Maroc, Les autorités doivent abandonner des charges retenues contre des enseignants

Maroc manifestation

Les autorités marocaines doivent immédiatement abandonner les charges retenues contre 33 enseignant·e·s qui ont été arrêtés de façon arbitraire pour avoir participé à des manifestations pacifiques réclamant de meilleures conditions de travail.

L’organisation a parlé avec trois protestataires qui ont expliqué avoir été maltraités par la police lors de leur arrestation et pendant leur détention. Ces enseignant·e·s font l’objet d’une série d’accusations : il leur est notamment reproché d’avoir participé à un rassemblement non autorisé les 6 et 7 avril, d’avoir violé l’état d’urgence sanitaire et d’avoir insulté des agents de la force publique. L’une de ces personnes est également accusée d’outrage envers corps constitué.

« Les autorités marocaines doivent immédiatement mettre fin à la répression des manifestations pacifiques d’enseignant·e·s et abandonner les charges retenues contre ces protestataires. Il est scandaleux que ces enseignant·e·s fassent l’objet de poursuites et d’un éventuel emprisonnement alors qu’ils n’ont fait que revendiquer de façon légitime de meilleures conditions de travail et leurs droits en matière d’emploi », a déclaré Amna Guellali, directrice régionale adjointe pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International.

« La pandémie de Covid-19 ne doit pas servir de prétexte pour arrêter de façon arbitraire des manifestant·e·s pacifiques. En poursuivant injustement des protestataires pacifiques, les autorités marocaines bafouent leurs obligations internationales au titre desquelles elles sont tenues de défendre et protéger les droits des personnes à la liberté d’expression et de réunion pacifique. »

« Les autorités marocaines doivent immédiatement mettre fin à la répression des manifestations pacifiques d’enseignant·e·s et abandonner les charges retenues contre ces protestataires »

Les 6 et 7 avril, la police a arrêté de façon arbitraire 33 enseignant·e·s au total – qui manifestaient pacifiquement place Bab El Hed, à Rabat, en respectant les mesures sanitaires liées à la pandémie de Covid-19, comme le port du masque et la distanciation sociale –, et dispersé par la force les manifestations. Les enseignant·e·s ont été maintenus en garde à vue pendant 48 heures avant d’être inculpés puis relâchés. Le 20 mai, 20 enseignant·e·s comparaitront devant un tribunal à Rabat. Le 27 mai, 13 autres enseignant·e·s seront également jugés pour les mêmes motifs.

Souad Brahma, l’avocate qui représente ces enseignant·e·s, a indiqué que les protestataires sont poursuivis sur la base de déclarations auto-incriminantes enregistrées par la police, que certains d’entre eux ont été forcés de signer.

L’un de ces protestataires, qui souhaite rester anonyme, a déclaré à Amnesty International avoir été menacé par la police, qui lui a dit de signer le procès-verbal s’il ne voulait pas « avoir de problèmes ».

Nezha Majdi, enseignante à Agadir, dans le sud du Maroc, a été arrêtée le 6 avril. Elle a expliqué que cinq policiers se sont emparés d’elle alors qu’elle se trouvait dans la foule des manifestant·e·s, la saisissant violemment par les bras, les jambes et la tête.

Les photographies examinées par Amnesty International montrent clairement les contusions sur ses bras à la suite de son arrestation.

« En poursuivant injustement des protestataires pacifiques, les autorités marocaines bafouent leurs obligations internationales au titre desquelles elles sont tenues de défendre et protéger les droits des personnes à la liberté d’expression et de réunion pacifique »

Elle a été maintenue en garde à vue pendant 48 heures en même temps que 19 autres enseignants ; les protestataires ont été emmenés dans quatre postes de police distincts. Par deux fois, une policière l’a fait se déshabiller et l’a soumise à une palpation jusqu’à 15 minutes, lui ordonnant de s’assoir et de se lever de façon humiliante.

Pendant son interrogatoire qui a duré cinq heures, on lui a demandé quel était son rôle dans les manifestations, et posé des questions au sujet de ses déclarations [1] indiquant qu’un policier l’avait agressée sexuellement et menacée de viol pendant une manifestation le 17 mars. Elle a en conséquence été inculpée pour outrage envers corps constitué.

Un autre manifestant, qui a demandé à rester anonyme, a déclaré avoir été arrêté le 6 avril puis relâché, puis avoir été de nouveau arrêté peu après. Il a alors été maintenu en garde à vue pendant 14 heures avec d’autres enseignant·e·s.

Ces deux protestataires ont dit à Amnesty International que la police n’a pris aucune mesure pour les protéger contre une contamination par le Covid-19. Les agents de police ne portaient pas de masque et ces personnes ont été détenues pendant 48 heures dans une petite cellule avec 19 autres protestataires qui n’avaient pas de masque et qui ne pouvaient pas respecter les règles de distanciation sociale.

« Les membres des forces de l’ordre doivent respecter le droit à la liberté de réunion pacifique et s’abstenir de disperser les manifestations pacifiques – en s’abstenant d’autant plus de recourir une force excessive et de procéder à des arrestations arbitraires »

Ils ont l’un et l’autre été inculpés de violation de l’état d’urgence sanitaire lié au Covid-19. Le parquet a ordonné qu’ils passent un examen médical après avoir demandé si la police avait utilisé la violence contre eux. Or, quand ils ont été convoqués à l’hôpital, ils n’ont pas pu avoir accès à un médecin spécialiste et ont refusé de subir un examen médical ordinaire qui n’aurait pas été exhaustif.

Les vidéos examinées par Amnesty International montrent [2] des scènes choquantes lors de l’arrestation de Nezha Majdi et d’autres protestataires, et l’on voit un policier frapper [3] au visage un manifestant, le 6 avril.

« Les membres des forces de l’ordre doivent respecter le droit à la liberté de réunion pacifique et s’abstenir de disperser les manifestations pacifiques – en s’abstenant d’autant plus de recourir une force excessive et de procéder à des arrestations arbitraires. Ils ne doivent pas soumettre les personnes interpellées à un traitement dégradant, notamment en saisissant des protestataires par les bras et par les jambes et en les traînant jusqu’au poste de police », a déclaré Amna Guellali.

Complément d’information

Les manifestations d’enseignant·e·s réclamant des contrats permanents et de meilleures conditions de travail ont débuté en 2019. La police a souvent dispersé de façon illégale ces manifestations et recouru à une force excessive dans ce cadre.

Le 5 avril 2021, un tribunal à Tinghir a condamné un enseignant, Khaled Bouteznika, à un mois d’emprisonnement pour avoir partagé une publication sur les réseaux sociaux portant sur une manifestation d’enseignant·e·s. Les 16 et 17 mars 2021, trois enseignants au moins ont été brièvement arrêtés pour avoir protesté à Rabat.

En mai 2019, Abdellah Hajili, père d’une protestataire, est mort des suites de ses blessures après avoir été frappé lors d’une manifestation en avril 2019.

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