La situation des droits humains dans les Maldives se dégrade de manière alarmante, à mesure que les autorités musèlent les manifestants non violents et réduisent au silence les médias et la société civile, tout en recourant au système de justice de manière abusive pour emprisonner des politiciens de l’opposition, écrit Amnesty International dans une nouvelle synthèse rendue publique jeudi 23 avril.
La diffusion de ce document fait suite à une mission d’établissement des faits aux Maldives (du 17 au 22 avril 2015), durant laquelle une délégation d’Amnesty International s’est entretenue avec des avocats, des défenseurs des droits humains, des journalistes et des militants politiques. Les délégués n’ont pas pu rencontrer de représentants du gouvernement au cours de leur visite, mais ont l’intention d’accepter une invitation en ce sens plus tard cette année.
« Un climat de peur se répand aux Maldives tandis que les garanties relatives aux droits humains sont battues en brèche. De plus en plus, les autorités réduisent certaines voix au silence par tous les moyens nécessaires - que ce soit par le biais de la police, de la justice ou de menaces et de manœuvres de harcèlement pures et simples. Cela doit cesser immédiatement », a déclaré Abbas Faiz, spécialiste des Maldives à Amnesty International, qui a effectué le lancement de la synthèse lors d’une conférence de presse à Delhi, en Inde.
« La communauté internationale doit se réveiller et se rendre compte que derrière la façade du paradis touristique, de sombres tendances prennent racine aux Maldives, précipitant la détérioration de la situation des droits humains. »
Face aux tensions politiques grandissantes ces dernières années, les autorités ont lancé des poursuites contre plusieurs éminentes figures de l’opposition. L’exemple qui a fait le plus parler de lui est celui de Mohamed Nasheed, l’ancien président, qui a été condamné pour terrorisme à 13 ans de prison le 13 mars, à l’issue d’un procès manifestement inique.
Amnesty International a enquêté sur les procès de Mohamed Nasheed et d’autres politiciens de l’opposition en vue : Mohamed Nazim, ancien ministre de la Défense, et le député Ahmed Nazim. Dans ces trois cas, le droit à un procès équitable a été bafoué, et les autorités des Maldives ont semblé utiliser la justice pour servir leurs propres objectifs politiques.
« L’emprisonnement de Mohamed Nasheed est survenu à l’issue d’un simulacre de procès, mais il est loin d’être le seul à languir derrière les barreaux après avoir été déclaré coupable de charges forgées de toutes pièces au terme d’un procès inique. Il est perturbant de voir à quel point le gouvernement des Maldives instrumentalise le système judiciaire afin de cimenter sa propre mainmise sur le pouvoir », a déclaré Abbas Faiz.
Des manifestants en faveur de Mohamed Nasheed se sont heurtés à une réaction sévère de la part des autorités. Au moins 140 manifestants pacifiques ont été arrêtés depuis février, et ont uniquement été relâchés sous certaines conditions qui limitent fortement leur droit à prendre part à de nouvelles manifestations. Figurent parmi les personnes appréhendées au moins trois députés du Parti démocratique maldivien de Mohamed Nasheed, et d’autres politiciens appartenant à cette formation.
La police impose en outre des restrictions très strictes sur la date et le lieu où les actions de protestation peuvent se dérouler à Malé, la capitale. Les manifestations ne sont autorisées que dans certaines zones éloignées des bâtiments officiels, ce qui est contraire au droit international et aux normes internationales.
Il est alarmant de voir que les menaces et les attaques visant les médias indépendants critiques à l’égard du gouvernement se multiplient elles aussi. Au lendemain de plusieurs agressions très médiatisées, des journalistes ont déclaré à Amnesty International qu’ils avaient reçu des menaces de mort par SMS ou téléphone, mais que la police avait refusé de donner suite et de véritablement enquêter sur ces menaces.
Tendance inquiétante, des milices religieuses apparemment de connivence avec la police ont ces dernières années commis un nombre croissant d’enlèvements et d’attaques visant les rassemblements sociaux, en particulier ceux accusés de promouvoir l’« athéisme ». Cette année, ces bandes ont agressé des manifestants pacifiques avec la complicité de la police, et personne n’a été traduit en justice pour ces attaques.
La synthèse d’Amnesty International explique également que les organisations de la société civile et les défenseurs des droits humains sont de plus en plus souvent victimes de harcèlement, de menaces et d’attaques tandis que l’espace occupé par la société civile continue à se réduire. Cela inclut la Commission maldivienne des droits humains, que la Cour suprême a accusée de haute trahison et d’atteintes à la Constitution, après que la Commission a soumis son évaluation de la situation des droits humains aux Maldives dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU) aux Nations unies.
« Les autorités maldiviennes doivent immédiatement mettre fin à ces attaques inquiétantes contre les droits humains. Les tensions politiques sont déjà arrivées à un point critique, et toute nouvelle manœuvre de harcèlement ou attaque contre ceux qui s’opposent aux autorités risque de faire déraper la situation », a déclaré Abbas Faiz.
« La communauté internationale ne peut fermer les yeux sur ce qui se passe aux Maldives. La session de l’EPU qui doit se tenir aux Nations unies à Genève en mai sera un moment décisif pour inciter les autorités des Maldives à prendre immédiatement des mesures concrètes afin d’améliorer la situation des droits humains dans le pays. »