L’organisation appelle les autorités malaisiennes à saisir cette occasion pour adopter de vastes réformes afin de garantir le plein respect des droits des peuples autochtones dans tout le pays.
Le 18 janvier 2019, le procureur général de Malaisie, Tommy Thomas, a annoncé dans une déclaration que le gouvernement fédéral poursuivait l’État de Kelantan pour son incapacité à protéger les Orang Asli (peuples autochtones de la Malaisie péninsulaire). Dans la même déclaration, le procureur général a reconnu qu’il était temps que la Malaisie « rejoigne les rangs des nations qui reconnaissent et protègent les droits de nos Orang Asli ». En outre, il a souligné l’importance du principe du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, s’agissant des mesures susceptibles d’affecter ces personnes, tel qu’énoncé dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
À la suite de cette annonce, le ministre de l’Unité nationale, P. Waytha Moorthy, a publié une déclaration indiquant que le gouvernement allait examiner les recommandations formulées par la Commission malaisienne des droits humains (SUHAKAM) dans son rapport d’enquête national de 2013 en vue de renforcer les droits des peuples autochtones. Le 20 janvier 2018, le ministre a en outre déclaré que les peuples autochtones de la Malaisie péninsulaire avaient un droit coutumier sur leurs terres ancestrales, que le gouvernement fédéral était juridiquement tenu de respecter.
Le 20 janvier 2018, le ministre a en outre déclaré que les peuples autochtones de la Malaisie péninsulaire avaient un droit coutumier sur leurs terres ancestrales, que le gouvernement fédéral était juridiquement tenu de respecter.
Amnesty International félicite le gouvernement pour ces initiatives attendues depuis longtemps et pour avoir fait référence aux normes énoncées dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. La Déclaration est le principal document international qui énonce les droits des peuples autochtones. Elle énumère les obligations de tous les États, notamment l’obligation de respecter les droits des peuples autochtones à l’autodétermination, à leurs terres ancestrales, à une consultation en vue de l’obtention de leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause avant l’adoption ou l’application de mesures susceptibles de les concerner, à la reconnaissance et à la préservation de leur identité culturelle, à la réparation et à l’indemnisation des préjudices subis, ainsi que le droit à ce que les traités et accords qu’ils ont conclus avec des États soient honorés et pleinement appliqués.
La Malaisie a voté en faveur de l’adoption de ce texte par l’Assemblée générale des Nations Unies en 2007. Toutefois, il existe un fossé énorme entre les principes auxquels cet État a apporté son soutien dans la Déclaration et la protection accordée aux peuples autochtones dans les lois, les politiques et les pratiques de la Malaisie. Un rapport publié par Amnesty International en novembre 2018 a révélé que les peuples autochtones, dans tout le pays, subissaient toute une série de violations des droits humains, notamment un manque de reconnaissance de leurs terres ancestrales, ainsi que des actes de harcèlement et d’intimidation, des arrestations, des violences, et même des homicides quand ils cherchaient à défendre pacifiquement leurs terres. Ce rapport d’Amnesty International (en anglais), intitulé The Forest is our Heartbeat : the Struggle to Defend Indigenous Land in Malaysia, montre que si le gouvernement s’est engagé en 2013 à donner suite aux recommandations détaillées formulées dans l’enquête nationale sur les terres autochtones publiée cette même année, la protection des peuples autochtones dans le pays n’a guère progressé.
Un rapport publié par Amnesty International en novembre 2018 a révélé que les peuples autochtones, dans tout le pays, subissaient toute une série de violations des droits humains, notamment un manque de reconnaissance de leurs terres ancestrales, ainsi que des actes de harcèlement et d’intimidation, des arrestations, des violences, et même des homicides quand ils cherchaient à défendre pacifiquement leurs terres.
Dans son programme électoral de 2018, le gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre de nombreuses réformes en matière de droits humains, notamment à « reconnaître, respecter et protéger la dignité et les droits » des peuples autochtones de Malaisie. Il a également indiqué qu’il « s’emploier[ait] à mettre en œuvre les propositions du rapport sur l’Enquête nationale sur les droits à la terre des peuples autochtones présenté par la SUHAKAM ». C’est une bonne chose que le gouvernement ait réaffirmé qu’il tiendrait ces engagements.
Dans ce programme, le gouvernement a également promis de reconnaître les terres des peuples autochtones de la Malaisie péninsulaire, du Sabah et du Sarawak et, pour les terres qui ont fait l’objet d’appropriations injustes, de « mettre en place un mécanisme de réparation destiné à assurer une indemnisation adéquate à la partie touchée ». Le mécanisme devrait prévoir la restitution des terres à leurs propriétaires initiaux ou, lorsque cela n’est pas possible, la mise à disposition d’autres terres de qualité équivalente.
Amnesty International appelle à l’adoption de réformes pour que ces autres promesses soient également tenues, et demande instamment aux autorités de prendre des mesures pour parvenir à des avancées concrètes. Afin de protéger les activités des défenseurs des terres autochtones, le gouvernement malaisien doit veiller à ce qu’ils ne subissent ni harcèlement ni menace de criminalisation au moyen de lois répressives, et à ce qu’ils puissent mener leurs activités importantes et légitimes dans un environnement sûr. En outre, les autorités doivent diligenter des enquêtes approfondies et impartiales sur les attaques, menaces et agressions visant des défenseurs des droits humains qui s’emploient à protéger les droits liés aux terres autochtones. Lorsqu’il existe suffisamment d’éléments tendant à prouver une responsabilité pénale, les auteurs présumés d’infractions doivent être traduits en justice dans le cadre de procès équitables, excluant le recours à la peine de mort.
Afin de protéger les activités des défenseurs des terres autochtones, le gouvernement malaisien doit veiller à ce qu’ils ne subissent ni harcèlement ni menace de criminalisation au moyen de lois répressives, et à ce qu’ils puissent mener leurs activités importantes et légitimes dans un environnement sûr.
De manière plus générale, les autorités devraient également consulter les peuples autochtones en vue d’adopter des dispositions législatives - sur le consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones, par exemple - garantissant leurs droits à la terre, à la protection de leur patrimoine culturel et à un environnement sain. Des mécanismes, y compris un organe de surveillance, devraient être mis en place pour s’atteler aux changements systémiques à long terme qui sont nécessaires pour sortir du cercle vicieux des violations commises contre les peuples autochtones. Enfin, le gouvernement devrait confirmer les modalités de la visite du rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones en 2019.
Amnesty International estime que le fait que le gouvernement se soit récemment engagé à lutter contre les violations systématiques commises contre les peuples autochtones est un pas important sur la voie d’améliorations sur le terrain, et qu’il est essentiel de ne pas laisser passer l’occasion de mettre en œuvre des réformes plus vastes et plus durables.
COMPLÉMENT D’INFORMATION
Le 29 novembre 2018, Amnesty International a publié un rapport (en anglais) intitulé The Forest is our Heartbeat : The Struggle to Defend Indigenous Land in Malaysia. Ce rapport repose principalement sur des recherches effectuées sur le terrain lors de visites d’Amnesty International en Malaisie en juillet et août 2017 et en janvier 2018, ainsi que sur des recherches à distance réalisées en août et septembre 2018.
Pendant cette période, Amnesty International s’est entretenue avec 86 membres de la communauté autochtone, chefs de village, militants locaux, membres d’organisations de la société civile, avocats, universitaires et journalistes. Amnesty International a rencontré des représentants de la Commission nationale des droits humains (SUHAKAM) et d’ONG de défense des droits des peuples autochtones. Le rapport s’appuie également sur l’analyse de publications universitaires et autres consacrées à la question, ainsi que sur des reportages des médias portant sur les terres autochtones en Malaisie. Les recherches ont porté sur tout le pays, englobant la Malaisie péninsulaire, le Sabah et le Sarawak.
Le rapport expose les difficultés rencontrées par les peuples autochtones de Malaisie qui revendiquent leurs droits à la terre et par les personnes qui les soutiennent, dans le contexte du développement et des défaillances de l’État s’agissant de la protection des peuples autochtones et de leurs terres.