Maroc : L ’ONU doit effectuer un suivi des droits humains au Sahara occidental

Le suivi indépendant, impartial, global et continu des droits humains doit occuper une place centrale dans le cadre du maintien de la présence de l’ONU au Sahara occidental et dans les camps de réfugiés sahraouis.

Amnesty International le 10 octobre 2018, demande au Conseil de sécurité de l’ONU de renforcer la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) en ajoutant à son mandat le suivi et le compte-rendu de la situation des droits humains.

Le Conseil de sécurité de l’ONU doit voter la prolongation du mandat de la MINURSO le 29 octobre. Il s’agit de la seule mission moderne de maintien de la paix des Nations unies n’ayant pas de mandat relatif aux droits humains. Des atteintes à ces droits ont été commises par les deux camps – les autorités marocaines et le Front Polisario, mouvement indépendantiste – au cours des 40 années de conflit autour de ce territoire.

Absence de mÉcaniSMe indÉpendant de suivi des droits humains

Les autorités marocaines qui gèrent de facto le territoire situé à l’ouest du mur de sable de 2 700 km qui sépare les zones du Sahara occidental contrôlées par le Maroc et le Polisario affirment que le Conseil national des droits de l’homme du Maroc (CNDH) joue un rôle dans la protection des droits humains sur le territoire. Le Conseil dispose de deux commissions régionales, la première couvrant Smara, Boujdour, Laâyoune et Tarfaya (cette localité n’étant pas située au Sahara occidental) et la seconde couvrant Aousserd et Dakhla-Oued Eddahab. Depuis 2011, toutes les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU sur le renouvellement de la MINURSO mentionnent brièvement le CNDH dans leur préambule.

Le fait que le président et au moins neuf des 27 membres du CNDH soient nommés par le roi du Maroc fait planer une menace sur son indépendance et son impartialité.

Il faut sans attendre mettre sur pied un mécanisme totalement indépendant et impartial au sein de la mission de maintien de la paix de l’ONU, doté du mandat et des ressources lui permettant d’effectuer un suivi efficace et constant des atteintes aux droits humains commises au Sahara occidental et dans les camps de Tindouf.

Restrictions continues imposÉes À la libertÉ d’expression, d’association et de rÉunion À l’ouest DU MUR DE SABLE

L’année dernière, Amnesty International a continué de recenser des violations des droits humains au Sahara occidental, notamment des restrictions arbitraires imposées au droit de réunion pacifique et à la liberté d’expression, et un recours arbitraire et abusif à la force contre les manifestants et militants favorables à l’autodétermination du Sahara occidental.

Du 28 juin au 1er juillet, Horst Köhler, l’envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental, s’est rendu dans la région, et a organisé des rencontres à Laâyoune, Smara et Dakhla en vue de relancer les négociations entre les parties. Lors de son séjour, les manifestations pacifiques de militants favorables à l’autodétermination ont été dispersées avec violence par les forces de sécurité marocaines.

Dans une vidéo du 28 juin analysée par Amnesty International, on peut voir au moins 12 policiers marocains disperser avec violence une manifestation pacifique à Laâyoune, le jour de la visite de Horst Köhler. La vidéo montre une trentaine de manifestants tenant des drapeaux et scandant des slogans en faveur de l’autodétermination dispersés par des policiers qui poussent au moins deux femmes à terre. On voit également des policiers arracher un drapeau du Sahara occidental des mains d’une femme, enlever le voile d’une autre et frapper au moins deux hommes. Selon le président de l’Association sahraouie des victimes des violations graves des droits de l’homme commises par l’État marocain (ASVDH), une membre de l’association couvrant les manifestations a déposé plainte après avoir été frappée. Son appareil photo, saisi par les forces de sécurité, ne lui a jamais été restitué.

Dans une autre vidéo filmée au Sahara occidental en septembre 2018, on peut voir la police faire un usage excessif de la force : des manifestants pacifiques s’opposant à un accord sur la pêche entre l’UE et le Maroc sont violemment dispersés.

Dans son rapport au Conseil de sécurité en avril 2017, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres mentionnait qu’il restait très difficile pour plusieurs organisations sahraouies de défense des droits humains de mener leurs activités car, le gouvernement du Maroc ayant rejeté leurs demandes d’enregistrement, elles ne sont pas reconnues d’un point de vue légal. En date du mois d’octobre 2018, seule l’ASVDH s’est vu accorder cette reconnaissance.

La surveillance intense, allant parfois jusqu’au harcèlement, qu’exercent les autorités marocaines sur les défenseurs sahraouis des droits humains demeure très préoccupante. Le militant sahraoui Mohamed Dihani a déclaré à Amnesty international que depuis sa sortie de prison en juin 2015, il est sous étroite surveillance dès qu’il quitte son domicile. Il est aussi en butte à des restrictions administratives et a reçu son passeport un an et demi après en avoir fait la demande. Des journalistes américains de Democracy Now ! ont récemment évoqué l’étroite surveillance à laquelle ils ont été soumis par les autorités marocaines lors de leur visite dans la région en 2016.

Des restrictions continuent d’être imposées à ceux qui veulent entrer au Sahara occidental pour soutenir les victimes de violations des droits humains. Le 13 février, les avocates françaises spécialisées dans la défense des droits humains Ingrid Metton et Olfa Ouled ont été expulsées du Maroc à leur arrivée à l’aéroport de Casablanca. Elles avaient prévu de rendre visite aux prisonniers qu’elles représentent, qui avaient été déclarés coupables en lien avec les affrontements meurtriers qui ont suivi le démantèlement forcé du camp de contestataires de Gdeim Izik, au Sahara occidental, en 2010.

Situation opaque dans les camps de Tindouf, contrÔlÉs par le Front Polisario

Un suivi continu de l’ONU en matière de droits humains est également requis dans les camps de Tindouf, où l’accès aux informations concernant la situation sur le terrain est limité, exposant les habitants au risque d’atteintes aux droits humains et les privant de recours pour amener les responsables à rendre des comptes. Des informations crédibles font état d’agitation parmi les jeunes habitants frustrés face à la lenteur des progrès vers la résolution d’un conflit qui dure depuis plus de 40 ans. Le Front Polisario n’a pris aucune mesure pour mettre fin à l’impunité dont bénéficient ceux qui sont accusés d’avoir commis des atteintes aux droits humains dans les camps qu’il contrôle.

Restrictions imposÉes À la MINURSO

La Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) a été établie en 1991 pour intervenir dans le territoire annexé par le Maroc en 1975, ainsi que dans les camps de réfugiés sahraouis situés à Tindouf, dans le sud-ouest de l’Algérie. Depuis lors, son mandat l’engage à veiller au respect du cessez-le-feu entre les forces armées marocaines et le Front Polisario, et à mettre sur pied un référendum afin de déterminer le statut définitif du Sahara occidental.

En mars 2016, les autorités marocaines ont forcé les Nations unies à procéder au retrait de dizaines de membres de son personnel civil et à fermer un bureau de liaison militaire pour la MINURSO, après que le secrétaire général de l’époque, Ban Ki-moon, a fait référence à l’« occupation » du Sahara occidental par le Maroc lors d’une visite dans les camps de Tindouf. En décembre de la même année, la MINURSO retrouvait sa pleine fonctionnalité.

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