L’intensification de la vaste répression exercée par les autorités malaisiennes à l’encontre des défenseurs des droits humains, des médias et des responsables politiques de l’opposition au lendemain d’un scandale de corruption auquel serait mêlé le Premier ministre Najib Razak est très préoccupante et doit prendre fin immédiatement, a déclaré Amnesty International.
« La réaction des autorités malaisiennes au scandale de corruption autour de la société 1MDB n’a rien d’étonnant : au lieu d’essayer réellement de faire la lumière sur les allégations de corruption et de sanctionner les responsables, elles harcèlent, réduisent au silence et jettent en prison ceux qui demandent que des comptes soient rendus », a affirmé Rupert Abbott, directeur de la recherche sur l’Asie du Sud-Est et le Pacifique au sein d’Amnesty International.
« Les attaques du gouvernement contre les libertés d’expression et de réunion pacifique doivent prendre fin. Personne ne doit être arrêté ou inculpé simplement pour avoir réclamé une enquête transparente sur le scandale de la société 1MDB ou pour avoir exprimé pacifiquement ses opinions. »
En Malaisie, des organisations de la société civile ont prévu une série de manifestations en réaction aux allégations selon lesquelles des responsables du gouvernement, notamment le Premier ministre, auraient détourné des centaines de millions de dollars de la société publique d’aménagement 1Malaysia Development Berhad (1MDB).
Le samedi 1er août, des centaines de militants de la Coalition de la jeunesse pour la Malaisie (Gabungan Anak Muda Demi Malaysia) s’étaient rassemblés devant un centre commercial pour le rassemblement « Tangkap Najib » à Kuala Lumpur, la capitale malaisienne, afin d’exiger la démission du Premier ministre.
D’après les récits des témoins et des médias, un important dispositif policier a été déployé face aux manifestants. Lorsque ces derniers ont scandé pacifiquement des slogans demandant la démission du Premier ministre Najib Razak, la police a commencé à arrêter des personnes en recourant de manière injustifiée à la force, blessant légèrement plusieurs manifestants.
Plus de 30 manifestants ont été arrêtés pendant ce rassemblement. Ils feront tous l’objet d’enquêtes pour « activités préjudiciables à la démocratie parlementaire » et organisation de « rassemblements illégaux ».
« La réaction de la police à cette manifestation pacifique est intolérable. Les policiers qui ont eu recours à une force injustifiée ou excessive doivent être tenus de rendre des comptes et les suspensions arbitraires du droit à la liberté de réunion pacifique, pourtant garanti par la Constitution malaisienne, doivent prendre fin », a déclaré Rupert Abbott.
La veille du rassemblement, Adam Adli et Syukri Razab, qui faisaient partie des organisateurs de « Tangkap Najib », ont été arrêtés. Ils seront officiellement maintenus en détention jusqu’au 6 août. Un autre organisateur du rassemblement, le militant Mandeep Singh, s’est rendu à la police et restera en détention jusqu’au 4 août. Ils ont tous les trois été inculpés d’« activités préjudiciables à la démocratie parlementaire ».
Des militants malaisiens ont prévu une grande manifestation – appelée Bersih 4 – les 29 et 30 août pour réclamer une meilleure gouvernance et des réformes institutionnelles immédiates. Il est à craindre que la répression imposée par le gouvernement contre l’opposition ne s’intensifie à l’approche de ce grand rassemblement.
Un mouvement de répression général
Les arrestations du 1er et du 2 août ne sont que les dernières manœuvres des autorités malaisiennes pour faire taire les critiques. Plusieurs autres chefs de file des mouvements de protestation, défenseurs des droits humains et autres ont été harcelés ou inculpés dans les semaines et mois qui viennent de s’écouler, souvent en vertu de la Loi relative à la sédition.
Le gouvernement cible également les médias. Trois organes de presse, The Edge Financial Daily et The Edge Weekly, ainsi que Sarawak Report, ont été suspendus respectivement le 24 juillet et le 19 juillet 2015, en raison de leurs articles jugés « préjudiciables ou susceptibles de porter atteinte à l’ordre public, à la sécurité ou à l’intérêt public et national ». Dans le même temps, le dessinateur politique Zulkiflee Anwar Ulhaque, également connu sous son pseudonyme « Zunar », est passible de dizaines d’années de prison pour des tweets critiquant le système judiciaire.
Au moins deux législateurs de l’opposition – les députés Tony Pua et Rafizi Ramli – se sont vu infliger des interdictions de voyager qui semblent liées à leurs critiques à l’égard de la gestion de la crise de la société 1MDB par le gouvernement.
Le dirigeant de l’opposition Anwar Ibrahim reste quant à lui derrière les barreaux, où il purge une peine de cinq ans de prison après avoir été reconnu coupable de « sodomie » sur la base d’accusations forgées de toutes pièces. Amnesty International le considère comme un prisonnier d’opinion et demande sa libération immédiate et sans condition.