MAROC ET SAHARA OCCIDENTAL - Des défenseurs des droits humains incarcérés au terme d’un procès douteux

Index AI : MDE 29/010/2005

DÉCLARATION PUBLIQUE

L’incarcération de sept défenseurs des droits humains sahraouis ce mercredi 14 septembre 2005 au terme d’un procès qui n’a duré que quelques heures constitue un grave recul pour les droits humains au Sahara occidental, gouverné par le Maroc depuis 1975.

Selon Amnesty International, ce procès, qui a également abouti à la condamnation de sept autres personnes poursuivies pour avoir participé à des manifestations antimarocaines, n’a pas respecté les normes d’équité. Aussi l’organisation se trouve-t-elle confortée dans sa conviction que les sept défenseurs des droits humains sont sans doute des prisonniers d’opinion.

Amnesty International connaît bien ces sept personnes, qui militent depuis longtemps en faveur des droits fondamentaux. Elles ont contribué pour ¬une large part à rassembler des informations sur les violences commises par les forces marocaines dans le cadre de manifestations organisées cette année en vue de réclamer l’indépendance ou l’autonomie du Sahara occidental vis-à-vis du Maroc.
Le 14 décembre, la Cour d’appel de Laayoune a condamné les 14 accusés à des peines d’emprisonnement, au terme d’un procès au cours duquel ils n’ont pas été autorisés à faire citer des témoins à décharge. Ils ont été reconnus coupables de divers chefs d’inculpation, pour la plupart liés à la participation et l’incitation à des protestations violentes. Les sept défenseurs des droits humains ont été incarcérés pour des périodes allant de sept mois à deux ans et leurs sept coaccusés de six mois à trois ans.

S’agissant des défenseurs des droits humains, Aminatou Haidar a été condamnée à une peine de 7 mois d’emprisonnement, Ali Salem Tamek à 8 mois, Mohamed El Moutaouakil, Houssein Lidri, Brahim Noumria et Larbi Messaoud à 10 mois chacun et Hmad Hammad à 2 ans.

Amnesty International met sérieusement en doute l’équité de ce procès.

 Des preuves sujettes à caution

Selon certaines informations, les condamnations se fondent presque exclusivement sur les déclarations écrites de policiers qui ont affirmé que les accusés avaient reconnu leur culpabilité. Toutefois, les accusés ont déclaré soit n’avoir jamais fait de tels aveux soit les avoir faits sous la torture ou d’autres mauvais traitements infligés lors de leur détention. La cour a retenu les déclarations des policiers à titre de preuve sans examiner dûment les allégations des accusés. D’après les avocats de la défense, tous les accusés avaient refusé de signer des « aveux » lors de leur détention provisoire et ont contesté lors du procès les charges retenues contre eux.

 Aucun témoin à décharge

Les avocats de la défense ont demandé à faire citer des témoins, notamment des personnes à même de contester les déclarations des policiers ; mais la cour a rejeté toutes ces requêtes, semble-t-il sans justification. Or, le droit des accusés de faire citer et d’interroger des témoins est une clef de voûte du droit de la défense dans le cadre d’un procès équitable.

Amnesty International a envoyé Samir Ben Amor, avocat tunisien spécialisé dans la défense des droits humains, en tant qu’observateur à la première audience du procès, qui devait s’ouvrir le 30 novembre 2005. Toutefois, l’affaire a été presque immédiatement suspendue. En effet, rompant de manière surprenante et inexpliquée avec la pratique courante, les autorités n’ont pas fait comparaître les accusés devant le tribunal avant la fin de la première journée, ce qui a conduit leurs avocats à se retirer en guise de protestation.

Les 14 prévenus sont toujours incarcérés à la prison civile de Laayoune. Ils ont 10 jours pour décider de faire appel de la décision de la cour. Un huitième défenseur des droits humains, Brahim Dahane, est également maintenu en détention et doit comparaître en justice séparément. Amnesty International pense qu’il pourrait lui aussi être un prisonnier d’opinion.

L’organisation redoute que les condamnations prononcées par la Cour d’appel de Laayoune ne compromettent le travail en faveur des droits fondamentaux au Sahara occidental, où les défenseurs des droits humains ont à maintes reprises été pris pour cible ces dernières années parce qu’ils recensaient et dénonçaient les violations des libertés fondamentales imputables aux autorités marocaines sur ce territoire.

Complément d’information

Pour en savoir plus sur les préoccupations d’Amnesty International concernant ces affaires, veuillez consulter les documents suivants :

 Maroc et Sahara occidental. Des défenseurs des droits humains sahraouis pris pour cible (index AI : MDE 29/008/2005), rapport d’une quinzaine de pages publié le 24 novembre 2005 ;

 Maroc et Sahara occidental. Des défenseurs des droits humains comparaissent en justice (index AI : MDE 29/009/2005), déclaration publique diffusée le 28 novembre 2005

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