Maldives. Nouvelles mesures de répression contre l’opposition

Déclaration publique

ASA 29/010/2006


Arrestations et détentions massives

Amnesty International est très préoccupée par les informations selon lesquelles le gouvernement des Maldives adopte une nouvelle fois des mesures répressives visant à supprimer la liberté d’expression et de réunion dans le pays.
Le gouvernement aurait notamment arrêté au cours des dernières semaines quelque 110 militants de l’opposition. Frappés et maltraités au cours de l’interpellation, ils n’ont guère été autorisés à consulter un avocat, recevoir des soins médicaux, ni rencontrer leurs familles. Nombre d’entre eux ont été maintenus en détention sans inculpation ; 22 au moins ont été libérés après avoir été inculpés d’infractions pénales apparemment non étayées et à caractère politique ; d’autres auraient été libérés mais avertis qu’ils pouvaient de nouveau être appréhendés.
Malgré les dénégations du gouvernement quant à ces atteintes aux droits humains, nombreux sont les témoignages et les informations faisant état d’arrestations arbitraires, et d’actes de torture et d’autres mauvais traitements en détention.
Les récentes vagues d’arrestation ont fait suite aux déclarations du gouvernement accusant l’opposition d’envisager un renversement par la force. L’opposition a réfuté ces accusations, qu’aucune source indépendante n’a encore confirmées.
Amnesty International craint que ces allégations n’aient pour unique objectif de supprimer le droit à la liberté de réunion et d’expression. Par le passé, le gouvernement des Maldives a déjà eu recours à de telles accusations avant de réprimer sévèrement les activités pacifiques de l’opposition.
Les autorités n’ont produit aucun élément circonstancié afin d’étayer leurs accusations selon lesquelles les détenus avaient usé de violence, l’avaient planifiée et avaient préconisé son usage. Nombre de prisonniers ont été inculpés d’infractions pénales qu’ils auraient commises par le passé, notamment la participation à des rassemblements déclarés illégaux par le gouvernement, ou vaguement inculpés de « désobéissance aux ordres » après l’interdiction du rassemblement public prévu le 10 novembre 2006 par l’opposition.
Au regard de recherches menées sur des affaires semblables, Amnesty International redoute que les personnes inculpées ne bénéficient pas d’un procès équitable respectant les normes internationales. Des juristes spécialistes des Maldives ont estimé que l’appareil judiciaire, fondamentalement entaché d’irrégularités, ne pouvait rendre un jugement équitable.

Prisonniers d’opinion

Amnesty International est d’autant plus préoccupée que des détracteurs déclarés du gouvernement ont été reconnus coupables et condamnés à des peines d’emprisonnement ces dernières années. Ahmed Abbas, caricaturiste politique qui a dessiné les billets de banque maldiviens, a été accusé d’inciter à agresser les policiers dans des déclarations faites à un journal en août 2005, et condamné en novembre 2006 à une peine de six mois d’emprisonnement. D’aucuns pensent qu’il a en fait été condamné en tant qu’éminent détracteur du gouvernement. D’après son témoignage, Ahmed Abbas était absent, n’a pas été informé de la tenue de son procès et a appris par hasard sa condamnation en consultant le site Internet du gouvernement. Craignant d’être soumis à des mauvais traitements, il s’est réfugié dans le bâtiment des Nations unies, à Malé, la capitale, mais a dû le quitter en raison des pressions exercées par le gouvernement. Il a alors été interpellé par la police et transféré à la prison de l’île de Mafushi.
Selon Amnesty International, Ahmed Abbas et d’autres détenus pourraient être des prisonniers d’opinion, privés de leur liberté uniquement pour avoir exprimé pacifiquement leurs opinions.
La liberté d’expression et de réunion pacifique bafouées
Dans un pays émergeant lentement de longues années de répression, la population s’est efforcée d’exprimer pacifiquement ses opinions en organisant des manifestations et rassemblements publics. Toutefois, le gouvernement a fréquemment pris des mesures punitives contre ses opposants et les manifestants.
Les autorités ont recouru aux arrestations arbitraires massives et au maintien en détention prolongé sans inculpation ni jugement en août 2004, à maintes reprises en 2005, et en novembre 2006. La récente vague d’arrestations a incité l’opposition à annuler la manifestation prévue le 10 novembre. Pourtant, le gouvernement maintient en détention un grand nombre d’opposants.
Plus d’une dizaine de personnes arrêtées en novembre 2006 auraient été frappées ou soumises à d’autres mauvais traitements au moment de leur interpellation. Un détenu aurait été contraint de courir, alors que les policiers l’avaient menotté. Ayant perdu l’équilibre, il est tombé et s’est gravement blessé – se cassant le bras notamment. Pourtant, il n’aurait pas été autorisé à voir un médecin avant au moins deux semaines.
Lors d’un autre événement, les 45 passagers d’un bateau en provenance d’îles ralliant la capitale auraient été menacés d’interpellation s’ils poursuivaient leur périple. La plupart venaient participer aux manifestations organisées le 10 novembre à Malé. Un navire de combat se serait approché à quelques mètres de leur embarcation, faisant de grosses vagues qui l’ont violemment fait tanguer. Ayant suivi le bateau, le navire l’aurait contraint à jeter l’ancre aux abords d’une île inhabitée. Pendant près de huit heures, ce navire aurait délibérément empêché le bateau d’accoster sur des îles habitées afin de se ravitailler en nourriture, les stocks étant épuisés. Les passagers ont ensuite été placés en détention. Bien qu’ils n’aient pas résisté, ils auraient été molestés et jetés à terre, avant d’être transférés au centre de détention de Dhoonidhoo, avec des menottes et sans gilets de sauvetage.
Amnesty International redoute que ces personnes ne soient maintenues en détention au centre de Dhoonidhoo dans des conditions qui pourraient s’apparenter à une peine ou un traitement cruels, inhumains ou dégradants. Placés à l’isolement, les prisonniers peuvent rarement respirer de l’air frais. Les égouts auraient été endommagés par les fortes pluies et dégageraient une odeur nauséabonde, qui envahit les cellules. Certains prisonniers seraient enfermés dans les cellules dites « d’Alcatraz », sans fenêtres, où les détenus perdent la notion de jour et de nuit.
Le gouvernement continue de nier les informations faisant état d’atteintes aux droits humains dans le cadre des rassemblements de l’opposition prévus le 10 novembre. Pourtant, il n’a encore ouvert aucune enquête indépendante et impartiale à même d’infirmer ou de confirmer ces informations.
Respect des droits humains : il faut prendre des mesures de toute urgence
Amnesty International exhorte le gouvernement des Maldives à libérer toute personne incarcérée uniquement parce qu’elle allait participer aux manifestations prévues le 10 novembre ou qu’elle a exercé pacifiquement ses droits humains. Le gouvernement doit aussi veiller à ce que les forces de sécurité ne procèdent pas à des arrestations et détentions arbitraires, et ne soumettent pas les détenus à des actes de torture ni à d’autres mauvais traitements.
Par ailleurs, Amnesty International demande instamment au gouvernement des Maldives de diligenter une enquête indépendante, impartiale et transparente sur les informations faisant état d’arrestations arbitraires, d’actes de torture ou d’autres mauvais traitements infligés aux détenus, et de restrictions imposées à la possibilité de consulter un avocat, de recevoir des soins médicaux et de rencontrer les familles. Enfin, le gouvernement doit faire toute la lumière sur les allégations selon lesquelles les détenus sont inculpés d’infractions à caractère politique.

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