Des informations récentes indiquent que des éléments de l’armée du Mali effectuent une purge de soldats qui ont pris part à une mutinerie le mois dernier dans une caserne située à l’extérieur de la capitale, Bamako, a déclaré aujourd’hui Amnesty International.
Les corps des quatre soldats ont été découverts au début du mois d’octobre près de la capitale et plusieurs autres, y compris un colonel, sont portés disparus. Ces exécutions extrajudiciaires et disparitions forcées apparentes font craindre que les soldats fidèles au général Amadou Haya Sanogo, qui a organisé un coup d’État en mars 2012, ne soient en train de mener une purge dans leurs rangs pour étouffer toute dissidence.
« Ceci est le dernier exemple frappant de la manière dont un petit groupe de soldats qui semblent se considérer au-dessus de la loi continuent à s’accrocher au pouvoir au Mali », a déclaré Gaëtan Mootoo, chercheur d’Amnesty International sur l’Afrique de l’Ouest.
L’organisation appelle les autorités maliennes à ouvrir une enquête indépendante et impartiale sur ces événements très graves, et à veiller à ce que les responsables présumés de ces actes soient suspendus de leurs fonctions et traduits en justice. Ces enquêtes contribueront de manière cruciale aux efforts visant à rétablir l’État de droit après le conflit armé dans le nord du Mali.
« C’est effrayant de constater que malgré l’arrivée au pouvoir d’un président démocratiquement élu en août 2013, un petit groupe de soldats fidèles à l’ex-junte continuent d’imposer, en toute impunité, la terreur à leurs opposants présumés. »
Les soldats qui auraient été victimes d’exécutions extrajudiciaires semblent avoir été ciblés pour avoir pris part à une mutinerie, le 30 septembre 2013, dans la caserne militaire de Kati près de la capitale Bamako. Les soldats se sont rebellés contre certains membres de l’ex-junte, en particulier son chef, le général Sanogo, à qui ils reprochaient de ne pas les avoir promus. Dans un communiqué, les soldats ont précisé qu’ils avaient décidé de prendre les armes pour revendiquer leur droit à être promus et à recevoir la solde qui leur était due.
L’un d’eux, Lassiné Keita, soldat première classe, a été arrêté par des militaires fidèles à l’ex-junte dans un bar à Bamako la nuit du 30 septembre.
Un témoin contacté par Amnesty International, a déclaré : « J’étais avec [Lassiné Keita]. Je suis sorti un moment et quand je suis revenu, on m’a dit que mon ami avait été enlevé par des soldats ».
Le corps de Lassiné Keita a été retrouvé le 4 octobre près de la caserne de Kati.
Le corps d’un autre soldat, Dramane Cissoko, aurait été déposé à la morgue de Bamako.
Depuis la mutinerie, on est sans nouvelle du colonel Youssouf Traoré et Amnesty International craint qu’il n’ait été victime d’une disparition forcée. Le cadavre de son garde du corps, Salif Meiga, surnommé « Ganda Koye », a été retrouvé avec la tête coupée et son chauffeur est également porté disparu. Le colonel Traoré a été l’un des dirigeants de la junte militaire qui a renversé le président démocratiquement élu, Amadou Toumani Touré en mars 2012.
« Il est profondément troublant de voir que les soldats qui seraient responsables de ces exécutions extrajudiciaires et disparitions forcées continuent à cibler les militaires ou les civils soupçonnés de résister ou de protester contre le pouvoir imposé de facto par le général Sanogo », a déclaré Gaëtan Mootoo.
Dans le sillage de la mutinerie du 30 septembre, une trentaine de soldats ont été arrêtés et sont actuellement détenus au Camp I de la gendarmerie. Certains d’entre eux se sont livrés à la gendarmerie pour obtenir une protection.
« Les soldats détenus doivent être protégés contre la torture et autres mauvais traitements et contre toute représaille, y compris les disparitions forcées », a déclaré Gaëtan Mootoo.
Informations générales
Depuis le coup d’État militaire de mars 2012 au Mali, les soldats qui ont mené le putsch ont commis des violations graves des droits humains sans avoir à rendre des comptes.
Amnesty International a recensé les cas de 21 soldats qui ont été soumis à une disparition forcée après avoir été enlevés de leur cellule dans la caserne de Kati au début du mois de mai 2012. Ces soldats ont été accusés d’être des partisans de l’ancien président Touré et d’avoir organisé un contre-coup d’État.