notamment à la police et au bureau du procureur. Une telle action préservera l’indépendance de la justice à Madagascar et contribuera au respect et à la protection des droits humains dans le pays. La CNME est perçue par beaucoup comme un organisme politique et son image a été ternie par des accusations d’atteintes aux droits humains.

Amnesty International appelle également la HAT à s’abstenir de toute action qui risquerait d’empiéter sur la liberté d’expression. Des médias à Madagascar ont été fermés avant et après que la HAT soit entrée en fonction et au moins un journaliste, Evariste Ramanantsoavina de Radio Mada, a été arrêté chez lui le 5 mai par la CNME. Il a notamment été inculpé d’atteinte à la sûreté de l’État et diffusion de fausses nouvelles. Le 20 mai, un tribunal d’Antananarivo l’a condamné à une amende d’un million d’Ariary (environ 385 euros) et a ordonné sa remise en liberté. Certains journalistes continuent de craindre pour leur sécurité et ont mentionné à Amnesty International qu’ils avaient reçu des messages et des appels téléphoniques de menace.

Dans le même temps, les médias ont la responsabilité de veiller à ce que leurs programmes ou articles n’enflamment pas davantage la situation à Madagascar et ne conduisent à de nouvelles violences.

Complément d’information
Une délégation du secrétariat international d’Amnesty International a mené du 17 au 25 juin 2009 une mission d’enquête sur la situation des droits humains au cours de la crise politique actuelle à Madagascar. C’était la première visite d’Amnesty International depuis 2002. La délégation a réalisé des interviews de victimes d’atteintes aux droits humains et rencontré de nombreux représentants de diverses factions politiques, des membres de la société civile, des avocats et des représentants des médias. Les délégués ont également débattu de la situation actuelle des droits humains avec des membres de la Haute Autorité de Transition, notamment avec le président Andry Rajoelina.

Le 17 mars 2009, Andry Rajoelina, ancien maire de la capitale Antananarivo, est arrivé au pouvoir après que les militaires, auxquels l’ancien président Marc Ravalomana avait transféré son autorité, en eurent cédé la responsabilité à Andry Rajoelina. Andry Rajoelina a créé la Haute Autorité de Transition dont il est le président et a par ailleurs suspendu les activités du Parlement et du Sénat et mis en place un gouvernement. Le nouveau gouvernement n’a pas été officiellement reconnu par la communauté internationale, qu’il s ‘agisse des Nations unies, de l’Union africaine ou de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).

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