MAROC / SAHARA OCCIDENTALDe plus en plus de cas de détention secrète et de torture signalés à Amnesty International

Index AI : MDE 29/001/2003

Amnesty International a exprimé ce vendredi 21 février son soutien aux
appels lancés par des organisations de défense des droits humains au Maroc
et les militants qui ont manifesté jeudi 20 février devant le parlement
marocain pour protester contre le projet de « loi anti-terrorisme » du
gouvernement.

« Nous sommes particulièrement préoccupés par certaines dispositions du
projet de loi qui visent à élargir le champ d’application de la peine de
mort et à allonger la durée légale de détention avant inculpation formelle,
période au cours de laquelle les risques de torture ou de mauvais
traitements sont les plus grands », a déclaré l’organisation.

Le 14 février 2002, Amnesty International a adressé un courrier au Premier
ministre du Maroc, Son Excellence Driss Jettou, exprimant les graves
préoccupations de l’organisation concernant les modifications envisagées au
niveau de la législation et les cas de plus en plus nombreux de torture,
mauvais traitements et détention secrète qui lui ont été signalés au cours
de ces derniers mois.

Si l’organisation accueille avec satisfaction les assurances données
publiquement par les autorités marocaines selon lesquelles les droits
humains seront respectés si le nouveau projet de loi est adopté, davantage
de garanties doivent être mises en place pour que les mesures prises au nom
de la sécurité ne le soient pas au détriment de la protection des droits
humains.

Au cours des neuf derniers mois ont été signalés à Amnesty International de
nombreux cas de détenus torturés ou victimes de mauvais traitements lors de
leur détention pour les pousser à des aveux ou les forcer à signer des
déclarations qu’ils refusaient de faire ou qu’ils réfutaient. De nombreux
cas concernaient des islamistes qui se trouveraient en détention secrète et
seraient accusés d’être impliqués dans des actes de violence ou dans leur
préparation.

« Après avoir à plusieurs reprises salué une diminution du nombre de cas de
détention secrète, de torture et de mauvais traitements au cours de ces
dernières années, nous sommes aujourd’hui gravement préoccupés de voir ces
pratiques à nouveau augmenter. »

Amnesty International craint que les cas de dix Saoudiens et Marocains,
hommes et femmes, actuellement jugés pour un projet d’attentat qu’ils
auraient planifié contre des navires de guerre de l’OTAN dans le détroit de
Gibraltar et contre des cafés et des autobus à Marrakech, ne soient qu’un
exemple parmi d’autres tendant à prouver que les autorités ont renoué avec
la pratique de la détention secrète et de la torture.

Les 12 et 13 mai 2002, trois ressortissants saoudiens, Zouhair Hilal Mohamed
al-Tubaiti, Hilal Jaber Awad al-Assiri et Abdellah Misefer Ali al-Ghamdi ont
été arrêtés, semble-t-il par des membres des services secrets (la Direction
de la Surveillance du Territoire). Ils auraient été placés en détention
secrète pendant un mois, durant lequel leurs familles n’ont pas été
informées ni de leur arrestation ni de leur sort ; les détenus n’ont pas eu
accès aux services d’un avocat, en violation du droit marocain et des normes
internationales en matière de droits humains.

Les trois Saoudiens disent avoir été torturés régulièrement durant les
interrogatoires auxquels ils ont été soumis pendant leur détention secrète.
Suspension par les poignets, passages à tabac et menaces de viols de leurs
épouses s’ils ne signaient pas des « aveux » auraient été les tortures
employées.

Les trois Marocaines accusées dans cette affaire, Bahija Haidur, Huriya
Haidur et Naíima Harun, auraient été frappées et menacées de viol pour les
forcer à avouer.

Amnesty International rappelle aux autorité marocaines leurs obligations au
titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
(PIDCP), qui proscrit de façon absolue la torture en toutes circonstances,
ainsi que leurs obligations au titre de la Convention des Nations unies
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants.

Complément d’information
Le Code de procédure pénal marocain établit des limites strictes en ce qui
concerne la garde à vue. De plus, l’article 9(3) du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) stipule
que : « Tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale sera
traduit dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité
habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires… » Le Comité des
droits de l’homme des Nations unies a déclaré à ce sujet que « les délais ne
devraient pas être supérieurs à quelques jours. » Amnesty International
craint qu’au moins les trois ressortissants saoudiens n’aient subi une
violation des droits que leur garantit l’article 9(3) du PIDCP.
Selon les informations dont dispose Amnesty International, les trois hommes
ont été arrêtés les 12 et 13 mai 2002 et n’ont comparu devant un juge que le
13 juin. L’organisation a noté avec préoccupation que sur certains documents
officiels la date de leur arrestation aurait été portée au 12 juin. Amnesty
International avait attiré l’attention des autorités marocaines durant les
années 90 et auparavant, sur les nombreuses allégations faisant état de
falsification des dates d’arrestation sur les rapports officiels dans le but
de masquer la pratique de la détention secrète ; au cours de ces dernières
années, l’organisation avait salué les mesures positives prises par le
gouvernement marocain pour remédier à cette situation.
En outre, Amnesty International craint que le projet de « loi
anti-terrorisme » ne mette en danger les libertés publiques et individuelles
au Maroc : au titre de l’article 218(5) du projet de loi, certains délits
jusqu’alors passibles d’emprisonnement à vie pourraient, s’ils sont
redéfinis comme « actes de terrorisme » au titre de l’article 218(1), être
passibles de la peine de mort. Au titre de l’article 66 du projet de loi,
les personnes accusées, entre autres, d’atteinte à la sécurité interne de
l’État, pourraient être gardées à vue pendant une durée légale de cent
quarante-quatre heures. Actuellement, la garde à vue pour ce type de délit
est limitée à quatre-vingt seize heures, selon l’article 68 du Code de
procédure pénale.

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