Les autorités chinoises doivent libérer les villageois qui ont manifesté pacifiquement pour obtenir la libération du chef du village et l’arrêt de la saisie illégale de leurs terres, et cesser d’empêcher les journalistes de réaliser des reportages sur les manifestations qui se sont déroulées dans le village de Wukang, (commune de Lufeng, province de Guangdong).
Dans la nuit du 14 septembre, la police de Lufeng a éloigné cinq journalistes travaillant pour des organes de presse de Hong Kong – Mingpao, le South China Morning Post et HK01 – qui tentaient réaliser des reportages sur les manifestations qui se déroulaient à Wukan. Trois des journalistes ont été roués de coups puis emmenés alors qu’ils se trouvaient dans le village de Wukan et deux autres l’ont été alors qu’ils se trouvaient à l’extérieur de Wukan et tentaient d’y pénétrer. Les forces de l’ordre ont retenu les journalistes en garde à vue pendant cinq à six heures. La police a effectué des vérifications sur les téléphones portables des journalistes pour rechercher d’éventuelles communications avec des villageois et a exigé qu’ils signent une déclaration dans laquelle ils s’engageaient à ne plus faire de reportages sur les manifestations à Wukan. Les représentants de l’ordre ont finalement escorté les journalistes jusqu’à Shenzhen, grande ville frontalière située juste au nord de Hong Kong dans la province de Guangdong.
Des affrontements ont éclaté lorsque le Bureau local de la sécurité publique de Lufeng a annoncé au matin du 13 septembre l’arrestation de 13 villageois, dont Cai Jialin, Zhang Xiangkeng et Yang Jinzhen, accusés d’avoir « organisé un rassemblement en vue de troubler l’ordre public » et « entravé la circulation ». Des vidéos publiées par des villageois sur les réseaux sociaux montrent que la police anti-émeutes a investi Wukan à l’aube du 13 septembre, est entrée par la force au domicile de certains villageois et a procédé à leur arrestation. Depuis le 19 juin 2016, des villageois de Wukan protestent de manière pacifique pour demander l’arrêt des saisies illégales de terres et la libération de leur chef de village, Lin Zuluan.
Des images vidéo postées par des villageois le 13 septembre sur les réseaux sociaux montrent des affrontements entre la police anti-émeutes, équipée de casques et de boucliers, et les villageois. Des villageois ont lancé des briques à la police. La police a utilisé du gaz lacrymogène et tiré des balles en caoutchouc sur les villageois. Des images publiées sur les réseaux sociaux montrent des villageois blessés et des plaies sanglantes. Depuis l’arrestation des 13 villageois, des dizaines d’autres villageois ont été arrêtés. Cinq villageois sont recherchés par les autorités.
Amnesty International prie instamment les autorités chinoises de libérer immédiatement et sans condition les villageois de Wukan détenus uniquement pour avoir exercé de manière pacifique leur droit à la liberté d’expression et d’association.
Complément d’information
Lin Zuluan a été élu chef de village en 2012, après avoir dirigé des manifestations en 2011 contre ce qui a été qualifié de saisies illégales de terres agricoles, au cours desquelles le gouvernement local a été accusé d’avoir secrètement vendu des terres à des promoteurs immobiliers sans aucune consultation publique. En juin 2016, Lin Zuluan préparait une requête pour le gouvernement du comté, affirmant que des représentants du gouvernement et des hommes d’affaires avaient collaboré pour vendre illégalement des terres confisquées. Il a reproché également au gouvernement de ne pas avoir cherché à régler les conflits fonciers de ces quatre dernières années. Il a été arrêté à la veille d’une assemblée des villageois prévue en juin 2016 et condamné le 8 septembre à trois ans d’emprisonnement après avoir été accusé d’avoir touché des pots-de-vin. Le procès s’est tenu dans des conditions de sécurité très strictes. Les autorités ont refusé aux proches de Lin Zuluan le droit d’engager des avocats de leur choix et leur ont imposé deux avocats commis par le gouvernement.
Aux termes du droit international, si une manifestation publique tourne à la violence et que le recours à la force s’impose, les policiers ne doivent employer que la force strictement nécessaire pour contenir la situation, et tout recours à la force par la police doit être dirigé sur les manifestants dont le comportement est violent.
Le gaz lacrymogène et les balles en caoutchouc peuvent blesser grièvement ou même tuer. Seuls doivent être autorisés à manier ces équipements les responsables de l’application des lois spécialement formés, et obéissant à des ordres stricts conformes, entre autres, aux normes professionnelles fixées par les Nations Unies relatives à l’usage légitime de la force. La police doit veiller à ce qu’une assistance médicale soit fournie aussi rapidement que possible à toute personne blessée.