Maroc et Sahara occidental. Condamné à trois ans d’emprisonnement pour avoir créé le profil du prince Moulay Rachid sur Facebook

Déclaration publique

MDE 29/005/2008

Bulletin n° : 038/2008

Amnesty International s’inquiète de la condamnation de Fouad Mourtada, ingénieur informaticien de vingt-six ans, au terme d’un procès qui n’a pas respecté les normes internationales d’équité.

Fouad Mourtada a été condamné à une peine de trois ans d’emprisonnement et à une amende de 10 000 dirhams (environ 880 euro) le 22 février, à Casablanca, dans le cadre d’un procès auquel deux délégués d’Amnesty International ont assisté. Il a été déclaré coupable au titre de plusieurs articles du Code pénal marocain d’avoir créé le profil du prince marocain Moulay Rachid sur Facebook, site Web de réseau social virtuel.

Selon le témoignage de Fouad Mourtada, deux agents de sécurité en civil l’ont arrêté dans la matinée du 5 février 2008, alors qu’il venait de quitter son domicile pour se rendre à son travail, et l’ont forcé à monter dans une voiture. Ils lui ont bandé les yeux et l’ont couvert d’un drap avant de le conduire dans un lieu inconnu. Ils l’ont alors giflé et frappé jusqu’à ce qu’il « avoue » avoir posté le profil du prince sur Facebook, en vue de « se faire des petites amies ». Toutefois, le rapport de police officiel mentionne qu’il a été interpellé le 6 février. Sa famille n’en a été informée que le 7 février à 17h30, alors que la loi marocaine exige de signaler une arrestation dès le début de la période de garde à vue.

Fouad Mourtada a comparu devant un juge d’instruction le 8 février, mais sans son avocat – en violation du droit international et des normes garantissant le droit d’être assisté par un avocat à tous les stades de la procédure pénale. Il a été maintenu en détention jusqu’à son procès le 22 février.

Lors de ce procès, l’avocat de Fouad Mourtada a exhorté le tribunal à annuler la procédure, ses droits ayant été bafoués pendant son arrestation et son interrogatoire. Le tribunal s’y est refusé et n’a pas non plus ordonné d’enquête sur ses allégations de mauvais traitements. Il l’a déclaré coupable d’avoir modifié et falsifié des données informatiques au titre des articles 607-6, 607-7 et 607-10 du Code pénal, et d’avoir usurpé l’identité d’une personnalité officielle au titre de l’article 381.

Toutefois, la principale motivation de ces poursuites semble faire écho à la politique de répression menée par les autorités contre toute personne considérée comme portant atteinte à la monarchie et, selon les termes du procureur, aux « valeurs sociales et sacrées du Maroc ».

Le prince Moulay Rachid est le frère cadet du chef de l’État, le roi Mohammed VI. Lors de son procès, Fouad Mourtada a admis avoir placé le profil du prince sur Facebook, en raison de l’admiration qu’il lui porte, et sans aucune intention de nuire à la monarchie. L’accusation a soutenu que le fait de créer une adresse électronique pour ce profil montrait sa volonté d’en tirer un certain bénéfice. L’affaire doit désormais se poursuivre en appel.

Amnesty International déplore que le tribunal n’ait pas enquêté sur les violations présumées des droits de Fouad Mourtada au cours de son arrestation et de sa détention. En outre, Fouad Mourtada a également déclaré avoir subi des mauvais traitements en détention et avoir fait des « aveux » sous la contrainte. L’organisation demande aux autorités marocaines de faire en sorte que toutes les violations présumées de ses droits durant son arrestation, notamment les mauvais traitements illégaux, fassent l’objet d’une enquête exhaustive et impartiale.

Les responsables présumés de ces agissements doivent être traduits en justice. Aucune information extorquée sous la torture ou les mauvais traitements, pas même des « aveux », ne saurait être retenue à titre de preuve devant un tribunal, conformément aux normes internationales, notamment aux traités relatifs aux droits humains auxquels le Maroc est partie. Les autorités doivent veiller à ce que Fouad Mourtada bénéficie d’un nouveau procès dans le respect des normes internationales d’équité ou soit remis en liberté une fois sa condamnation annulée.

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