Malawi : Justice doit être rendue pour les personnes albinos

Les élections au Malawi, la semaine prochaine, auront lieu dans le contexte de défaillances de longue date du système judiciaire à l’égard des personnes albinos et d’une impunité généralisée pour les auteurs d’assassinats visant ces personnes, a déclaré Amnesty International ce mercredi 15 mai.

« Au Malawi, les personnes albinos continuent à vivre dans la crainte d’être tuées ou enlevées pour des parties de leur corps. Ces vagues d’attaques violentes sont alimentées par la croyance erronée et dangereuse selon laquelle certaines parties du corps des personnes albinos apportent la prospérité », a déclaré Deprose Muchena, directeur du Bureau régional d’Amnesty International pour l’Afrique australe.

« Alors que les citoyennes et les citoyens du Malawi s’apprêtent à se rendre aux urnes, le temps est venu pour ce pays de rompre avec l’impunité dont bénéficient depuis des années les auteurs d’assassinats et de mutilations de personnes albinos, crimes atroces qui ne sont toujours pas élucidés en raison des défaillances du système judiciaire et de l’inefficacité des enquêtes pénales. »

« Justice doit être rendue aux personnes albinos pour ces crimes haineux. L’impunité doit cesser. »

Le nombre d’agressions recensées contre des personnes albinos au Malawi s’élève au moins à 163, dont 22 homicides, depuis novembre 2014, selon des chiffres officiels.

Un système judiciaire défaillant

La police malawienne a fait part à Amnesty International de ses préoccupations quant aux retards empêchant la conclusion des procès, en raison du nombre limité de magistrats qualifiés pour traiter les affaires concernant des personnes albinos.

Si les cas particulièrement graves donnent lieu à des poursuites devant les tribunaux de première instance, des policiers malawiens ayant reçu une formation juridique limitée sont habilités à poursuivre les auteurs présumés d’infractions. Cependant, ils manquent de compétences médicolégales et de ressources financières, d’où des retards dans le traitement des affaires.
Dans l’immense majorité des cas, les affaires de violences à l’égard de personnes albinos ne vont pas jusqu’au procès, faute d’aide juridictionnelle et en raison du manque de moyens financiers de la justice.

Même lorsque des procès ont lieu, les accusés sont souvent relaxés parce que les enquêtes ont été entachées d’irrégularités et n’ont pas permis de recueillir des preuves recevables.

Le 3 mai 2019, Willard Mikaele a été condamné à mort pour l’assassinat de Mphatso Pensulo, une personne albinos. Amnesty International est opposée à la peine capitale et estime qu’il s’agit d’un châtiment cruel et inhumain, qui n’empêchera pas de nouvelles agressions contre des personnes albinos. Le Malawi a besoin d’un système judiciaire efficace, menant des procès équitables.

L’organisation a également recueilli des informations sur la mort en détention d’auteurs présumés de violences contre des personnes albinos, notamment de Buleya Lule, mort en garde à vue des suites de torture le 21 février dans le district de Dedza. Les responsables présumés de l’homicide de Buleya Lule doivent être traduits en justice sans délai.

« Le prochain gouvernement du Malawi devra donner la priorité à la reconstruction du système judiciaire, en veillant à ce qu’il fonctionne pour tout le monde, y compris pour les personnes albinos, qui font partie des membres les plus vulnérables de la société », a déclaré Deprose Muchena.

« La première étape consiste à doter l’appareil judiciaire d’un financement suffisant et à considérer la formation des procureurs comme une priorité, afin que les affaires d’agressions contre des personnes albinos puissent être correctement traitées.

« Justice doit être rendue aux personnes albinos pour ces crimes haineux. L’impunité doit cesser. »

Complément d’information

Le 21 mai, les citoyennes et les citoyens du Malawi sont appelés aux urnes pour des élections présidentielles, législatives et locales. Ce pays a été secoué par une vague sans précédent d’assassinats et d’autres atteintes aux droits humains visant des personnes albinos, qui a attiré l’attention internationale en novembre 2014. Des violences similaires ont été commises dans des pays voisins, comme le Mozambique, la Tanzanie et l’Afrique du Sud.

Les personnes albinos sont visées en raison de la croyance selon laquelle certaines parties de leur corps ont des pouvoirs magiques. Selon certaines estimations, le nombre de personnes albinos au Malawi est actuellement compris entre 7 000 et 10 000, soit 1 personne sur 1 800.

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