Malaisie, La démission du Premier ministre doit rétablir le respect de la liberté d’expression

Malaisie Premier Ministre Muhyiddin Yassin

La démission du Premier ministre malaisien Muhyiddin Yassin fait suite à des mois de tourmente politique, de difficultés économiques et d’une grave détérioration des droits humains, notamment des droits à la liberté d’expression et de réunion.

Le 16 août, 17 mois tumultueux après sa prise de fonctions, le Premier ministre Muhyiddin Yassin a démissionné. Il assumera ses fonctions de leader par intérim jusqu’à son remplacement.

« Dans la foulée de la démission du Premier ministre, le prochain gouvernement doit sans délai rétablir le respect de la liberté d’expression et de réunion, a déclaré Rachel Chhoa-Howard, chercheuse sur la Malaisie à Amnesty International.

« Depuis 17 mois, le gouvernement a réagi à la vague de colère qui s’est emparée de la population du fait des querelles politiques et de la gestion de la pandémie de COVID-19 en restreignant la liberté d’expression. Ces dernières semaines, ces restrictions se sont aussi étendues au droit de se réunir pacifiquement.

« Dans le contexte actuel de crise politique, les autorités se servent de lois répressives pour enquêter sur – et arrêter – des militant·e·s, des journalistes et des manifestant·e·s, mais aussi des membres de l’opposition politique et de simples citoyen·ne·s, afin d’écraser la dissidence. Il est crucial que le prochain gouvernement tire les leçons du passé et mette fin à l’offensive contre les détracteurs pacifiques. »

Investigations et harcèlement ciblant des manifestants pacifiques

Ces dernières semaines, le gouvernement a fait usage de pouvoirs excessifs dans le cadre de la répression de la liberté de réunion. Alors que Muhyiddin Yassin a démissionné, la police a convoqué cinq personnes pour interrogatoire le 16 août, après qu’elles ont participé à une manifestation pacifique réclamant sa démission. Un journaliste a aussi été interrogé au sujet d’un article basé sur un communiqué de presse publié par les organisateurs de la manifestation.

L’état d’urgence a été levé le 1er août 2021, mais une interdiction stricte des rassemblements et des réunions est toujours en vigueur dans le cadre des restrictions imposées pour ralentir la propagation du COVID-19. En imposant une interdiction générale de manifester et en dispersant les rassemblements pacifiques, les autorités bafouent le droit de réunion pacifique et la liberté d’expression.

« Il est crucial que le prochain gouvernement tire les leçons du passé et mette fin à l’offensive contre les détracteurs pacifiques »

Certes, les États peuvent légitimement imposer des restrictions du droit de réunion pacifique pour des raisons de santé publique, mais celles-ci doivent être nécessaires et proportionnées.

Des dizaines de personnes ont été convoquées pour interrogatoire après avoir participé à la manifestation de « Lawan » le 31 juillet, pour réclamer la démission du Premier ministre malaisien Muhyiddin Yassin dans un contexte de tourmente politique et d’inquiétudes quant à la gestion de la pandémie de COVID-19. Des centaines de personnes ont voulu marcher jusqu’à Dataran Merdeka (place de l’Indépendance). Bloqués par la police, les participants se sont finalement rassemblés non loin.

Après la manifestation, la police s’est rendue aux domiciles des manifestants et a convoqué plus de 20 personnes pour interrogatoire – des participants, des organisateurs, des journalistes et des observateurs notamment. En outre, des membres de la Commission malaisienne des droits humains (SUHAKAM) ont été convoqués pour interrogatoire, ce qui a amené cet organisme public à publier une déclaration faisant état de ses préoccupations [1].

Des membres du Parlement interrogés au sujet des manifestations

La police a également interrogé des députés au sujet d’une manifestation qui a eu lieu le 2 août, les sessions parlementaires ayant été suspendues à la suite de la détection de plusieurs cas de COVID-19 parmi les députés et les employés parlementaires. Le Parlement n’avait débuté sa session que depuis une semaine après avoir été suspendu en janvier 2021. Alors que les députés tentaient de se rendre sur le site du Parlement, la police antiémeutes a bloqué la route qui y mène, dans une démonstration de force intimidante.

Marchant jusqu’à Dataran Merdeka, les députés ont critiqué le Premier ministre Muhyiddin Yassin et son gouvernement pour avoir court-circuité le roi lors de l’annulation des ordonnances d’urgence – une manœuvre qui selon eux n’a pas respecté les protocoles habituels – et ignoré les appels répétés en faveur de la réouverture du Parlement.

Après la manifestation, la police a annoncé qu’elle interrogerait les 107 députés présents, au titre de textes de loi comme la Loi sur les rassemblements pacifiques et le Règlement relatif à la prévention et au contrôle des maladies contagieuses.

« Il faut autoriser la reprise des rassemblements pacifiques dans le respect de protocoles de prévention du COVID-19 raisonnables et proportionnés »

Outre les députés, au moins 30 professionnels des médias ont été interrogés à la suite des manifestations, en violation flagrante de la liberté de la presse.

« Les autorités malaisiennes emploient des méthodes visant à intimider les militants, les membres de partis politiques, les journalistes et les personnes ayant participé à des manifestations pacifiques, au moyen d’interrogatoires, d’enquêtes et de visites de police à leur domicile et à leur bureau, a déclaré Rachel Chhoa-Howard.

« Il faut autoriser la reprise des rassemblements pacifiques dans le respect de protocoles de prévention du COVID-19 raisonnables et proportionnés. Le Parlement doit aussi être autorisé à siéger et à examiner la politique gouvernementale – y compris virtuellement en cas de risques liés au COVID-19 – afin de garantir une supervision adaptée, après en avoir été empêché pendant si longtemps. »

Répression plus générale de l’expression pacifique

La police s’en prend également aux militants de la société civile, aux opposants politiques, aux journalistes et aux utilisateurs de réseaux sociaux, qui font l’objet d’enquêtes au titre de plusieurs lois répressives invoquées pour museler la dissidence.

Parmi ces personnes figurent une lycéenne accusée d’avoir « troublé l’ordre public » après avoir posté une vidéo sur TikTok critiquant un professeur qui aurait plaisanté sur le viol en classe au mois d’août, ainsi que quatre personnes ayant critiqué le Premier ministre de l’État de Kedah sur Facebook au sujet d’une plaisanterie qu’il avait faite sur les décès liés au COVID-19.

« Le prochain gouvernement doit en finir avec la criminalisation de l’expression pacifique d’opinions, en ligne et hors ligne, et rétablir le respect des droits à la liberté d’association et à la liberté de la presse »

Depuis le 13 août, au moins sept militants liés à la manifestation de Lawan ont été interrogés par la police la semaine dernière au sujet d’une possible manifestation à venir.

Si ces exemples ne pointent que quelques cas, ils reflètent une répression plus large de la liberté d’expression qui envoie un message inquiétant dans tout le pays et incite nombre de Malaisiens à pratiquer l’autocensure.

« Les libertés se détériorent depuis que le gouvernement du Perikatan Nasional est arrivé au pouvoir en mars 2020. Et récemment, la situation s’est encore dégradée, a déclaré Rachel Chhoa-Howard.

« Le prochain gouvernement doit en finir avec la criminalisation de l’expression pacifique d’opinions, en ligne et hors ligne, et rétablir le respect des droits à la liberté d’association et à la liberté de la presse. »

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