MALAISIE : Les poursuites engagées contre la militante des droits humains Irene Fernandez doivent être abandonnées

Index AI : ASA 28/001/2003

Amnesty International et l’organisation Article 19 ont lancé aujourd’hui, 13 janvier 2003, un appel conjoint aux autorités malaisiennes, pour qu’elles renoncent aux poursuites engagées contre la militante des droits humains Irene Fernandez et qu’elles abrogent la disposition sur les « fausses nouvelles » de la Loi relative à la presse et aux publications, au titre de laquelle elle a été inculpée.

Irene Fernandez est directrice de l’organisation non gouvernementale de défense des droits des femmes Tenaganita (La force des femmes). Son procès, qui dure depuis 1996, reprend mardi. Elle est inculpée de « publication de fausses nouvelles dans le dessein de nuire », au titre de l’article 8A(2) de la Loi de 1984 relative à la presse et aux publications. En cas de condamnation, elle serait passible de trois ans d’emprisonnement et d’une amende pouvant atteindre 20 000 ringgit (soit environ 5 850 euros).

« Le recours, de la part du gouvernement malaisien, à des lois restrictives, pour menacer et poursuivre en justice les personnes qui dénoncent les atteintes aux droits humains et alertent l’opinion publique sur des questions qui la concernent, traduit un total mépris du droit à la liberté d’expression », ont déclaré Amnesty International et Article 19.

Les poursuites ont été engagées contre Irene Fernandez à la suite de la publication par l’organisation Tenaganita d’un rapport sur des atteintes présumées aux droits humains, intitulé Abuses, Torture and Dehumanised Treatment of Migrant Workers at Detention Camps [Abus, torture et traitement inhumain des travailleurs immigrés internés dans des camps de détention]. Ce rapport avait été établi à partir de plus de 300 entretiens effectués en 1994 et 1995 auprès de travailleurs immigrés, originaires, pour la plupart, du Bangladesh, d’Indonésie et des Philippines, à leur sortie de camps de détention malaisiens. Il fournissait des informations détaillées sur certaines pratiques attentatoires aux droits humains qui auraient eu cours au sein de ces camps (coups, sévices sexuels, manque de nourriture et d’eau, refus d’accorder aux détenus les soins médicaux nécessaires, etc.). Les motifs de préoccupation soulevés dans ce rapport quant aux conditions de vie dans les camps de détention malaisiens ont également été formulés par diverses autres organisations de défense des droits humains et par certains gouvernements étrangers.

La Loi relative à la presse et aux publications, comme beaucoup d’autres lois restrictives en vigueur en Malaisie, est contraire aux normes internationales en matière de droits humains, concernant notamment la liberté d’expression. Les dispositions visant à interdire la publication de « fausses nouvelles », telle que celle qui figure à l’article 8A(2) de la Loi relative à la presse et aux publications, sont dénoncées comme constituant des atteintes à la garantie de liberté d’expression par les organismes internationaux tel que le Comité des droits de l’homme des Nations unies, ainsi que par un certain nombre de tribunaux et de conseils constitutionnels de par le monde. Si Irene Fernandez venait à être condamnée et incarcérée, Amnesty International la considérerait comme une prisonnière d’opinion.
Malgré l’attention attirée sur leur sort par cette affaire, la manière dont sont traités les travailleurs immigrés sans papiers en Malaisie ne s’est pas améliorée. En août 2002, les pouvoirs publics malaisiens ont procédé à des dizaines de milliers d’expulsions d’immigrés. Ils ont fait l’objet de vives critiques de la part des gouvernements des pays voisins, concernant les conditions de vie dans les camps de détention où étaient placés les personnes en instance de rapatriement.

Selon certaines informations, des dizaines de personnes seraient mortes de déshydratation ou en raison des mauvaises conditions sanitaires. Dans un camp de détention de l’État du Sabah, trois policiers auraient violé une fillette de treize ans. La Loi sur l’immigration, telle qu’elle a été amendée en 2002, punit d’une peine obligatoire de bastonnade et d’une peine d’emprisonnement pouvant atteindre cinq ans toute personne reconnue coupable de se trouver sur le territoire de la Malaisie sans documents en règle. Des centaines d’immigrés ont d’ores et déjà été condamnés à la bastonnade.

Amnesty International et Article 19 estiment que les informations contenues dans la rapport de l’organisation Tenaganita non seulement étaient protégées au nom de la liberté d’expression, mais qu’elles portaient en outre sur des faits dont le public était en droit d’être informé. Les questions relatives aux droits humains sont du plus haut intérêt pour la société dans son ensemble et la libre circulation de l’information et des idées en ce domaine ne doit pas être entravée par les gouvernements.

« Le gouvernement malaisien doit se consacrer à l’amélioration des conditions de vie dans les camps de détention, plutôt que de poursuivre en justice ceux et celles qui ont le courage de dénoncer le caractère inacceptable de ces conditions », ont conclu Amnesty International et Article 19.

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