Suleiman Raissouni observe une grève de la faim depuis le 8 avril pour protester contre sa détention et son maintien prolongé à l’isolement. Arrêté en mai 2020 et inculpé d’agression sexuelle, ce journaliste est détenu seul dans une cellule, sans véritable contact avec quiconque, pendant plus de 22 heures par jour. Il souffre d’hypertension chronique, pathologie qui nécessite un traitement régulier. Depuis qu’il a entamé sa grève de la faim, il a perdu 31 kilos et son état de santé s’est fortement dégradé.
« Suleiman Raissouni est dans un état critique et a absolument besoin de soins spécialisés. Les autorités marocaines doivent de toute urgence faire en sorte qu’il soit soigné par un médecin indépendant de son choix et que sa famille et ses avocats puissent consulter son dossier médical », a déclaré Amna Guellali, directrice régionale adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.
« Quelles que soient les charges qui pèsent sur un détenu, les autorités marocaines ont l’obligation de respecter les normes internationales relatives au traitement des prisonniers et prisonnières. Elles doivent immédiatement mettre un terme au confinement prolongé auquel est soumis Suleiman Raissouni, qui constitue une violation de l’interdiction de la torture. »
« Les autorités marocaines doivent de toute urgence faire en sorte qu’il soit soigné par un médecin indépendant de son choix et que sa famille et ses avocats puissent consulter son dossier médical »
Bien que Suleiman Raissouni reçoive la visite d’une infirmière une ou deux fois par jour pour contrôler sa tension et ses taux de sucre et de magnésium dans le sang, ainsi que celle d’un médecin une ou deux fois par semaine, ses avocats et sa famille estiment que ces soins sont insuffisants car le journaliste souffre d’hypertension chronique et, depuis peu, a du mal à marcher en raison d’une douleur à la jambe droite.
Lors de sa dernière comparution devant un juge le 18 mai, il était trop faible pour parler. L’audience a été reportée au 3 juin.
Le jour où Suleiman Raissouni a entamé sa grève de la faim, les gardiens de la prison ont fouillé sa cellule et saisi ses effets personnes à titre de représailles. Il a cessé de s’hydrater jusqu’à ce qu’on lui rende ses affaires six jours plus tard. Il a aussi été transféré dans une autre cellule proche de la cuisine de la prison.
Les gardiens ont par ailleurs renforcé la surveillance de ses communications avec sa famille, restant à côté de lui pour écouter ses conversations téléphoniques.
« [Les autorités marocaines] doivent immédiatement mettre un terme au confinement prolongé auquel est soumis Suleiman Raissouni, qui constitue une violation de l’interdiction de la torture »
Suleiman Raissouni, journaliste pour le journal indépendant Akhbar al Yaoum, est accusé d’agression sexuelle sur un homme gay en 2018. Il est notamment inculpé de « séquestration et violence » et d’« attentat à la pudeur ».
Il est indispensable que toutes les accusations d’agression sexuelle fassent l’objet d’une enquête satisfaisante et que les auteurs présumés de tels actes soient traduits en justice. Toutefois, quelle que soit la gravité des charges retenues contre Suleiman Raissouni, les autorités doivent veiller à ce qu’il soit traité de façon équitable et qu’il bénéficie d’une audience impartiale visant à déterminer s’il peut être libéré sous caution.
Complément d’information
Deux jours avant son arrestation le 20 mai 2020, Suleiman Raissouni avait publié un éditorial [1] critiquant les autorités. Il y mentionnait les noms d’Abdellatif Hammouchi, chef de la Direction générale de la sûreté nationale et de la Direction générale de la surveillance du territoire, et de Mohamed Abdenabaoui, président du Ministère public, reprochant aux autorités de poursuivre en justice des milliers de personnes pour violations de la législation sur l’état d’urgence sanitaire dans le cadre de la pandémie de COVID-19.
En mars 2021, la direction d’Akhbar al Yaoum a annoncé devoir cesser la publication du journal en raison du harcèlement et de l’emprisonnement de ses journalistes, ainsi que de difficultés financières. En 2019, son rédacteur en chef, Taoufik Bouachrine, avait été condamné à 15 ans de prison après avoir été reconnu coupable, entre autres, d’agression sexuelle.